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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
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FRAGMENT I : LA VOIX DU SILENCE
Chapitre XI : La Voie Unique

      Il n'y a qu'une route menant au Sentier ; et c'est au bout seulement que l'on peut entendre la Voix du Silence. L'échelle par où monte le candidat est faite d'échelons de souffrance et de peine ; la voix de la vertu peut seule faire taire leurs voix. Donc, malheur à toi, disciple, s'il est un seul vice que tu n'aies pas laissé derrière. Car alors l'échelle cèdera et te renversera ; son pied repose dans la boue profonde de tes péchés et de tes erreurs, et avant de pouvoir essayer de traverser ce large abîme de matière, tu dois laver tes pieds dans les eaux du renoncement. Prends garde de poser un pied encore malpropre sur le premier barreau. Malheur à qui ose salir un échelon avec ses pieds boueux. La fange impure et visqueuse sèchera, deviendra tenace et lui rivera les pieds sur place ; comme un oiseau pris à la glu de l'astucieux oiseleur, il sera empêché d'aller plus loin. Ses vices prendront forme et l'entraîneront plus bas. Ses péchés élèveront leurs voix, comme le chacal rit et sanglote après le coucher du soleil ; ses pensées deviendront une armée et le traîneront en captivité.


      Charles Webster Leadbeater : Comme nous l'avons vu dans Les Maîtres et Sentier, il y a quatre manières d'arriver à l'entrée du Sentier de probation : par la réflexion profonde ; par l'audition ou par la lecture de la parole sacrée ; par la pratique de la vertu. Sur le sentier de probation, il faut développer en soi les quatre qualités exigées, dont la dernière, nous dit Aux pieds du Maître, est l'Amour ; l'absence de celle-ci rend vaines toutes les autres.

      Tel est, par conséquent, le seul chemin aboutissant au sentier propre – le chemin de l'amour, de l'altruisme en pensées, en paroles, en action.

      Toutes les anciennes habitudes égoïstes du corps et du mental doivent être surmontées par la vertu positive, et ce mot ne peut signifier ici ni bonté passive, ni désir de ne faire aucun mal ; il faut lui donner son ancien sens, celui de force. Les vertus sont les formes que revêt la force de l'âme. Quand l'âme a soumis la personnalité, on s'aperçoit combien cette vertu abonde en elle. En attendant, un grand combat est nécessaire. Très souvent, le candidat au Sentier doit mettre en jeu toute sa résolution pour supprimer radicalement la moindre trace d'égoïsme révélée par l'examen journalier qu'il fait de soi-même. La meilleure manière d'y arriver est d'imaginer une scène où figure la faute en question, puis de recommencer, en remplaçant la faute par la vertu correspondante ; enfin d'insister quelque temps sur cette scène, en décidant qu'à l'avenir, dans des circonstances analogues, ce sera la vertu, et non la faute, qui s'exprimera.

      Il est parfois très diflicile de surmonter des fautes habituelles ; d'où la souffrance et la peine dont on parle souvent. Par exemple, l'ivrogne a toutes les peines du monde à résister au « dernier, tout dernier verre ». Mais, s'il reste fidèle à sa résolution de ne jamais plus boire d'alcool, même pas une seule fois, la souffrance disparaîtra graduellement et il connaîtra un plaisir supérieur à celui que lui donnait l'action stimulante de la boisson. S'agit-il d'émotions impures ou égoïstes, il en est exactement de même. Que de personnes succombent pour s'être attardées « une seule fois encore » sur une pensée indigne ! C'est justement à celle-là qu'il eût fallu renoncer et fermer l'accès du mental. Pour renoncer à leurs défauts, les gens ont parfois à subir de cruelles blessures d'amour-propre. Dans tous ces cas, l'humilité est d'un grand secours ; elle donne le désir de se transformer.

      Cependant, pour beaucoup d'hommes dont la vie est déjà devenue assez pure, cette souffrance est légère ou nulle. A vrai dire, on a émis l'opinion que dans ce passage Aryasanga exagère la souffrance. Ce n'est pas exact, mais il s'est exprimé dans les termes les plus énergiques afin que personne sur le Sentier ne rencontre la souffrance en s'attendant à la joie, et que chacun soit prêt à payer son tribut au passé, d'affronter la souffrance qui l'attend et d'y mettre fin à jamais en pratiquant la vertu. Rappelons-nous ici le passage encourageant de la Gîta : « Si tu étais même le plus grand des pécheurs, tu traverserais la mer du péché dans la nef de la sagesse. De même que le feu dévorant réduit le combustible en cendres, ô Arjouna, de même le feu de la sagesse réduit toutes les actions en cendres (31) ». Et encore : « En vérité, celui qui s'efforce de faire le bien n'est pas voué au chemin du mal (32) ».

      Tous les systèmes de yoga ont, comme nous l'avons dit, proclamé la nécessité de rejeter les vices dès le commencement. Quand les vertus étaient solidement établies dans le caractère de l'étudiant, et alors seulement, on lui permettait de faire dans le Sentier les derniers pas – exercices de posture, de respiration, de discipline des sens et de méditation. Voici la raison de cette exigence : à mesure que l'élève avance dans le Sentier, la puissance de sa volonté et de sa pensée devient beaucoup plus grande que jamais, et un temps arrive où l'ego déverse son énergie dans le corps. Si des restes d'un vice quelconque se trouvent encore dans celui-ci, l'énergie de l'ego lui communiquera une force nouvelle ; pour l'aspirant, la chute sera donc bien plus sérieuse que pour une personne moins avancée. Les pouvoirs sont des pouvoirs, soit pour le bien soit pour le mal : avant de les rechercher, le candidat devrait donc se purifier, de peur de léser les autres et soi-même. Dans le Sentier, le point le plus dangereux se trouve immédiatement après la Deuxième Initiation ; l'orgueil est alors le péril principal ; nous l'avons, longuement expliqué dans Les Maîtres et le Sentier (33).


      Tue les désirs, Lanou, rends tes vices impuissants, avant de faire le premier pas du solennel voyage.
      Etrangle tes péchés et rends-les muets à tout jamais, avant de lever un pied pour monter à l'échelle.
      Fais taire tes pensées, et fixe toute ton attention sur le Maître que tu ne vois pas encore, mais que tu pressens.
      Engloutis tes sens en un seul sens, si tu veux être en sécurité contre l'ennemi. C'est par ce seul sens, caché dans la cavité de ton cerveau que les vagues yeux de ton âme pourront découvrir le sentier ardu qui conduit à ton Maître.


      En répétant l'injonction de se défaire des désirs et des vices, Aryasangha montre l'importance qu'il attache à cette partie du travail. Non seulement ils sont extrêmement intensifiés au fur et à mesure que le candidat se développe, mais encore la responsabilité de celui-ci grandit et il devient capable de faire beaucoup plus de Karma qu'auparavant.

      Le sixième sens, le mental, a dans le cerveau son organe physique. Les hommes ne s'en servent pas, en général, quand les objets divers et les expériences de la vie les occupent. Ils vivent trop dans le corps astral. Ils « aiment certaines choses et « n'aiment pas » certaines autres, sans aucune raison, sans considérer le moins du monde ce qu'elles sont vraiment bonnes ou mauvaises, utiles ou inutiles. Aucune personne décidée à suivre le sentier occulte ne peut agir ainsi. Elle doit juger toutes choses de sang-froid et les classer suivant l'utilité qu'elle représentent pour l'âme.

      Le cerveau contient aussi les organes au moyen desquels il est possible de percevoir ce qui échappe aux sens physiques. Le corps pituitaire sert de lien entre le corps physique et le corps astral, et ainsi de suite. Dans la même cavité, mais un peu en arrière, se trouve la glande pinéale, en relation directe avec le corps mental et qui sert à rapporter ici-bas les impressions éprouvées sur le plan mental. Il y a des gens qui développent d'abord le corps pituitaire ; d'autres commencent par la glande pinéale ; chacun doit suivre la méthode prescrite par son propre Gourou.


      Longue et monotone est devant toi la voie, ô disciple. Une seule pensée donnée au passé laissé derrière te fera retomber, et il faudra recommencer l'ascension.
      Tue en toi-même toute souvenance d'impressions passées. Ne regarde pas en arrière, ou tu es perdu.


      Ici encore Aryasangha s'attache à mettre les choses au pire afin que nul ne trouve le sentier plus pénible qu'il ne le supposait avant d'y entrer. Relativement, ce sentier n'est pas long, si l'on songe qu'il représente seulement les quatorze dernières vies, dans une série de bien des centaines ou même des milliers d'existences qui s'écoulent habituellement entre la Première et la Cinquième Initiation. En outre, il arrive souvent que l'œuvre de ces quatorze vies s'accomplisse en moins de vies encore, consécutivement, sans intervalles dévakhaniques, ce qui abrège beaucoup le temps nécessaire.

      « La route », il est vrai, « s'élève en lacets continuels », mais elle n'est pas forcément ardue. C'est seulement en pensant au but que l'on sent la fatigue du voyage. Admis dans un collège, un étudiant trouvera infiniment pénibles les trois ou quatre ans qu'il doit y passer si, ne s'intéressant pas vraiment à ses études, il ne pense qu'à obtenir son diplôme et puis à retourner dans le monde. Si au contraire il a fait un plan de travail dont l'observation méthodique l'amènera tout naturellement à l'examen final, et s'il s'intéresse réellement aux matières à étudier, il pourra, oubliant les années qui l'attendent, faire dans l'université un séjour des plus agréables. De même, sur le Sentier, le travail est plein d'intérêt pour le cœur et l'intelligence ; en fait, comme en apparence il se trouvera, pour l'homme qui le juge ainsi, plus court que pour l'homme dont un certain but à atteindre forme l'unique objectif.

      Il en est encore de même pour la méditation. Les uns s'y livrent consciencieusement ; sans y prendre aucun plaisir, ils persévèrent tout de même, à cause des résultats. Les autres s'intéressent vivement à la méditation et par suite en tirent beaucoup plus de profit. Comme on l'a si souvent conseillé, qu'il s'oublie et travaille pour l'humanité, et ses progrès n'en souffriront pas. L'examen et la discipline personnels sont nécessaires, mais peuvent se comparer à la préparation et à l'huilage d'une machine, qui ne doivent pas s'éterniser ; le travail – voilà l'important.

      Quelquefois sans doute, et poussé par le sentiment du devoir, on estime nécessaire de s'imposer tel genre d'occupation, de pensées ou de méditation. Très bien ; poursuivez votre tâche ingrate, si elle a pour vous ce caractère ; votre motif est-il pur, vous constaterez bientôt que l'ennui cède la place à un intérêt nouveau et que votre travail devient une joie.

      Une seule pensée donnée au passé peut faire retomber le candidat jusqu'à terre ; cette vérité doit certainement faire hésiter toute personne qui, songeant à entrer dans le Sentier, n'entend pas cependant renoncer à quelque vice de prédilection, même peu sérieux. La cause de la chute, c'est moins l'acte que la pensée. Comme l'a dit Mme Blavatsky dans La Doctrine Secrète :

      La pureté du mental a plus d'importance que la pureté du corps... On peut agir avec peu ou point d'attention ; l'acte est alors comparativement de peu d'importance ; mais si l'on pense à cet acte, si l'esprit s'appesantit sur lui, l'effet produit sera mille fois plus grand. Les pensées doivent être maintenues pures. (34)

      A ce sujet, je me rappelle un mot du Colonel Olcott. Un homme très désireux de vivre de la vie supérieure vint un jour lui demander s'il devait renoncer à fumer. Le Colonel lui répondit : « Eh bien, si vous en êtes incapable, il le faut ; dans le cas contraire, c'est inutile ». Il est certain qu'une volonté ferme et une pensée pure sont d'une importance capitale ; sans elles, point de progrès, quelle que soit la pureté physique. Le Colonel exprimait fort bien ce fait, mais, pourrait-on ajouter, fumer est une habitude malpropre ; elle souille les corps et cause souvent à autrui beaucoup de gêne et de désagrément. Au point de vue physique, la pire conséquence de cette égoïste et sale manie c'est que la fumée, humectée par la salive, gagne et pénètre les poumons des autres. C'est un des horribles caractères de la vie moderne que nous soyons fréquemment obligés de subir et de respirer la fumée ainsi altérée.

      Au sujet de l'effet produit par une pensée qui, par sa nature, appartient au passé, Mme Blavatsky dit encore :

      L'étudiant doit surveiller ses pensées. Une pensée de cinq minutes peut détruire l'œuvre de cinq années et, bien que pour la seconde fois l'œuvre des cinq années soit reconstituée rapidement, il y a néanmoins perte de temps. (35)

      Il faut distinguer ici entre une simple forme-pensée à la dérive, qui a pénétré le mental, et la pensée proprement dite qui est un acte voulu. C'est la seconde qui peut faire tant de mal. Une pensée indigne peut s'insinuer dans le mental, mais si elle n'y reçoit ni attention, ni encouragement, ni accroissement, le mal n'est pas grand.

      La possibilité de racheter une semblable défaillance par un prompt relèvement est encourageante. C'est à l'homme que s'applique la vieille allégorie grecque : toutes les fois que le héros vaincu dans la lutte tombe sur la terre, il en ressort une force nouvelle. Mieux vaudrait la victoire gagnée une fois pour toutes et sans chute préalable, mais, quoi qu'il advienne, l'homme finira par triompher. L'intelligence et la bonne volonté permettent à l'élève d'acquérir bien des connaissances sans les payer d'expériences amères. On peut, de même, apprendre que le feu brûle sans y mettre la main. Toute expérience nécessaire s'acquiert tôt ou tard, d'une façon ou d'une autre.


      Ne crois pas qu'on puisse jamais détruire la luxure en la satisfaisant à satiété : c'est là une abomination inspirée par Mara. C'est quand on le nourrit que le vice prend de l'extension et des forces, comme le ver qui n'engraisse du cœur de la fleur.
      La rose doit redevenir le bourgeon né de la branchemère, avant que le parasite ne l'ait rongée jusqu'au cœur ni n'en ait bu la sève.
      L'arbre d'or produit ses bourgeons précieux avant que le tronc n'en soit flétri par l'orage.
      Le disciple doit regagner l'état d'enfance qu'il a perdu, avant que le premier son puisse frapper son oreille.


      Sir Edwin Arnold parle de Mara – tel que le comprennent les Bouddhistes – en termes énergiques et saisissants, à propos de la tentation subie par le Bouddha immédiatement avant Son illumination.

      Mais le Prince des ténèbres, Mara, sachant que c'était Bouddha qui était là, qu'il devait délivrer les hommes et que l'heure était venue où il devait trouver la Vérité et sauver le monde, donna des ordres à toutes les puissances du mal. Alors, tous les démons qui combattent la Sagesse et la Lumière, sortis de tous les profonds abîmes, se réunirent ; c'étaient Arati, Trishna, Raga, et leurs troupes de passions, d'horreurs, d'ignorances, de concupiscences, et tous les enfants de l'obscurité et de la crainte, tous haïssant Bouddha et cherchant à ébranler son esprit (36).

      Néanmoins, Mme Blavatsky nous dit : « Mara hâte aussi, inconsciemment, la naissance du Spirituel. » La résistance opposée à l'aspirant par Mara, donne au premier l'occasion de développer sa vigueur. Un athlète lèverait et abaisserait beaucoup plus facilement les bras sans employer d'haltères, mais en admettant qu'il puisse fortifier ses muscles sans eux, il faudrait, pour acquérir une force identique, beaucoup plus longtemps. Le mal lui-même est mis au service du bien : cette vérité fut exprimée un jour par un homme spirituellement très développé, qui venait de recevoir une haute Initiation. Il avait auparavant subi d'affreuses calomnies, et l'œuvre importante qui lui tenait à cœur avait échoué. Quelqu'un lui ayant adressé un mot de sympathie, sans nécessité d'ailleurs, il répondit : « En somme, j'ai contracté une dette de reconnaissance envers les gens qui ont voulu me nuire ; je l'ignorais alors, mais sans leur aide, je n'aurais pas reçu encore cette Initiation. » Un homme ordinaire eut éprouvé une colère ou un accablement extrêmes ; dans un homme aussi élevé, Mara fait naître une énergie d'égale intensité, mais où il n'entre que tristesse affectueuse et que pitié. Ainsi, notre pire ennemi peut, quand nous sommes en chemin, devenir notre ami.

      Il va sans dire que ce n'est pas l'ignorance mais bien l'innocence de l'enfance qui exige le véritable progrès spirituel. La simple bonté n'est pas le progrès, c'est une purification préparatoire et rien de plus. Le progrès, c'est le développement de l'ego sur ses propres plans ; manifesté dans la personnalité, il se traduit par la force de caractère, par la volonté, l'amour et la pensée. Dans les trois périodes que présente la relation de Maître à élève, c'est dans la troisième et plus élevée que se trouve l'idée d'enfance, car l'élève, d'abord mis en probation, est ensuite accepté, et enfin devient un Fils du Maître.


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(31)  Op. cit., IV, 36-37.

(32)  Ibid., VI, 40.

(33)  Op. cit., chap. IX.

(34)  Op. cit., vol. VI, p. 287.

(35)  Ibid., p. 290.

(36)  La Lumière d'Asie, livre VI.




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