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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
© France-Spiritualités™






FRAGMENT III : LES SEPT PORTAILS
Chapitre XX : Les cimes des Paramitas

      Acharya, mon choix est fait ; j'ai soif de sagesse. Tu as maintenant déchiré le voile placé devant le sentier secret, et enseigné le Yana majeur. Voici ton serviteur prêt à se laisser guider par toi.

      Charles Webster Leadbeater : Une note donne au mot Acharya le sens de précepteur spirituel, ou gourou : les Bouddhistes du nord, explique-t-elle, choisissent en général ces précepteurs parmi les saints hommes savants en Gotrabhou-jnana. Le Gotrabhou est l'homme prêt à recevoir l'une quelconque des Initiations, et qui, présentant toutes les qualités requises, n'attend que la permission de se présenter. Gotrabhou-jnana est la connaissance de ces qualités. Les Maîtres – Adeptes prenant des élèves ou novices – sont Ceux qui possèdent cette connaissance.

      Nous avons déjà parlé du terme Yana au chapitre I.


      C'est bien, Shravaka. Prépare-toi, car tu devras voyager seul. L'instructeur ne peut que t'indiquer la route. Le Sentier est un pour tous ; les moyens d'atteindre le but doivent varier avec les pèlerins.

      Le mot shravaka a pour racine shru qui signifie écouter. « Celui qui écoute » est, nous dit la note, l'homme qui suit les instructions religieuses ; en passant de la théorie à la pratique de l'ascétisme, il devient un Shramana, de shrama, effort. Les deux dénominations ont à peu près le même sens que akoustikoi et askitai parmi les Grecs.

      Toutes les personnes engagées sur le Sentier doivent acquérir les mêmes qualités ou vertus, mais la manière de s'y exercer varie beaucoup. Il y a sept grandes catégories d'hommes ou sept rayons et, suivant chacun de ceux-ci, des aspirants sont attirés vers des instructeurs appartenant au même rayon. L'enseignement est adapté aux besoins individuels, et cela dans chaque type humain ; aussi, les élèves de tel Maître recoivent-ils souvent une direction très différente. C'est ainsi qu'un Maître peut envoyer un de ses élèves dans la solitude et un autre dans les luttes du monde ; Il peut accorder à l'un la satisfaction de se savoir instruit, laisser l'autre pendant fort longtemps dans l'ignorance à cet égard. Dans Les Maîtres et le Sentier, nous nous sommes assez longuement étendus sur cette instruction et sur ces types divers.


      Que choisiras-tu, homme au cœur indomptable ? Le Samtan de la doctrine de l'œil, le quadruple Dhyana ?
      Ou bien feras-tu route par les Paramitas, au nombre de six, ces nobles portes de vertu qui mènent à Bodhi et à Pradjna, le Septième degré de la Sagesse ?
      Le rude sentier de la quadruple Dhyana s'élève en lacets. Trois fois grand celui qui escalade le sommet sublime.
      Les hauteurs des Paramitas se franchissent par un sentier encore plus ardu. Il faut te frayer une route à travers sept portails, sept forteresses occupées par de cruelles et rusées puissances – les passions incarnées.


      Ce fragment parle peu du quadruple Dyana, mais beaucoup des paramitas. La méditation ou dhyana comporte toujours, nous est-il dit, trois degrés, comme nous l'avons vu en étudiant le premier fragment. Ces trois degrés sont dharana, dhyana et samadhi – en d'autres termes, la concentration, la méditation et la contemplation, précédées par les exercices préliminaires de pratyahara, qui forme le quatrième degré. Nous avons également étudié les paramitas dans le deuxième fragment. Ici le sentier conduisant à l'acquisition de ces vertus traverse, est-il dit, sept portails à chacun desquels le candidat doit combattre et détruire une grande faute ou un grand péché.

      On peut trouver un peu déroutante l'opposition entre la méditation d'une part, et le développement de ces qualités d'autre part, car tous deux sont nécessaires. S'il est impossible de méditer sans posséder ces qualités, il l'est également de développer parfaitement ces qualités sans la méditation. Il se peut que, même à son époque, Aryasanga ait voulu mettre en contraste le sentier de la vie retirée suivi par l'homme qui évite les difficultés et les distractions du monde afin d'aller méditer dans la solitude – et le sentier de la vie spirituelle menée parmi les hommes et qui exige, dans toutes les affaires de l'existence quotidienne, la mise en pratique des idéaux. Dans ce cas, Aryasanga parlerait du premier comme d'un sentier élevé, mais du second comme d'un sentier encore supérieur ou plus ardu. Les textes hindous parlent très souvent d'hommes qui sont parvenus à la perfection bien qu'engagés dans les affaires de la vie journalière. Les grands gourous du Mahabharata étaient aussi actifs dans la salle du conseil que sur le champ de bataille ; on trouve même parmi eux un marchand, dans la personne de Touladhara. La Bhagavad Gîta enseigne le sentier du devoir et de l'action, et Shri Krishna dit à Arjouna, Son élève, que Janaka et d'autres atteignirent la perfection par l'action et que lui-même devrait les imiter, en agissant sans attachement personnel au fruit de l'action, mais pour l'amour de l'humanité (54).

      En examinant les paramitas opposées, on voit la nature des puissances « cruelles et rusées » qu'il faut combattre. L'homme replié sur soi-même oublie qu'il est une unité dans la collectivité, et que, suivant l'expression d'Epictète, sans l'humanité dont il est entouré, il ne serait même pas un homme. La charité et le développement moral en général, ou moralité dans le sens complet de ce mot, mettent fin à ce repliement et ouvrent si bien l'âme qu'elle pense plus à autrui qu'à elle-même, devient la bienfaitrice des êtres qui souffrent, une compagne utile à ses semblables, enfin une élève digne de son instructeur.

      La patience le cède souvent au ressentiment ; on se sent « blessé », mécontent ; on se plaint en soi-même, sinon de manière ouverte ; on oublie évidemment que, s'il y a une loi de justice qui sans cesse assure le paiement des dettes d'homme à homme, il faut bien qu'il se présente des injustices apparentes. Quelquefois une personne, au début, tient à voir le résultat de son travail personnel, parce que, penasnt plus à elle-même qu'à l'œuvre, elle tient à se vanter ou tout au moins à se féliciter de l'avoir accomplie. Ensuite, elle s'afflige de voir inutiles les efforts tentés dans une bonne intention : tout cela trahit encore un certain mécontentement et une certaine impatience. Plus tard encore, elle s'apercevra que l'effort seul était important et point le résultat. Délivrée de ces sentiments, elle sera devenue patiente.

      Ajoutons que l'homme naturel est indolent. Il aime à se chauffer au soleil et ne se met en mouvement que poussé par la faim ou par le désir vaniteux de suspendre à sa ceinture quelques scalps de plus, ce qui le décide à se lever quand ses compagnons sauvages dorment encore. L'énergie infatigable et indomptable n'est pas « naturelle ». Observez notre Présidente : elle utilise tous les moments de la journée, travaille sans cesse, jamais ne perd de temps. Croyez-vous qu'autrefois il lui fût naturel de toujours travailler ? Elle le fait parce qu'elle a vu la beauté du but – devenir une aide pour l'humanité.

      La méditation, elle aussi, n'est pas « naturelle ». Elle exige beaucoup de peine, un grand effort mental et la soumission du corps. Pour acquérir la sagesse, il faut encore de l'étude et de l'application, et quelquefois du courage pour affronter des expériences pénibles et même dangereuses.


      Bon courage, disciple ; rappelle-toi la règle d'or. Une fois que tu auras franchi la porte Strotapatti, « celui qui est entré dans le courant » ; une fois que ton pied aura foulé le lit du courant nirvanique dans cette vie ou toute vie future, tu n'auras plus devant toi que sept autres naissances, ô toi dont la volonté est de diamant.

      Sept vies, en moyenne, s'écoulent entre la Première Initiation et la Quatrième mais, si la volonté est assez énergique, l'homme peut atteindre plus rapidement le but. Il en est de même pour la préparation d'un étudiant à un examen. On admet qu'un certain temps donné à l'étude suffise au candidat moyen pour subir l'épreuve, mais un étudiant quelconque peut exiger une préparation plus ou moins longue. Souvent deux vies ont suffi pour mener un homme de sa Première Initiation à celle de l'Arhat. Quelques personnes ont même atteint ce but en une seule vie. Même règle pour arriver à l'Adeptat, car l'Arhat est juste à mi-chemin.


      Regarde. Qu'as-tu sous les yeux, ô aspirant à la sagesse des dieux ?
      « Le manteau de l'obscurité est sur l'abîme de la matière ; dans ces plis je me débats. Sous mon regard elle s'approfondit, Seigneur ; elle se disperse sous le mouvement de ta main. Une ombre se meut, rampante, eonuue les replis du serpent qui s'allonge... Elle grandit, s'enfle et disparaît dans l'obscurité. »
      C'est l'ombre de toi-même hors du Sentier, projetée sur l'obscurité de tes péchés.


      Au mot « péchés » on préférerait ici les mots « fautes » ou « défaillances ». Sur le Sentier, celles-ci deviennent plus dangereuses que jamais. Pour avancer, leur extirpation complète et immédiate est donc nécessaire. Constatez-vous une faute en vous-même, il faut vous appliquer à faire exactement le contraire, sans trêve ni repos, jusqu'à sa disparition. Il est rare que l'on prenne ce parti. Quelquefois, un tel nous prie de lui dire, en toute franchise, ce qui l'empêche d'avancer. Le faisons-nous, nous risquons de perdre son amitié. En général, il s'indigne et répond que, s'il a de nombreux défauts, il n'a pas celui que nous lui avons indiqué ; il n'a donc une haute opinion ni de notre jugement ni de notre intuition. Des exceptions se présentent, mais presque toujours c'est ainsi.

      Sur le Sentier, l'homme doit se soumettre à ses propres règles et ne pas se borner à suivre les règles et conventions du milieu social dont il fait partie ; c'est pourquoi les difficultés et les dangers augmentent pour lui. Il fait tout son possible – nous pouvons en être sûrs ; autrement il laisserait perdre les fruits d'efforts soutenus pendant des vies nombreuses et ce serait folie. Les autres n'ont aucun moyen de le juger. Il tient une clef que d'autres ne possèdent pas ; aussi toutes choses ont-elles pour lui un aspect nouveau. Il a besoin de pensées bienveillantes et non des critiques portées par d'autres personnes sur des points qui leur sont incompréhensibles – car il n'est pas privé de sensibilité ; elles peuvent l'aider à progresser rapidement et à devenir une puissance contribuant au relèvement de l'humanité.


      « Oui, Seigneur : je vois le Sentier ; Soit pied est dans la boue, ses sommets perdus dans la glorieuse lumière nirvanique. Et maintenant je vois les Portails, qui vont en se rétrécissant, sur la route âpre et épineuse de Jnana. »
      Tu as bien vu Lanou. Ces portails mènent l'aspirant à travers les flots, sur l'autre rive.


      « L'autre rive » est une expression qui revient sans cesse. Deux genres de symbolisme font usage de cette métaphore. Dans l'un, toute la vie est comparée à un océan que traversent les hommes, grâce au Mahayana ou au Hinayana, pour arriver à la condition où mort et renaissance ne sont plus possibles. Dans l'autre, le sens est plus technique. A la première grande Initiation, l'homme cesse de suivre l'évolution générale, entièrement accomplie en ce qui le concerne, et commence l'évolution spéciale. Dans Les Maîtres et le Sentier, nous avons dit tout ce qui peut être divulgué de la cérémonie qui a lieu à ce moment, y compris les mots : « Vous êtes entré dans le courant. Puissiez-vous bientôt atteindre l'autre rive (55) ». Cette rive est, bien entendu, l'Adeptat.


      La porte de chaque portail s'ouvre avec une clef d'or ; et ces clefs sont :
      1. Dana, la clef de charité et d'immortel amour.


      La charité dont il s'agit n'est pas l'ordinaire charité qui fait l'aumône, ni même ce que l'on appelle communément une disposition charitable, bien que celle-ci soit très supérieure à celle-là ; elle signifie que l'homme est absolument prêt à se consacrer, lui-même et tout ce qu'il possède, au service. Rares ici-bas sont les personnes qui, parvenues à ce point, sont prêtes à employer, pour mieux servir, tout leur temps, toute leur énergie, tout leur argent, tous leurs sentiments et toutes leurs pensées. D'ailleurs, ceux mêmes qui en sont là doivent aller plus loin, car ils peuvent commettre encore l'erreur de rapporter à eux-mêmes le travail accompli au lieu de s'identifier à lui. Beaucoup de personnes sont disposées à entreprendre la grande tâche, mais il en est peu qui s'oublient elles-mêmes au point d'accomplir un travail insignifiant, ignoré de tous, et qui ne leur vaudra pas de remerciements. Le disciple du Maître doit chercher des yeux la tâche dont personne ne se charge et qu'il serait lui-même capable de remplir. Il ne doit pas dédaigner le plus humble travail, en disant : « Je suis au-dessus de cela ». Dans l'œuvre du Maître, aucun détail n'est moins important qu'un autre, bien que certaines parties soient plus difficiles que d'autres et par conséquent exigent soit une préparation spéciale, soit des facultés ou des aptitudes particutières.

      Pour vous sacrifier entièrement, il faut sacrifier aussi vos sentiments ; êtes-vous susceptible, vous gaspillez en vous formalisant une énergie dont le travail aurait dû être fructueux. Faites toujours de votre mieux sans vous permettre de penser : « Voilà qui n'est pas trop mal ».

      Il faut posséder aussi « l'immortel amour ». Tennyson a dit des morts :

      Ils suivent, comme Dieu, la marche des heures – D'un œil plus grand, plus ouvert que le nôtre, – afin de nous montrer à tous leur indulgence.

      Dieu sait tout et ne S'impatiente pas. Si, portés à perdre patience entre nous, nous nous lassons vite d'excuser autrui, Lui n'agit pas de même, On a dit avec raison : Tout comprendre, c'est tout pardonner (56).


      2. Shila, la clef d'harmonie dans les paroles et dans les actes, la clef qui contrebalance la cause et l'effet, et ne laisse plus de place à l'action karmique.

      Le mot shila est traduit, en général, simplement par « conduite », mais ici l'auteur insiste sur l'idée d'harmonie. L'homme qui s'exerce à shila ne perd jamais de vue son propre dharma et, dans la position où il a été placé par le Karma, tire des facultés dont il dispose tout le parti possible. C'est aussi la qualité qui arrêtera le plus vite son compte karmique et lui permettra de jouir d'une liberté toujours croissante et d'occasions plus fréquentes de faire le bien.


      3. Kshanti, la douce patience, que rien ne peut froisser.

      Arrivé à cette étape, il faut que le candidat développe cette qualité dans une mesure appréciable, mais plus tard il devra l'amener à la perfection. La sérénité imperturbable prouve un haut degré d'avancement. L'Arhat est nommé le parfait – le vénérable – et pourtant il lui reste cinq entraves à rejeter avant d'être Adepte et, dans le nombre, l'avant-dernière est la possibilité de se laisser agiter par rien.


      4. Vairagya, l'indifférence au plaisir et à la douleur, l'illusion vaincue, la vérité seule perçue.

      Dans notre commentaire d'Aux pieds du Maître, toute la troisième partie concerne le vairagya ; cette qualité y est traduite par le « détachement ». Comme nous l'avons dit, elle est ordinairement traduite par l'indifférence ou par l'absence de passion.

      C'est la qualité possédée par l'homme qui, tout à son travail, ne se laisse jamais arrêter par des considérations personnelles. Il a perdu la susceptibilité, mais non pas la sympathie. Indifférent aux choses qui d'ordinaire exercent leur empire sur les hommes, il est sans passions capables de l'agiter ; son jugement est calme et rassis. Cette « indifférence » ne signifie pas que l'homme travaille sans enthousiasme, mais que son enthousiasme reste le même, la tâche fût-elle pénible et astreignante ou d'une nature agréable. La qualité est-elle bien développée, l'homme constate que la plupart de nos plaisirs et de nos peines sont des illusions et proviennent de ce que nous ne savons prendre les choses comme il le faudrait. Alors, il reconnaîtra la vérité de l'adage des anciens stoïciens : que nous sommes troublés beaucoup plus par notre façon de juger les choses que par les choses elles-mêmes.


      5. Virya, l'énergie indomptable qui se fraye une route vers la surnaturelle Vérité, hors de la boue des mensonges terrestres.

      Toute personne s'approchant du Sentier possède ses propres qualités spéciales ; elle trouvera donc certaines de ces portes assez faciles à franchir et d'autres au contraire difficiles. La patience, par exemple, serait pour le disciple oriental beaucoup plus facile ; pour le disciple occidental, ce serait l'énergie. En examinant pour la première fois cette liste, certains d'entre nous se demandèrent pourquoi les qualités les plus difficiles avaient été mises au commencement. En réalité, ce n'est pas exact. Notre Seigneur le Bouddha était un Indien ; il a énuméré les qualités pour des Indiens et probablement a cité tout d'abord les progrès les plus faciles à réaliser.

      Il est certainement difficile, après avoir développé un haut degré d'énergie ou de virya, d'acquérir ensuite la douceur et la patience, ou Kshanti. Une personne douée de cette énergie et qui entend parler du Sentier, veut immédiatement le suivre de bout en bout – mais, si elle n'est pas patiente, répandra autour d'elle en cours de route une telle agitation et créera une telle quantité de mauvais karma, que ses progrès en seront très ralentis. Par contre, l'homme patient mais sans énergie peut se contenter de marcher à pas très lents et ses progrès en souffriront.

      En Orient, une tendance pareille se remarque aujourd'hui. Je me rappelle avoir entendu assurer, à Ceylan, que dans les temps anciens, on arrivait réellement au nirvana, mais que, notre époque étant perverse – ce que l'on appelait un âge obscur, ou Kali youga –, de pareils succès n'étaient plus possibles ; plus tard, peut-être, dans un âge d'or lointain, ils le redeviendraient. Mais les grands instructeurs sont encore auprès de nous, et si, comme le dit l'Ecriture chrétienne, la porte est resserrée et le chemin étroit, aujourd'hui comme toujours il est possible de trouver la porte et de suivre le chemin.

      Dans ces questions, nul ne peut dire où il en est. Chez beaucoup de personnes, la Théosophie éveille un souvenir – preuve qu'elle en avait acquis des notions dans des vies passées. Si, à cette époque lointaine, un homme a fait de grands efforts pour atteindre le Sentier, dans la vie présente quelques efforts additionnels l'y amèneront. Mais si sa tentative actuelle est la première, ce serait pour lui un exploit presque surhumain que d'entrer dans le courant dès sa présente incarnation.

      Les efforts soutenus par de nombreux Théosophes entraînent une tension considérable ; voilà pourquoi il y a dans la Société Théosophique tant de perturbations, tant d'irritabilité, tant de querelles. J'ai entendu dire que d'autres sociétés avaient beaucoup moins à souffrir de ce genre d'ennuis. Et c'est très naturel. Si vous devenez membre d'une société de géographie, de géologie, ou d'une autre similaire, vous entrez simplement dans un groupement qui veut acquérir en commun des connaissances relatives, d'ordinaire, à un sujet spécial. Mais, dans la Société Théosophique, un grand nombre de personnes soumettent leurs corps astral et mental à une pénible épreuve, et celle-ci réagit sur leurs corps physiques. Aussi, comme pendant longtemps nous aurons affaire à des gens sensitifs mais encore imparfaits, dont la marche est plus rapide que ne l'a prévu la nature dans les conditions normales, je crois que l'histoire de la Société continuera sans doute à présenter bien des troubles. Cependant, un jour viendra où chacun de ses membres sera en possession de la « douce patience, que rien ne peut froisser ».


      6. Dhyana, dont la porte d'or, une fois ouverte, conduit le Nardjol vers le royaume de l'éternel Sat et sa contemplation incessante.

      Dans les premières éditions de cet ouvrage, vous trouverez ce mot incorrectement écrit « naljor » – faute corrigée dans les éditions suivantes. L'erreur provient de ce que Mme Blavatsky avait lu le mot astralement ; or, en lisant ainsi un livre, on voit simultanément ce qui est écrit au recto et l'envers de ces mêmes caractères. Bien entendu, on évite de fixer l'attention sur le verso de la page imprimée ou manuscrite, et normalement l'on ne s'occupe que des pages ouvertes sous les yeux du lecteur ; celles-ci sont alors parfaitement nettes et le verso échappe au foyer visuel. Pourtant, en lisant de la sorte, il est très facile de se tromper et de voir certaines choses à l'envers. Il en est surtout ainsi des nombres. S'agit-il d'un 7, vous remarquez immédiatement s'il est à l'envers, mais 18 peut facilement être pris pour 81.

     Il arrivait à Mme Blavatsky d'inverser les nombres de cette façon. Souvent elle examinait astralement des livres rares, dont il n'existe qu'un ou deux exemplaires. Quelques-uns d'entre nous, allant vérifier au British Museum une citation qui, d'après elle, se trouvait par exemple à la page 139, constataient qu'elle se trouvait à la page 931. En général nous trouvions ses citations justes ; les inexactitudes étaient légères et peu fréquentes. Un jour, je m'en souviens, elle oublia la négation « pas », ce qui altérait complètement le sens ! Comme Mme Blavatsky ne savait ni le sanscrit, ni le pali, ni le thibétain et qu'en employant les mots de ces dialectes elle devait s'en rapporter entièrement à sa mémoire, il faut s'étonner, non pas qu'elle ait fait des erreurs, mais qu'elle en ait fait si peu.

      Le mot narjol, cause de cette petite digression, est thibétain et signifie adepte ou saint ou, mieux encore, yogui ; il dérive d'un mot signifiant « paix ». Le narjol est donc celui qui cherche la paix intérieure.

      C'est dhyana, la méditation, qui ouvre les portes du Moi Supérieur. C'est par la clairvoyance qu'ont été acquises la plupart de nos connaissances théosophiques et celles que nous avons puisées dans les textes sacrés anciens. Une infinité d'autres attendent l'examen des clairvoyants. En chimie occulte, par exemple, nous avons étudié les éléments et quelques composés, mais un immense travail reste à faire pour une personne douée de la vision astrale et de la faculté grossissante, sans parler de la patience nécessaire pour observer et compter bien des fois les atomes.

      Les Stances de Dzyan ont dû être écrites par un auteur capable de lire la pensée des Dévas directeurs et de se rendre compte ainsi de leurs intentions. Ce que nous disons des cercles et des rondes peut ne pas être exact, mais les renseignements donnés sur les plans astral et mental, résultant de milliers d'observations, sont à peu près certains de l'être. Des erreurs peuvent encore être dues à une généralisation prématurée – ceci arrive dans toutes les sciences – au fait que l'anormal a été pris pour le normal, ou encore à la méconnaissance d'une certaine classe de phénomènes jouant un rôle dans une théorie générale. J'en donnerai pour exemple nos idées anciennes concernant l'intervalle entre les vies, comme aussi les incarnations régulières des egos dans les sous-races successives, où nous avions vu la loi normale de l'évolution ; jusqu'au jour où nous découvrîmes l'existence d'un autre type d'egos qui ne quittaient guère une même sous-race et se réincarnaient deux fois plus souvent que les autres. Nous ignorons s'il n'existe pas encore une demi-douzaine d'autres types ; tout ce que nous pouvons dire, c'est que nous ne les avons pas encore rencontrés.

      Les textes sacrés anciens sont particulièrement précieux parce qu'ils furent le plus souvent écrits par des clairvoyants. Leur lecture paraît souvent ingrate, à cause de la manière dont ils présentent les idées, parfois aussi à cause de leur archaïsme. Chaque âge s'exprime à sa manière. Dans notre méthode moderne, aucune fantaisie ; nous disons les choses aussi simplement que possible. Dans l'Egypte ancienne, pour prendre un exemple différent, tout s'exprimait sous une forme très poétique. Les ouvrages gnostiques, à leur tour, enveloppaient les idées dans un symbolisme compliqué. Pour étudier le Livre des Morts ou Pistis Sophia, en admettant même que la traduction soit exacte, ce qui n'est pas toujours le cas, il faut donc essayer de retrouver l'attitude mentale particulière de l'époque où furent écrits ces ouvrages, effort très difficile. Il faut aussi pour cela beaucoup de temps, et l'on sait qu'en général nos contemporains n'ont guère de loisirs, s'ils doivent en même temps gagner leur vie par un autre travail.

      Dans les temps anciens, la vie était beaucoup plus calme ; on cherchait à la rendre agréable et facile pour chacun, et, en général, on remettait au lendemain tout ce qu'il était possible de ne pas faire le jour même. Passant en revue un grand nombre de vies passées, j'ai fait partout la même constatation. Alors pas de trains à prendre, pas de journaux ou de revues à faire paraître à telle heure ou à telle date. Tout ce que j'ai trouvé pour rappeler nos publications périodiques, c'est une série de lettres publiées à intervalles très longs et tout à fait irréguliers, si bien que plusieurs mois s'écoulaient parfois entre deux de ces messages.

      Malgré tout, les hommes à cette époque reculée parvenaient à l'Adeptat, mais l'acquisition de virya, l'indomptable énergie nécessaire pour suivre le Sentier, devait leur paraître difficile. Pour que les gens fassent preuve d'énergie, il est souvent nécessaire qu'ils y soient forcés. Si, en affaires, ils ne montrent ni exactitude ni assiduité, la compétition est si vive qu'ils se laissent dépasser par d'autres et perdent leur gagne-pain. Quant à l'étudiant en occultisme, obéissant à une contrainte qu'il s'est lui-même imposée, il travaille toujours posément, sans hâte et sans agitation, car il veut que sa tâche soit bien remplie.

      Ici, le principal danger consiste, sans doute, à en faire trop peu ou à négliger ce qui devrait être fait. Pourtant, le travail de certaines personnes souffre de ce qu'elles entreprennent trop de choses. Mme Besant nous donne un magnifique exemple de la méthode intermédiaire ; toujours occupée, elle règle le plus avantageusement possible l'emploi de son temps, mais n'entreprend que ce qu'elle peut faire. Elle dit souvent : « Ce travail n'est pas le mien, car je n'ai pas de temps à lui donner ».

      Il y a un fond de vérité dans le dicton que l'homme le plus occupé est toujours celui qui a le plus de loisirs ; la raison en est qu'il ne perd pas son temps. Mais il y a des gens qui se chargent de plus de travail qu'ils ne peuvent réellement accomplir, convaincus parfois, et non sans raison, que dans leur entourage, personne ne s'en tirerait aussi bien qu'eux-mêmes. Ceci est arrivé, il y a bien des années, en la personne de certain secrétaire général d'une des sections de la Société Théosophique. C'était un travailleur hors ligne et fort capable, et il n'avait probablement pas tort de penser qu'il faisait tout mieux que personne, mais il entreprenait tant de choses que, le travail inachevé faute de temps s'étant accumulé, son successeur se trouva en présence d'un désordre à peu près inextricable.

      Mieux vaut à cet égard prendre un parti moyen, délimiter votre travail avec soin et vous réserver le temps nécessaire pour instruire et former d'autres collaborateurs. Expliquer à autrui la manière de faire un travail donne souvent beaucoup plus de peine que de le faire soi-même, mais on espère qu'après le lui avoir expliqué une ou deux fois, ou dix fois s'il le faut, il pourra lui-même faire le travail cent fois et tout seul – d'où, finalement, un avantage.


      7. Pradjna, dont la clef fait de l'homme un dieu, et le crée Bodhisattva, fils des Dhyanis.
      Telles sont les clefs d'or des portails.


      Nous voici à la dernière de ces qualités, Pradjna, c'est-à-dire, une fois encore, la sagesse – dans le sens d'une faculté de la Conscience plutôt que de l'intelligence, d'une faculté qui est sagesse parce qu'elle atteint la vie au delà des formes. Jnana, également traduite par sagesse, n'est pas une faculté, alors que pradjna en est une.

      Cette qualité, nous est-il dit, crée le Bodhisattva ; ce dernier terme est employé ici dans un sens étendu. Techniquement, un Bodhisattva est destiné à devenir un Bouddha ; il a fait à un Bouddha vivant le serment d'assumer Ses fonctions dans une vie future. Mais tous les hommes, en suivant leurs lignes individuelles, atteindront le niveau du Bodhisattva. Il y a sept grandes lignes planétaires et sur chacune travaillent les Maîtres qui prennent des élèves. Chaque homme, en suivant sa propre ligne, finira par se trouver attiré vers le Maître qui est le Chef de cette ligne. Reste la possibilité de passer d'une ligne à une autre par dévotion envers un Maître particulier, mais ceci exige des études et des efforts additionnels ; car c'est sur sa propre ligne que l'homme s'adapte le plus facilement à l'entraînement occulte.

      Celui qui devient un Bouddha doit, des milliers d'années auparavant, s'être lié par serment à un Bouddha vivant ; dès lors, assure-t-on, l'influence de Celui-ci l'entoure et quand arrive le moment où il devient Bouddha, la puissante influenice du Bouddha spirituel plane sur le Bouddha incarné. On dit que Notre Seigneur Gautama prêta serment au Bouddha Dipankara ; et celui-ci est supposé avoir été présent pendant les années où prêchait le Bouddha Gautama. On ne peut que répéter ce qui a été révélé de ces hautes questions, mais certainement c'est une bien belle idée – naturelle aussi, car nous savons qu'à un niveau très inférieur, le Maître couvre toujours de Son ombre le disciple qui partage Sa conscience.


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(54)  Op. cit., III, 20.

(55)  Op. cit., chap. VII.

(56)  En français dans le texte (N. D. T.).




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