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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
© France-Spiritualités™






FRAGMENT III : LES SEPT PORTAILS
Chapitre XXIV : Les cinquième et sixième portes

      La tâche ardue est accomplie, ton labeur est presque fini. Le large abîme qui bâillait pour t'engloutir est presque franchi.
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      Tu as maintenant traversé le fossé qui entoure la porte des passions humaines. Tu as maintenant vaincu Mara et sa furieuse légion.
      Tu as nettoyé ton cœur de la souillure et tu l'as saigné du désir impur.


      Charles Webster Leadbeater : La tâche ardue est presque achevée pour le candidat ; donnons à ces mots leur juste sens. Le Nirmanakaya, placé infiniment plus haut, travaille encore et, peut-on dire, le Logos Lui-même travaille également. Mais peut-être devons-nous établir une distinction entre le pénible labeur consistant à éliminer les défauts de la personnalité, et la tâche glorieuse qui se poursuit sur les plans supérieurs quand la personnalité a été domptée.

      Même distinction à faire en ce qui concerne les efforts. Le travail incessant est une dure épreuve pour le corps physique, mais sur les plans de l'ego, le travail est une pure joie ; là, point de différence entre le travail et le jeu, tells que nous la connaissons sur les plans inférieurs. Du moment qu'un homme a constaté le grand sacrifice du Logos et la manière dont les Maîtres Se consacrent à Son œuvre, il lui devient impossible de ne pas s'y plonger aussi et de donner toute l'assistance dont il est capable.

      Il s'agit encore ici d'un homme dont la pureté est incomplète, parce qu'il garde des traces d'égoïsme. Est impure toute pensée qui en présente le moindre vestige, quelles que soient d'ailleurs ses autres qualités. C'est peut-être un léger sentiment d'orgueil, comme : « Ce que je fais là me vaudra la bonne opinion d'autrui. » Dans cette haute région traversée par le Sentier, voilà ce que l'on nomme impureté.

      Non seulement il faut l'écarter, mais il faut faire en sorte que jamais elle ne nous touche.


      Mais, ô glorieux combattant, ta tâche n'est pas encore achevée. Bâtis haut, Lanou, le mur qui doit enclore l'île sainte, la digue préservant ton esprit de l'orgueil et de la satisfaction donnés par la pensée que le grand exploit est accompli.
      Un sentiment d'orgueil endommagerait l'ouvrage. Oui, bâtis-le fort, de peur que l'élan furieux des vagues assaillantes, qui montent du grand océan de la Maya cosmique et viennent battre son rivage, n'engloutissent le pèlerin et l'île – oui, même quand la victoire est achevée.
      Ton « île » est le cerf ; tes pensées sont les chiens qui le harcèlent et le poursuivent dans sa course vers le fleuve de la vie. Malheur au cerf qui est rejoint par les démons aboyeurs avant d'avoir atteint la vallée du refuge, appelée « Jnan-marga », « le sentier de la connaissance pure.


      Pour se maintenir dans la position occupée, contre la pression immense des pensées de millions d'autres hommes – pression dont nous avons si souvent parlé –, l'aspirant a maintenant besoin d'une concentration énergique et d'une véritable puissance mentale. La force lui est nécessaire avant qu'il puisse pratiquer avec fruit la méditation qui l'élèvera jusqu'aux plus hauts sommets du plan bouddhique.

      L' « île », nous dit Mme Blavatsky, est l'ego supérieur ou moi pensant ; toute pensée basse doit en être éliminée, afin que la manifestation de cet ego devienne possible. Rien de plus éloigné cependant de la condition de médium. Faire évacuer un local ou permettre d'y entrer : la différence est énorme ; or, c'est la différence entre le yogui et le médium. C'est ce qui distingue aussi le Théosophe du Spirite. Tous deux conviennent que l'homme est éternel et que son progrès n'a pas de limites, mais le second pense qu'il est bon pour l'homme d'être le médium de bons esprits, le premier, au contraire, tient à conserver en toute circonstance sa conscience propre et positive, et soutient que tout ce que la médiumnité passive est capable de donner, la clairvoyance consciente nous le donne également.

      « Malheur au cerf qui est rejoint », dit Aryasanga, c'est-à-dire malheur à l'ego qui se laisse aller aux préjugés, parce qu'il n'a pas pu résister à la pression des pensées extérieures : il est devenu incapable d'atteindre la région de la pensée véritable.

      Mme Blavatsky dit du sentier de la connaissance pure (Jnana-marga) : « C'est littéralement le sentier de Jnana, le sentier de la connaissance pure, de Paramartha ou (en sanscrit) de Svasamvedana, le reflet évident en soi, analyseur du soi. » Pour les Hindous, Jnana est la connaissance supérieure, la sagesse ; ce n'est pas la connaissance inférieure ayant pour objet le monde et qui se nomme vijnana.


      Avant que tu puisses t'établir en Jnan-marga et l'appeler ta voie, ton âme doit devenir comme le fruit mûr du manguier ; aussi douce et tendre que sa belle pulpe dorée pour les douleurs d'autrui, aussi dure que son noyau pour tes propres affres et afflictions, ô conquérant du bien et du mal.
      Endurcis ton âme contre les ruses du Soi ; mérite pour elle le nom d'Ame-Diamant.
      Le diamant profondément enfoui dans le cœur palpitant de la terre ne peut jamais réfléchir les terrestres lumières, il en est ainsi de ton mental et de ton âme ; plongés en Jnana-marga, ils ne peuvent rien refléter du royaume illusoire de Maya.


      De notre affliction personnelle, Longfellow a chanté : Maintenant elle m'a quitté – elle est au fond des mers, – et les peines d'autrui – me couvrent seules de leur ombre.

      Nous devons faire mieux encore et ne laisser aucune peine nous couvrir de son ombre. En vous bornant à sentir la peine d'un autre, non seulement vous ne lui rendez pas service, mais vous ajoutez à son affliction. Si au contraire vous éprouvez une véritable sympathie, vous émettez des vibrations d'amour et vous aidez positivement votre frère. Le Maître éprouve toujours de la sympathie, mais jamais d'affliction. Il ne peut souffrir bien qu'Il soit un avec ceux qui souffrent, parce que, étant un avec eux, il connaît les joies de leur existence sur les plans supérieurs et la gloire ineffable de la condition vers laquelle ils évoluent avec une absolue certitude.

      Pour la plupart des hommes, le danger consiste, quand ils ont banni l'affliction de leurs cœurs, en une tendance à perdre du même coup leur sympathie ; dans ce cas, ils risquent de prendre le sentier de gauche, celui de la magie noire. Les frères de l'ombre deviennent complètement indifférents aux sentiments d'autrui comme à leurs sentiments propres ; ils étouffent sans pitié tous les sentiments ; ils n'y voient qu'un gaspillage d'énergie.


      Quand tu as atteint cet état, les portails que tu as à franchir sur le sentier ouvrent leurs portes toutes grandes pour te laisser passer et les plus puissantes forces de la nature ne possèdent pas le pouvoir d'arrêter ta course. Tu seras maître du septuple sentier ; mais pas avant, ô candidat à des épreuves indicibles.

      Ces épreuves indicibles ne sont probablement pas des dangers et des difficultés assez grands pour que la description en soit impossible, mais plutôt d'un genre ignoré des hommes ordinaires et connus de l'ego seul. La voie qu'Aryasanga fait suivre à ses élèves est pour l'ego une voie intérieure. Quand la personnalité a été domptée dans les mondes extérieurs, l'ego doit escalader les plans qui se trouvent au-dessus de lui ; il doit accomplir une tâche qui ne peut se décrire.

      Autre interprétation possible : le candidat se découvre capable de faire ce qu'il croyait au-dessus de ses forces. Ainsi, l'homme ordinaire serait porté à dire, par exemple, que l'altruisme et la pureté dont nous avons tant parlé ne sont pas à sa portée ; qu'elles sont tout à fait inaccessibles ; autant lui conseiller d'être parfait. Mais un jour viendra, s'il essaie d'acquérir ces qualités et ne laisse faiblir ni son désir ni ses efforts, où il constatera que le succès est parfaitement naturel et facile.

      L'homme ordinaire, déclarant telle chose impossible, refuse d'essayer, mais comme Napoléon, nous avons appris à effacer le mot impossible dans notre vocabulaire. Il n'est pas impossible, pour le lecteur de cette page, d'arriver à l'Adeptat en vingt-quatre heures ; il le pourrait s'il était doué d'une volonté suffisante ; mais cette volonté, personne, semble-t-il, ne la possède. Laissons de côté la question temps ; ce lecteur peut atteindre l'Adeptat ; à la condition de fixer les yeux sur le but et de se diriger vers lui sans penser à la fuite des jours ; il y parviendra en somme assez vite.


      Jusque-là, une tâche bien plus dure t'attend encore : tu dois te sentir toi-même toute pensée, et pourtant bannir toutes pensées et les chasser de ton âme.
      Tu dois atteindre cette fixité d'esprit dans laquelle aucune brise, si forte qu'elle soit, ne peut introduire en toi la moindre pensée terrestre. Ainsi purifié, le sanctuaire doit être vide – de toute action, de tout son, de toute lumière terrestre. Comme le papillon, saisi par la gelée, tombe sans vie sur le seuil, ainsi toutes les pensées terrestres doivent tomber mortes devant le temple.
      Il est écrit :
      « Avant que la flamme d'or puisse brûler avec une lueur tranquille, la lampe doit être placée bien à l'abri dans un lieu où ne souffle aucun vent. »


      C'est là une description poétique de la concentration – fixité si parfaite du manas supérieur que, même sur ce plan, rien ne peut y pénétrer du dehors. C'est l'équivalent de dharana, mentionné dans le premier fragment, bien que, dans celui-ci, il soit appelé virya, c'est-à-dire force – non pas l'énergie physique, bien entendu, mais l'indomptable et inébranlable virilité de l'ego.

      Dharana est appelé dans le premier fragment la sixième étape, mais ici virya est le cinquième portail. Point de confusion de nombres, car le cinquième portail mène à la sixième étape – celle où l'homme met en pratique la qualité qu'il fit sienne au cours de la cinquième étape, afin d'être admis à la sixième, après avoir franchi le cinquième portail.

      La même qualité sert de passeport ouvrant le plan bouddhique. Arrivé à ce niveau, l'homme a momentanément réduit au silence l'activité mentale supérieure, et maintenant, au lieu de s'identifier à ses pensées, il se sent la pensée même : il est un avec ses semblables et leurs pensées sont les siennes ; dans cette phase, l'unité du Logos Solaire lui devient sensible ; c'est dès lors pour lui une réalité positive, une question d'expérience directe, non plus une belle idée ou une vive inspiration occasionnelle. Tout cela pénétrera-t-il plus ou moins le cerveau physique – c'est une autre affaire ; la plus grande partie ne le pourra pas. La concentration et la méditation de ces degrés exaltés se font principalement hors du corps, pendant le sommeil.

      Nous parlons souvent de lutte contre les pensées et les sentiments terrestres ; c'est là une phase où nous les regardons comme nos égaux, mais dans celle dont il s'agit maintenant, ils tombent morts au seuil de l'aura. Les divers corps vibrent avec une telle intensité que les formes-pensées inférieures sont rejetées de côté et ne peuvent pénétrer. Le plan physique nous en donne de nombreux exemples. Une roue tourne-t-elle avec lenteur, vous pouvez jeter une balle entre ses rayons ; si elle tourne vite, c'est impossible. Un jet d'eau est-il assez puissant, vous ne pouvez le couper avec un sabre ; l'arme est repoussée comme par un corps solide. Un conte de fées très connu parle d'un homme qui, debout sous la pluie, était capable de décrire avec son épée au-dessus de sa tête des cercles si rapides que pas une seule goutte ne pouvait les pénétrer et tomber sur lui.

      La citation oü il est question de l'agneau est empruntée à la Bhagavad Gîta ; elle dit encore : « Tel devient le Yogi, absorbé dans le Yoga du Soi (64) » . Puis viennent ces mots : « Ayant vu le Soi par le Soi, il est content dans le Soi. Ce en quoi il trouve cette joie suprême que la raison peut saisir par delà les sens, et où, bien établi, il ne perd pas de vue la Réalité dont la conquête fait paraître peu de chose tout autre gain ; si bien qu'il n'est plus ébranlé même par une grande douleur (65). »

      Cette expérience du yogui est une intuition véritable, parce qu'elle vient du dedans ; d'une région de la nature, plus profonde même que les niveaux causaux. A quel point une intuition pareille pénètre-t-elle la personnalité ? Cela dépend du type de la personne qui l'éprouve. Il y a deux modes de transmission principaux ; dans l'un, elle descend du plan mental supérieur au plan mental inférieur ; dans l'autre, elle descend directement de bouddhi au corps astral.

      La facilité relative de l'une ou l'autre transmission dépend de la manière dont l'homme quitta jadis le règne animal par l'individualisation. Les uns y parvinrent à force de vouloir comprendre ; les autres sous l'influence d'une émotion élevée – probablement l'attachement à un maître humain. Dans la transmission du premier genre, l'intuition arrive dans le mental inférieur comme une conviction, n'exigeant aucun raisonnement pour établir aujourd'hui sa vérité, bien que cette vérité ait dû être comprise, soit dans les vies antérieures, soit hors du corps sur le plan mental inférieur. Dans le cas où l'homme est arrivé à l'individualisation par l'émotion, l'intuition est reçue, non point par la voie du mental mais par la voie des sentiments.

    Ni dans l'un, ni dans l'autre cas, les intuitions ne peuvent descendre d'une manière satisfaisante si les véhicules ne sont pas fixes. Il en est ainsi, en musique, de la transmission d'une note ; nous arrive-t-elle non seulement par l'air mais encore à travers un mur épais, elle peut être dans une certaine mesure amortie et le son peut devenir très différent de ce qu'il était. A-t-elle à vaincre une cause de trouble – une tempête par exemple – la note sera moins nette encore. La dernière comparaison convient très bien au cas où les corps astral et mental sont violemment agités.


      Et alors, ô poursuivant de la vérité, ton âme deviendra comme un éléphant affolé qui fait rage dans la jungle.
      Prenant les arbres de la forêt pour des ennemis vivants, il périt en essayant de tuer les ombres mouvantes qui dansent sur le mur des rochers exposés au soleil.


      Je ne sais s'il arrive rien de tel dans la jungle, mais l'idée est bien que, lorsqu'un éléphant devient fou, il prend les arbres pour des ennemis en vie ou, pis encore, se précipite contre les rochers et périt. De même, certains ont pu constater qu'en sentant descendre l'énergie, nouvellement éveillée, du Moi supérieur, le mental se révolte dans un suprême accès de férocité contre son nouveau maître ; dans son orgueil et dans sa peur, il ne veut pas renoncer à l'indépendance dont il a joui si longtemps. Alors il fait rage ; doute et soupçons abandonnent tous leurs derniers retranchements et viennent livrer bataille à la lumière, prenant chacun de ses mouvements pour un adversaire. Le mental est le repaire de l'orgueil et ce qu'il en contient encore s'élève en armes contre son supérieur, comme les persécuteurs de Jésus s'élevèrent contre lui et le mirent à mort, ne pouvant supporter la comparaison de Sa pureté et de Sa grandeur avec leur propre nature terrestre.


      Prends garde que par souci du Soi ton âme perde pied sur le sol de la Connaissance dévique.
      Prends garde que par oubli du Soi ton âme perde son autorité sur son mental tremblant, et soit ainsi privée du fruit légitime de ses conquêtes.


      La connaissance dévique signifie, comme plus haut, la connaissance du divin qui est la base à toute manifestation. Le candidat, préoccupé de savoir s'il suit la bonne route, court le risque de devenir, non pas égoïste mais replié sur soi-même. Il y a là une distinction bien nette à faire. Aucun d'entre nous ne voudrait s'approprier la moindre chose au détriment d'une autre personne. A une faute pareille correspondrait dans l'aura une nuance d'un brun grisâtre éteint. Reste le danger du repli sur soi-même – celui de trop considérer les choses au point de vue personnel. Ceci est manifesté dans l'aura par un durcissement de la périphérie, qui s'oppose à la pénétration des impressions.

      L'autre avertissement se rapporte au Soi unique ; il importe de ne pas l'oublier. L'aspirant doit se rappeler sans cesse que tous sont un, et qu'en chacun se trouve l'unité divine. C'est là, sur chaque plan, l'objet d'une instruction pratique. Physiquement, l'homme doit être propre, honnête et droit, afin de ne contaminer personne ; astralement et mentalement, ses sentiments et ses pensées doivent être purs et élevés, non pour la satisfaction qu'il y trouve, mais pour le bien de tout son entourage.


      Prends garde au changement, car le changement est ton grand ennemi. Ce changement t'attaquera et te rejettera, hors du sentier que tu foules, dans les marais visqueux du doute.

      Tout d'abord cette mise en garde contre le changement étonne un peu, surtout si l'on se rappelle que sans cesse nous changeons, qu'en suivant le Sentier il faut devenir ce Sentier et qu'ainsi nous nous appliquons à notre propre transformation. Comprenons ici que, pendant la phase de changement, nous ne devons rien changer à notre base, à notre attitude essentielle. Un moment éprouvant est celui où l'on renonce aux objets terrestres autrefois appréciés, sans tenir encore de façon permanente les biens nouveaux et spirituels. Ces derniers, à certaines heures spéciales où nous nous trouvions au plus haut, nous sont apparus mais jamais pour longtemps, et nous retombons dans l'état de sécheresse spirituelle dont parlent tant de mystiques. Le nécessaire est de conserver cette vision au milieu de toutes ces fluctuations et de ne pas modifier notre position essentielle. Ces changements peuvent avoir plusieurs causes. Un peu de congestion ou d'anémie du cerveau physique suffit quelquefois. Cette influence affecte les véhicules, mais nous ne devons pas leur permettre d'affecter l'homme véritable. Quand surviennent les fluctuations, nous devrions dire : « Je m'y attendais. Je sais que mes yeux ne m'ont pas trompé. Maintenant la vision pâlit et je commence à douter ; mais je sais que cette dépression prendra fin ; une fluctuation dans mon corps astral en est la seule cause. »

      Il est parfois très éprouvant et très pénible d'avoir à renoncer à la foi pittoresque de notre enfance, quand nous constatons qu'elle n'est pas en rapport avec les faits de la vie et ne répond plus aux besoins de l'intelligence et du cœur. Souvent alors on commence à douter de tout, on ressemble à un navire sans gouvernail et, dans les cas les plus graves, cette condition peut se prolonger pendant plusieurs existences. Il faut alors écouter, lire et réfléchir et s'en tenir aux hypothèses qui expliquent le mieux les faits, jusqu'au jour où le savoir qui, tôt ou tard, nous viendra sûrement, dissipera le doute. Nul besoin, naturellement, de passer par le scepticisme ; il est très possible de renoncer aux idées non essentielles et d'élargir peu à peu notre religion jusqu'à ce que le message de la Théosophie nous devienne intelligible.


      Prépare-toi et sois averti à temps. Si tu as essayé et échoué, ô combattant indomptable, ne perds pourtant pas courage ; continue de combattre et reviens à la charge, encore et toujours.
      L'intrépide guerrier, quand sa vie coule avec son sang précieux de ses blessures béantes, attaquera encore l'ennemi, le chassera de sa forteresse, et le vaincra avant d'expirer lui-même. Agissez donc, vous tous qui échouez et souffrez, agissez comme lui ; et de la forteresse de votre âme, chassez tous vos ennemis – ambition, colère, haine, et jusqu'à l'ombre du désir – lors même que vous avez échoué...
      Souviens-t'en, toi qui combats pour la libération de l'homme : chaque échec est un succès, et chaque effort sincère gagne avec le temps sa récompense. Des germes saints bourgeonnent et croissent invisibles dans l'âme du disciple ; leurs tiges s'affermissent à chaque nouvelle épreuve ; elles plient comme des roseaux mais jamais ne se rompent ni ne peuvent se perdre. Mais quand l'heure a sonné, elles fleurissent.
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      Mais si tu es venu préparé, alors n'aie pas de crainte.

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      Dans une note qui prend place ici, H. P. B. mentionne une croyance bien connue : à savoir que chaque nouveau saint est une recrue dans l'armée de ceux qui travaillent pour la libération du genre humain, et que dans les pays bouddhistes du nord, où est enseignée la doctrine des Nirmanakayas, chaque nouveau Bodhisattva est appelé « libérateur du genre humain ». Il faut bien entendu nous rappeler qu'elle parle de tous ceux qui sont devenus Arhats et pas seulement du grand Etre qui remplit l'office de Bodhisattva. Le progrès réalisé par chacun est un progrès pour tous.

      Dans cette voie, le candidat ne peut éprouver aucune ambition personnelle. Désirer la gloire pour soi-même est égoïste, il y a d'ailleurs bien longtemps que l'aspirant combat résolument tout désir semblable. L'élève du Maître ne se dit pas : « Quelle est ma volonté ? », mais : « Quelle est la volonté du Maître ? » Quand nous avons compris que nous sommes des étincelles du Feu divin, nous ne pouvons songer qu'à la volonté de Dieu. Nous faisons partie de Lui ; séparément, aucune gloire ne nous est possible ; la gloire pour soi est donc une complète illusion.

      Pour l'homme qui persévère dans ses efforts, aucun échec n'est à craindre. Peut-être ne réussit-il pas à faire exactement ce qu'il s'était proposé d'accomplir à un moment donné, mais un effort énergique n'est jamais perdu et, comme l'action et la réaction sont égales et opposées, chaque tentative nouvelle réagit sur lui-même et lui communique plus de vigueur pour l'avenir. En outre, tout homme qui essaie doit réussir, parce qu'il a pour soi tout le courant de l'évolution. Il ignore l'épaisseur de la muraille d'obstacles karmiques à travers laquelle il doit passer, ni à quel moment il retrouvera la lumière au delà.

      Dans ces conditions il serait tout simplement insensé de désespérer ou de cesser nos efforts sous prétexte que nous n'avons encore obtenu aucun succès visible. Dans l'admirable poème de Frederick Myers, Saint Paul, nous trouvons ces mots : « Ô homme, pourquoi désespères-tu ? Dieu te pardonnera tout, mais point ton désespoir. » Désespérer, c'est pécher contre le Saint-Esprit. Désespérer de votre puissance revient à désespérer de Sa puissance qui agit par vous, et par conséquent à élever de vos mains une muraille entre Lui et vous.

      Aryasanga offre au candidat l'exemple du guerrier qui combat et remporte la victoire au moment d'expirer. Il doit tenir bon jusqu'à la fin et ne jamais faiblir. L'instructeur sait que la mort est sans importance et que dans notre travail nous ne devons pas en tenir compte. Elle viendra pour chacun de nous ; quelques-uns des vieillards peuvent avoir encore de longues années à vivre ; d'autres, des jeunes gens, seront enlevés brusquement. Nous poursuivrons notre tâche après la mort comme nous le faisions avant.


      Désormais la route est nette, droit au travers de la porte Virya, le cinquième des sept portails. Tu es maintenant sur la voie qui conduit au règne de Dhyana, au portail Bodhi, le sixième.
      La porte Dhyana est comme un vase d'albâtre blanc et translucide, dans lequel brûle tranquille une flamme d'or, le feu de Pradjna qui rayonne d'Atma.
      Tu es ce vase.


      Image admirable que celle du vase d'albâtre, blanc et translucide, où resplendit une flamme immobile ; elle est bien adaptée au corps ou enveloppe bouddhique qui est absolument transparent et, à ce niveau, n'oppose aucune résistance à l'unité de la vie. Dhyana est la méditation supérieure à laquelle se livre le yogui dans ce corps – méditation qui consiste à chercher le sens le plus profond de tel objet, ou encore à fixer la pensée sur un Grand Etre et à se représenter que l'on fait partie de Lui. Plus de connaissance obtenue de l'extérieur. L'observateur ne se tient plus au dehors et ne considère plus l'objet comme étranger à soi, il arrive à en comprendre la nature en s'unissant à lui, en le contemplant du dedans.


      Tu as rompu avec les objets des sens, tu as voyagé sur le sentier de la vue, sur le sentier de l'ouïe et tu te tiens debout dans la lumière de la connaissance. Tu as atteint maintenant l'état Titiksha.
      Ô Nardjol, tu es en sûreté.

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      Le même nom de titiksha a été donné, comme nous l'avons déjà vu, à l'une des qualités requises, à l'un des éléments de la bonne conduite. Le terme est, employé encore, mais à un niveau supérieur. Dans une note, Mme Blavatsky lui donne comme sens « l'indifférente absolue ; la soumission, s'il le faut, à ce qu'on appelle le plaisir et la souffrance pour tous, mais sans que de cette soumission dérive ni plaisir, ni peine – en résumé, c'est devenir physiquement, mentalement et moralement indifférent et insensible au plaisir comme à la douleur ».

      Tout cela n'est pas très clairement exprimé. Le candidat n'agit ni par plaisir, ni par souffrance ; il fait simplement ce qu'il croit être son devoir. Tout comme les autres, il sent encore dans ses véhicules le plaisir et la douleur. Mais l'on peut dire qu'à ce niveau sa joie est si grande, ses pensées sont si bien fixées sur le but, que plaisir et douleur n'ont plus de prise sur lui. Ayant conservé toute sa sensibilité, le Christ peut s'écrier : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? » – dans son cœur résonnent les mots : « Mon Dieu, mon Dieu, comme vous me glorifiez ! » C'est ce que, dans Les Maîtres et le Sentier, j'ai expliqué en décrivant la Quatrième Initiation.


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(64)  Op. cit., VI, 19.

(65)  Op. cit., VI, 21, 22.




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