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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
© France-Spiritualités™






FRAGMENT I : LA VOIX DU SILENCE
Chapitre II : Les pouvoirs supérieurs et les pouvoirs inférieurs

      Ces instructions sont pour ceux qui ignorent les dangers des Iddhi inférieurs.

      Charles Webster Leadbeater : A cette phrase initiale du premier fragment, Mme Blavatsky ajoute la note suivante :

      Le mot pali Iddhi est synonyme du sanscrit Siddhi et signifie les facultés psychiques, les pouvoirs anormaux de l'homme. Il y a deux espèces de Siddhis : un groupe contient les énergies psychiques et mentales inféirures, grossières ; l'autre exige le plus haut entraînement des pouvoirs spirituels. Comme dit Krishna dans le Shrimad Bhagavat :

      « Celui qui s'est engagé dans l'accomplissement de Yoga, qui a soumis ses sens et concentré son esprit en moi (Krishna), est un des Yoguis que tous les Siddhis sont prêts à servir.
»

      Que de malentendus au sujet des facultés psychiques ! L'étudiant s'épargnera bien des peines en s'appliquant tout d'abord à s'en faire une idée raisonnable. Pour commencer : point de méprise sur l'interprétation du mot « anormal ». Ces pouvoirs sont exclusivement anormaux en ce sens qu'ils sont pour le moment peu communs – et pas du tout dans le sens qu'ils seraient contraires en rien aux lois naturelles. Pour chacun, ils sont parfaitement naturels ; en chacun ils se trouvent, bien que latents, dès aujourd'hui. Quelques personnes les ont développés et rendus actifs, mais la plupart n'ayant encore fait pour cela aucun effort, leurs pouvoirs restent endormis.

      La façon la plus simple de saisir l'idée générale est de se rappeler que l'homme est une âme et qu'il se manifeste sur divers plans au moyen de corps appropriés à ces plans. Agir, voir ou entendre dans ce monde physique ne lui est possible qu'en employant un corps fait de matière physique. De même, s'il veut se manifester dans le monde astral, il a besoin d'un véhicule astral, car le corps physique y est inutile et même invisible., tout comme le corps astral est invisible à nos yeux physiques. De même encore, l'homme doit faire usage de son corps mental pour vivre sur le plan mental.

      Développer la faculté psychique, c'est apprendre à employer les sens de nos divers corps. Un homme ne peut-il se servir que de ses sens physiques, il voit et entend uniquement les choses du monde physique ; apprend-il à faire usage des sens de son corps astral, il peut de plus voir et entendre les choses du monde astral. Il s'agit tout simplement d'apprendre à répondre à des vibrations additionnelles. Examinez, dans un traité de physique quelconque, la table des vibrations ; vous verrez que beaucoup d'entre elles n'éveillent en nous aucune réponse. Quelques-unes s'adressent à nos oreilles, et nous les entendons comme ondes sonores ; d'autres impressionnent nos yeux, et nous les appelons rayons lumineux. Cependant, entre ces deux catégories, comme au-dessus et au-dessous d'elles, prennent place des milliers d'autres oscillations qui n'exercent aucune influence sur nos sens physiques. Il est possible à l'homme de se développer de telle sorte qu'il devienne sensible à toutes ces ondulations de l'éther, et même de matière plus raréfiée que l'éther. Nous appelons clairvoyant ou clairaudient l'homme qui a fait cela, parce que chez lui, la vue et l'ouïe sont plus étendues que chez un homme non développé.

      Les avantages présentés par un semblable développement de la vision intérieure sont considérables. L'homme qui la possède se trouve disposer d'un monde nouveau et bien plus vaste ou, en termes plus exacts, il constate que le monde où il a toujours vécu présente des extensions et des possibilités de tout genre, complètement inconnues jusqu'alors. Ses études ont pu lui faire connaître la présence, partout autour de lui, d'une vie non-physique immense et complexe – règnes de devas et d'esprits de la salure – multitudes humaines qui, durant le sommeil ou après la mort, ont abandonné leurs corps physiques – énergies et influences les plus diverses qu'il suffit de comprendre pour être capable de les évoquer et de les employer – mais voir tout cela personnellement au lieu de se borner à y croire, l'étudier directement et le soumettre à l'expérience, voilà qui enrichit l'existence et lui donne beaucoup plus d'intérêt. L'homme capable de suivre ainsi, sur des plans supérieurs, les résultats de sa pensée et de son action, devient par cela même plus susceptible d'agir et plus utile. Les avantages conférés par un semblable épanouissement de conscience sont évidents. Mais le revers de la médaille ? Mme Blavatsky mentionne les dangers de ce développement qui comporte deux genres, l'inférieur et le supérieur. Occupons-nous d'abord du premier.

      Tout renseignement d'origine extérieure parvient à l'homme au moyen de vibrations ; celles de l'air transmettent à ses oreilles les sons ; celles de la lumière présentent à ses yeux divers spectacles. S'il voit des objets et des êtres vivants appartenant aux mondes astral et mental, ce ne peut être que par l'impact de vibrations astrales et mentales sur les corps respectivement capables d'y répondre, car l'homme voit le monde astral uniquement par les sens de son corps astral et le monde mental par ceux de son corps mental.

      Dans chacun de ces mondes, comme dans celui-ci, existent des types de matière plus ou moins grossiers et plus ou moins fins. Généralement parlant, les radiations des types plus subtils sont désirables, celles des plus grossiers ne le sont décidément pas. L'homme possède en soi les deux genres de matière ; par suite, il est capable de répondre à toutes les vibrations, supérieures ou inférieures ; à lui de choisir. S'il exclut toutes les influences inférieures et n'accepte que les supérieures, celles-ci peuvent lui être d'un grand secours, même sur les niveaux astral et mental. Cependant, Mme Blavatsly n'admet pas ces dernières, même comme aides temporaires ; elle les réunit sous l'appelation « énergies psychiques et mentales inférieures grossières » et nous invite à nous élancer vers des plans bien plus élevés, où ne sont plus à craindre les illusions de la personnalité. Elle juge sans doute que les dangers du développement psychique ordinaire ne sont pas compensés par ses avantages, mais, comme à un moment donné, l'évolution du disciple s'accompagne toujours d'un certain degré de développement semblable, elle nous prévient que sur divers points une extrême circonspection s'impose.

      Personnellement, au cours des quarante années écoulées depuis que Mme Blavatsky écrivait ces lignes, nous avons pu constater chez plusieurs étudiants la nature de ces dangers. C'est d'abord l'orgueil, et il compte pour beaucoup. La possession d'une faculté qui, bien que l'héritage de toute l'humanité, est encore très rarement manifestée, inspire souvent au clairvoyant novice l'idée qu'il est (ou, plus souvent encore, qu'elle est) très au-dessus de son prochain, choisi par le Tout-Puissant pour accomplir une œuvre d'i:mportance mondiale, doué d'un infaillible discernement, choisi et placé sous la direction des anges pour fonder une dispensation nouvelle, et ainsi de suite... Rappelez-vous que, de l'autre côté du voile, se trouvent toujours en grand nombre des entités folâtres et malicieuses, qui ne demandent qu'à encourager toutes ces illusions, à refléter toutes ces pensées et à leur donner corps, et à remplir tout rôle d'archange ou d'esprit directeur qui leur est suggéré. Par malheur, il est extrêmement facile de persuader l'homme moyen qu'il n'est pas au fond le premier venu, mais au contraire tout à fait digne de recevoir une révélation spéciale, même si ses amis, aveugles ou prévenus, ont jusqu'alors trouvé moyen de ne pas l'apprécier à sa juste valeur.

      Un autre danger, peut-être le plus grand parce qu'il engendre tous les autres, est l'ignorance. Si le clairvoyant connaît un peu son sujet, s'il comprend un peu les conditions spéciales des autres plans que pénètre maintenant sa vision, comment pourrait-il se croire la seule personne qui ait jamais été l'objet d'une telle faveur, ni se dire avec complaisance qu'il est infaillible. Mais s'il est, comme tant d'autres, profondément ignorant de l'histoire, des conditions particulières et de tout le reste, il est exposé d'abord à commettre erreur sur erreur au sujet de ce qu'il voit, ensuite à s'offrir en proie facile à tous les genres d'entités rusées et trompeuses du plan astral. Il n'a aucun critérium lui permettant de juger ce qu'il voit ou croit voir, aucune façon de mettre à l'épreuve ses visions ou ses communications, par suite aucun sentiment des proportions ni des convenances ; d'une maxime tirée d'un cahier d'écolier, il fait un fragment de la sagesse divine et de la dernière des platitudes un message angélique. D'autre part, n'ayant même pas une connaissance élémentaire des sujets scientifiques, il est souvent incapable de comprendre ce que ses facultés lui permettent de distinguer et, en conséquence, formule gravement les plus grossières absurdités.

      Le troisième danger est celui de l'impureté. L'homme aux pensées, à la vie, aux intentions pures, exempt d'égoïsme, se trouve par cela même garanti contre l'influence des entités indésirables appartenant à d'autres plans. Rien en lui pour leur donner prise ; elles ne peuvent se servir de lui. Par contre, toutes les bonnes influences entourent naturellement cet homme : elles s'empressent de l'employer comme canal de leur action, ce qui élève autour de lui une nouvelle barrière qui le préserve de tout ce qui est vil, bas et pervers. Au contraire, l'homme dont la vie ou les motifs sont impurs attire inévitablement tous les pires éléments du monde invisible qui l'entoure de si près ; il est disposé à leur répondre ; quant aux forces du bien, elles ne peuvent guère faire la moindre impression sur lui.

      Mais un clairvoyant conscient de tous ces dangers, qui s'efforce de les éviter, se donne la peine d'étudier l'histoire de la clairvoyance et son analyse raisonnée, et joint des motifs purs à l'humilité du cœur – cet homme-là peut assurément acquérir beaucoup de connaissances, grâce aux facultés qui viennent de naître en lui et en tirer le plus grand profit pour l'accomplissement de sa tâche.

      Les Siddhis sont énumérés fort longuement dans le troisième chapitre des Yoga Soutras de Patanjali ; ils s'acquièrent, dit cet auteur, de cinq façons – de naissance, par les stupéfiants, par les mantras, par tapas et par samadhi.

      Nous somms nés dans tel ou tel corps ; il est le résultat de nos actions au cours d'incarnations précédentes et, si la nature nous a pourvus de facultés psychiques, nous pouvons être certains d'avoir, d'une façon quelconque dans nos vies passées, cherché à les acquérir. De nos jours, beaucoup de clairvoyants chez lesquels la faculté a été facilment éveillée sans pour cela coïncider avec une bien haute spiritualité, ont passé jadis par des expériences comme celles des vestales en Grèce ou à Rome ; des yogis indiens peu élevés ou même des « hommes-médecine » chez les diverses tribus à demi sauvages, enfin des « femmes sages » du moyen-âge ; à cet égard, la diversité a toujours été très grande.

      Ce qu'il adviendra de ces clairvoyants, la direction donnée à leurs vies spirituelles, tout cela dépend surtout des personnes avec lesquelles leur Karma les met en rapport. Si ce Karma est assez bon pour les amener à la Théosophie, ils auront l'occasion d'acquérir quelques notions concernant ces facultés naissantes et de recevoir dans l'Ecole ésotérique un entraînement destiné à leur inculquer, avec les qualités de caractère préliminaires, la pureté physique et magnétique prescrite par tout véritable occultiste ; aussi, un peu plus tard, pourront-ils développer sans danger leurs facultés psychiques et rendre de grands services à l'humanité.

      Si, d'autre part, ils viennent à connaître le spiritisme, ils risquent fort de s'engager dans une direction qui souvent conduit à la médiumnité passive, c'est-à-dire tout le contraire de notre but.

      Certains demandent au pseudo-occultisme des pouvoirs magiques, afin de satisfaire leur ambition personnelle, chemin qui présente les plus sérieux dangers. Tantôt ces personnes se mettent dans une condition passive et invitent des entités inconnues, appartenant au monde astral, à s'emparer de leurs auras et de leurs organes, afin de s'en servir ; tantôt elles se livrent à diverses pratiques de hatha yoga (il s'agit principalement de méthodes respiratoires) qui, malheureusement, se sont beaucoup répandues dans le monde occidental depuis une trentaine d'années. De ces pratiques résultent souvent des désordres graves, mentaux et physiques. Quant au contact obtenu avec les mondes inférieurs, c'est tout au plus s'il dépasse les niveaux astrals inférieurs, dont on ne peut attendre aucune influence édifiante.

      Au sujet de la seconde méthode ou emploi des drogues, il existe une note de Vyasa, dans son commentaire des Yoga Soutras, disant qu'elles sont employées « dans les maisons des asouras » afin d'éveiller les siddhis. Les asouras sont le contraire des souras et l'on peut traduire à peu près ce terme par « les impies » ; les souras sont les êtres du côté divin ; ils travaillent à l'évolution ascendante voulue par Dieu.

      Patanjali ne recommande pas cette méthode ; il se borne a énumérer les manières dont peuvent s'acquérir les siddhis. En étudiant les Soutras, on constate qu'il approuve uniquement la dernière des cinq méthodes citées par lui – celle qui est basée sur le samadhi ou contemplation.

      Nous pouvons comprendre jusqu'à un certain point l'action des drogues sur le corps lorsqu'elles sont employées pour éveiller les facultés psychiques, si nous nous rappelons que dans la quatrième race-mère, la clairvoyance par le système nerveux grand sympathique était très répandue. A cette époque, l'enveloppe astrale, trop peu organisée pour servir de corps ou véhicule de conscience, répondait d'une façon générale aux impressions produites par les objets du plan astral. Les impressions se reflétaient dans les centres sympathiques du corps physique, si bien que, dans le corps, la conscience recevait simultanément les impressions astrales et physiques et souvent sans pouvoir les distinguer. A vrai dire, dans les premiers âges de cette race et de la race lémurienne, l'activité du système sympathique dépassait de beaucoup celle du système cérébro-spinal ; les expériences astrales jouaient donc un plus grand rôle que les expériences physiques. Depuis lors, le système cérébro-spinal est devenu dans le corps physique le mécanisme de conscience le plus puissant ; par conséquent, l'homme a tourné de plus en plus son attention vers les expériences du plan physique qui s'imposaient à lui avec une insistance croissante. Enfin, pour cette raison, le système sympathique a cessé progressivement de jouer son ancien rôle de pourvoyeur d'impressions ; son rôle actuel est d'assurer, sans intervention de la volonté, de nombreuses fonctions organiques dont l'homme n'a plus à s'occuper, sa vie étant mentale, émotionnelle et spirituelle plutôt que physique.

      L'emploi des drogues présente donc un double inconvénient : non seulement elles troublent les fonctions normales de notre corps et rendent au système sympathique une prédominance indue, mais encore, au point de vue de l'acquisition des facultés psychiques, elles se bornent à réveiller ce système nerveux et à rendre de nouveau à la conscience physique la possibilité d'enregistrer les impressions venues du monde astral. Celles-ci procèdent en général de la région inférieure de ce plan, où se trouvent réunies toute la matière astrale et toute l'essence élémentale dont le rôle est d'exciter les passions et les désirs les moins élevés ; elles procèdent parfois de régions un peu plus hautes, dans la gamme des joies sensuelles, comme celles que nous trouvons décrites dans Le comte de Monte-Cristo, le célèbre roman de Dumas, ou dans les Confessions d'un mangeur d'opium, de Quincy ; cependant, elles ne valent guère mieux que les autres.

      Tout cela est absolument opposé au plan d'évolution arrêté pour l'humanité. Chacun est destiné à acquérir la clairvoyance et autres facultés semblables, mais pas de cette façon-là. D'abord, doivent être développés les corps astral et mental afin que, sur leurs plans respectifs, ils puissent servir de véhicules de conscience. Ensuite peuvent être éveillés les Chakras du double éthérique ; ceux-ci permettront aux connaissances précieuses acquises au moyen de ces corps supérieurs d'être amenées dans la conscience du plan physique. Mais tout cela ne doit s'effectuer qu'au moment et de la façon conseillés par le Maître. Rappelez-vous dans Aux Pieds du Maître le passage où l'instructeur dit : « Ne désirez pas les pouvoirs psychiques ».

      La troisième méthode mentionnée consiste à employer les mantras. Ce nom est donné à certaines formules de pouvoir usitées pendant la méditation ou dans les rites cérémoniels et dont la répétition est souvent constante. On les trouve dans les rituels chrétiens aussi bien qu'en Orient, comme nous l'avons expliqué dans La Science des Sacrements. Beaucoup de religions emploient donc certains sons et les associent à des images, à des symboles, à des signes et à des gestes, quelquefois à des danses.

      Le mot tapas, désignant la quatrième méthode est souvent associé à une extrême austérité, voire même aux tortures que l'on s'impose, consistant par exemple à tenir le bras étendu jusqu'à se qu'il se dessèche ou bien à s'étendre sur des pointes. Ces pratiques développent certainement la volonté, mais on peut arriver au même résultat par des méthodes différentes et préférables. Ces méthodes de hatha yoga ont le grand inconvénient d'empêcher le corps physique d'être mis au service de l'humanité, alors que pour l'œuvre du Maître rien n'est plus important. La volonté se développe tout aussi bien en tenant tête aux difficultés de l'existence que nous imposent la nature et le Karma ; il n'est pas nécessaire de nous en créer d'autres.

      Dans la Gîta, Shri Krishna s'élève en termes énergiques contre la superstition :

      « Les hommes qui accomplissent de sévères austérités, non ordonnées par les Ecritures, pleins de vanité et d'égoïsme, entraînés par la force de leurs désirs et de leurs passions, dénués d'intelligence, tourmentant les éléments qui forment le corps et Me tourmentant Moi aussi, qui réside dans le corps intérieur, sache que ces hommes sont asouriques (démoniaques) dans leurs intentions (3). » De pareilles absurdités ne peuvent constituer le vrai tapas. Ce mot signifie littéralement « chaleur » ; s'il est appliqué à la conduite humaine, l'équivalent qui s'en rapproche le plus en français est peut-être le mot « effort ». Sur ce point, la doctrine paraît signifier réellement : « Faites pour le corps ce que vous savez être bon pour lui, sans tenir compte du simple bien-être. Que la paresse, l'égoïsme ou l'indifférence ne vous empêchent pas de faire tout ce que vous pouvez pour maintenir votre personnalité en santé et en état de bien remplir la tâche qu'elle devrait entreprendre dans le monde (4). » Shri Krishna dit dans la Gîta :

      « La vénération des Etres Radieux, de ceux qui sont deux fois nés, des gourous et des sages, la pureté, la droiture, la chasteté et l'innocence, sont considérés comme étant l'austérité du corps.
      La parole qui ne cause pas d'ennui, vraie, agréable et utile, ainsi que les Ecritures Saintes, sont considérées comme étant l'austérité de la parole.
      La joie mentale, l'équilibre, le silence, la maîtrise de soi, la pureté intérieure, sont ce que l'on appelle l'austérité de l'âme (5). »

      Ces définitions données par Celui que la plupart des Hindous regardent comme la plus grande incarnation de la Dinivité, n'ont rien de commun avec les affreuses pratiques dont nous voyons parfois de si tristes exemples.

      C'est le cinquième moyen – le samadhi – que conseille Le Livre des Préceptes d'or, et, comme dans les Yoga Soutras et autres ouvrages classiques semblables, le samadhi doit être entrepris après dharana et dhyana, c'est-à-dire suivant la traduction ordinaire, après la concentration et la méditation, tandis que samadhi signifie la contemplation. La traduction, par un seul mot, d'une expression sanscrite laisse souvent à désirer. Les mots sanscrits, au cours des âges, ont acquis une merveilleuse complexité ; leur signification s'est enrichie de nuances nombreuses que ne peut rendre aucune expression anglaise. La seule manière de les comprendre est d'étudier les termes sanscrits dans leur contexte et dans les ouvrages anciens.

      Les siddhis peuvent se diviser en deux classes, non seulement comme supérieurs et inférieurs, mais aussi comme facultés et comme pouvoirs. Le monde agit sur nous par les sens, par nos facultés visuelle, auditive, etc., mais à notre tour nous agissons sur le monde. Cette dualité se retrouve dans nos activités hyperphysiques. Nous recevons des impressions par les facultés nouvellement acquises de nos véhicules astral et mental ; mais par elles, nous pouvons également agir. Les ouvrages hindous mentionnent babituellement huit siddhis : 1) anima, le pouvoir de se mettre à la place d'un atome – de devenir assez petit pour arriver à étudier cette chose minuscule ; 2) mahima, le pouvoir d'assumer des proportions énormes, afin de pouvoir sans désavantage arriver à connaître des choses immenses ; 3) laghima, le pouvoir de devenir aussi léger qu'une graine de côton emportée par le vent ; 4) garima, le pouvoir d'acquérir la densité et le poids des objets les plus pesants ; 5) prapti, le pouvoir de se déplacer à toute distance, même jusqu'à la lune ; 6) prakamya, la force de volonté permettant de réaliser tous les vœux et tous les désirs ; 7) ishatwa, le pouvoir de maîtriser et de créer ; enfin 8) vashitwa, le pouvoir de disposer de toutes choses. Ce sont « les grands pouvoirs », mais d'autres encore sont mentionnés, tels que le calme et le rayonnement du corps, la discipline des sens et des appétits, la beauté, la grâce et ainsi de suite.

      Dans nos études, nous qui appartenons aux temps modernes, nous envisageons tous ces problèmes à un point de vue trop différent de celui des auteurs hindous qui vivaient il y a plusieurs milliers d'années, pour qu'il nous soit toujours facile de les comprendre. Nous sommes le produit de notre époque et la formation quasi scientifique que nous recevons tous nous impose la nécessité mentale de mettre en ordre nos connaissances. Chacun essaie d'édifier pour son propre usage une théorie géneacute;rale de l'existence, théorie souvent assez naïve, où il cherche à introduire comme dans une niche tout fait nouvellement acquis ; y est-il parvenu, il accepte ce fait ; dans le cas contraire, il le rejettera sans doute malgré les témoignages les plus probants. Certaines personnes paraissent capables de croire, simultanément et sans en être troublées, à des choses contradictoires ; d'autres n'y arrivent pas et trouvent souvent fort pénible d'avoir à reconstruire leur édifice intellectuel pour y admettre un fait nouveau – si pénible qu'assez souvent elles s'en dispensent, en oubliant ou en niant le fait. Nos frères indiens d'autrefois me semblent avoir catalogué leurs observations et en être restés là, sans chercher à les relier entre elles, ni à les rattacher soit aux divers plans où elles ont été recueillies, soit au genre de faculté lui les a rendues possibles.

      Sur cette liste de siddhis, nous n'avons pas de peine à reconnaître le premier et le second pouvoir ; il s'agit de moditications du foyer de la conscience ; nous les appelons quelquefois pouvoirs d'agrandissement et de diminution ; ils comportent l'adaptation de la conscience aux objets dont elle doit s'occuper, tour de force qui n'en est pas un pour l'occultiste instruit, bien qu'il ne soit pas facile sur le plan physique d'expliquer exactement la manière de procéder. Les troisième et quatrième mentionnent la possibilité de se rendre à volonté léger ou lourd ; pour y parvenir, il faut connaître et savoir employer l'énergie répulsive qui est le contraire de la gravité. Je ne suis pas sûr de la cinquième ; peut-être s'agit-il simplement de la faculté de se déplacer dans le corps astral, car la lune dont il est fait mention indique les bornes de la migration astrale ; mais je soupçonne plutôt qu'il s'agit de la faculté de déterminer à distance certains résultats par un effort de volonté. Les sixième et huitième ne représentent que des développements propres à la force de la volonté, mais des développements très remarquables ; il en est de même du septième auquel s'ajoutent les connaissances particulières exigées par la dématérialisation et la rematérialisation des objets. Je ne trouve dans cette liste aucune référence à la clairvoyance, soit dans l'espace, soit dans le temps.

      Notez que La Voix du Silence ne dit pas que les iddhis inférieurs ou appartenant aux corps astral et mental doivent être complètement négligés ; elle dit simplement qu'ils présentent de sérieux dangers. Nous nous en occuperons tout à l'heure, car pour atteindre le haut de l'échelle, il ne faut manquer aucun échelon.

      Qui veut entendre et comprendre la voix de Nada, « le son muet » doit apprendre la nature de Dharana.

      Deux notes se lisent au bas de la page :

      Le « son muet » ou la « Voix du Silence ». Littéralement, il faudrait petit-être lire : « la voix dans le sens spirituel », car le rnol Nada est l'équivalent sanscrit du terme senzar.
      Dhâranâ est la concentration intense et parfaite du mental sur quelque objet inférieur de perception, accompagnée d'un complet isolement de tout ce qui appartient à l'Univers extérieur, ou au monde des sens.


      Le mot traduit ici par concentration a pour racine dhri, tenir. Le mot dharana, terminé par une voyelle brève, signifie tenir ou supporter, dans un sens général, mais nous trouvons ici un substantif féminin spécial se terminant par une voyelle longue ; c'est un terme technique signifiant la concentration ou la discipline mentale.

      On l'interprète quelquefois comme une sorte de concentration ou de réflexion sur une pensée ou sur un objet donnés ; d'ailleurs, suivant les ouvrages indiens, ni la méditation, ni la contemplation ne peuvent réussir sans l'exercice préliminaire de dharana. Tant que le mental répond aux appels des plans physique, astral et mental inférieur, comment pourrait-il entendre le message que l'ego cherche, de ses propres plans supérieurs, à transmettre à la personnalité ?

      La concentration est nécessaire afin que l'attention se porte sur l'objet choisi et non sur l'activité incessante des véhicules inférieurs. L'habitude est de commencer la concentralion en choisissant des objets simples. On vint trouver un jour Mme Blavatsky et lui demander sur quoi il fallait méditer. « Là-dessus ! » répondit-elle, en jetant sur la table une boîte d'allumettes – ce qui étonna beaucoup ces personnes ; elles s'attendaient à recevoir le conseil de méditer sur Parabrahman ou sur l'Absolu. Il est très important que cette concentration ne s'accompagne d'aucune tension physique. Le Dr Besant nous a raconté que le jour où elle reçut de Mme Blavatsky sa première leçon de concentratlion, elle s'y mit avec une énergie extrême ; mais Mme Blavatsky l'arrêta, en disant : « Ma chère, on ne médite pas avec ses vaisseaux sanguins ! »

      Ce qu'il faut, c'est maintenir la tranquillité mentale : on contemple alors l'objet de la pensée avec un calme parfait, tout comme on regarde sa montre pour savoir l'heure – sauf que l'on veille à atteindre, sans la dépasser, la durée prescrite ou décidée pour l'exercice de concentration. On se plaint souvent que la méditation provoque des maux de tête et autres douleurs. Rien de tel ne devrait jamais arriver. En ayant soin de maintenir le corps physique tranquille et libre de toute espèce de tension, même dans les yeux, on constatera probablement que la concentration est beaucoup plus facile et plus efficace, sans aucun trouble ni danger physiques. Ce sujet a inspiré plusieurs auteurs, dont quelques-uns donnent les plus dangereuses indications. Toute personne désirant se documenter à cet égard devrait lire l'ouvrage du Professeur Wood, Concentration. A Practical Course (6). Le Dr Besant en a dit : « Il ne contient rien qui, mis en pratique, puisse faire le moindre mal physique, mental ou moral, à la personne qui veut parvenir à la concentration. »

      Dans sa note, H. P. B. associe dharâna au plan mental supérieur car, dit-elle, le mental doit être fixé sur un objet inférieur et retiré du domaine sensoriel, c'est-à-dire des mondes physique, astral et mental inférieur. Cette prescription concerne le candidat qui déjà suit le Sentier et prend pour but le Samadhi du plan nirvanique ou atmique ; pourtant les trois termes concentration, méditation et contemplation sont également pris dans leur sens général. Fixer l'attention sur un texte sacré – c'est se concentrer. L'étudier à tous les points de vue possibles, chercher à en pénétrer le sens, y découvrir une pensée nouvelle ou profonde ou obtenir un éclair d'intuition – c'est méditer. Fixer l'attention, sans faiblir et pendant un temps donné, sur la lumière reçue – c'est contempler. On a défini la contemplation comme une concentration pratiquée à l'extrémité supérieure de la ligne suivie par votre pensée ou par votre méditation. Pour commencer, l'étudiant oriental s'exerce communément sur un objet extérieur très simple ; d'où sa pensée passe intérieurement, ou s'élève vers un objet supérieur.


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(3)  Op. cit., XVII, 5-6.

(4)  Voyez Raja Yoga, par Ernest Wood, p. 18.

(5)  Op. cit., XVII, 14-16.

(6)  La Concentration – Cours pratique.




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