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La voie de l'occultiste - Tome 2

Annie Besant
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FRAGMENT III : LES SEPT PORTAILS
Chapitre XXV : La septième porte

      Sache-le, conquérant des péchés, une fois qu'un Sowani a traversé le septième sentier, toute la nature frémit d'une joyeuse terreur et se sent soumise. En scintillant, l'étoile argentée annonce cette nouvelle aux fleurs nocturnes ; dans sa course, le ruisseau l'annonce aux cailloux ; en mugissant, les sombres vagues de l'océan l'annoncent aux rochers ceinturés de brisants ; en chantant, les zéphyrs chargés de parfums l'annoncent aux vallons et les pins majestueux murmurent avec mystère : « Un Maître s'est élevé, un Maître du Jour ».

      Charles Webster Leadbeater : Un Maître du Jour est celui qui est en sûreté pour la durée du cycle présent ; il s'agit par conséquent aussi bien du candidat qui a reçu la première Initiation que de celui qui est parvenu à l'autre rive. La joie qu'éveille dans la nature entière un pareil événement est un fait dont nous trouvons ici une admirable et poétique expression. Beaucoup de personnes éprouvent alors un sentiment de bonheur inexplicable et parfois un frémissement spirituel marqué. Dans nos races civilisées, la plupart des hommes possèdent à peine la sensibilité nécessaire pour s'apercevoir de ces événements, mais certains individus impressionnables peuvent très bien se dire : « C'est curieux comme je me sens heureux aujourd'hui. Qu'a-t-il bien pu se passer ? » Dans la nature aussi, la sensation éprouvée est celle d'un bien-être général.

      La plupart des gens sont occupés à développer leur mental ; ils ont par suite perdu beaucoup de leur sensibilité ; or, celle-ci dépend moins du développement du mental que de celui des sentiments et des émotions. Les sauvages de type supérieur sont à beaucoup d'égards bien plus sensitifs, mais généralement d'un façon vague et indéfinie et sans pouvoir maîtriser leur sensitivité. Ils reçoivent des impressions et peuvent souvent prédire certains événements d'une manière générale. Tout cela nous reviendra, mais net et précis, quand, à un niveau plus élevé, la spirale revenant sur elle-même, nos émotions supérieures se développeront. Alors non seulement nous éprouverons dans ces grandes circonstances un sentiment de bien-être et de bonheur, mais encore nous en connaîtrons la raison ; nous saurons de quel centre s'élève le grand chant d'allégresse. Le reste de la nature, que cependant nous avons dépassé, est jusqu'ici moins attaché aux objets matériels que ne le sont beaucoup d'hommes. A moins d'être possédé par un désir résultant de la faim ou d'une autre nécessité physique, un animal éprouvera dans une certaine mesure le frémissement dont nous avons parlé.

      Le grand objet de la Société Théosophique est moins de favoriser le développement du. mental que d'élever les hommes dont l'aptitude est suffisante jusqu'à répondre aux influences bouddhiques ; de rendre à ses membres, sur un point supérieur de la spirale, leur sensitivité ; enfin de la préparer pour la race future. Elle ne méconnaît pas le développement du mental – loin de là –, mais elle prépare l'homme pour le degré suivant, quand de l'amour intuitif naîtront l'harmonie et la fraternité ; un jour, elle fera servir l'intellect développé à constituer une civilisation nouvelle dont ces idées seront la base. Notre Société, se rattachant étroitement aux plans supérieurs, est très sensible aux forces libérées par la naissance d'un nouveau « Fils de l'homme ». Le flux puissant la touche la première et lui donne un élan nouveau ; elle augmente, elle étend ses activités ; ses membres se multiplient et les sentiments fraternels se développent.

      Il arrive cependant que cette stimulation de la vie soit une cause de friction, amenée par un sentiment insuffisant des proportions. Une grande idée se forme-t-elle dans l'intelligence d'un membre, l'énergie qui l'envahit l'intensifie ; rien de mieux s'il s'agit d'un homme pondéré, qui suit ses propres idées sans déprécier celles d'autrui. L'étroitesse se joint-elle au défaut d'équilibre, les divergences de vues peuvent se trouver accentuées. En Théosophie, chacun suit sa ligne d'activité particulière, mais le danger commence quand l'homme s'avise que sa propre ligne devrait être suivie et préconisée par toute la Société. D'autres personnes tâchent-elles de mener à bien leurs idées, il est porté à supposer qu'elles ne font pas pour la Société tout leur possible, puisqu'il ne reçoit d'elles aucune assistance. Il est assez naturel que dans des cas pareils l'enthousiasme soit parfois une cause de friction, alors que l'amour fraternel et la vraie tolérance passent un peu au second plan.

      Notre grande Présidente nous a dit que souvent elle a donné sa collaboration à « la deuxième ou troisième excellente idée » d'autrui. Sachant ce qui valait le mieux, elle cédait avec calme, d'abord pour que l'harmonie ne fût pas troublée, ensuite pour que les personnes en question pussent acquérir de l'expérience en réalisant leurs intentions. Vient-on lui soumettre avec enthousiasme un plan qui souvent n'est pas le meilleur, elle ne décourage pas son interlocuteur. « Allez-y ! lui répond-elle, essayez et réussissez ! » Il essaie donc et, peut-être après une année ou deux, s'aperçoit que son plan était défectueux ; alors il le modifie. Mais parfois aussi de bons résultats ont été obtenus ainsi.

      Il est presque toujours sage de laisser les gens essayer leurs idées, mais toujours attristant de les voir imposer ces idées à autrui avec trop d'énergie. L'expérience nous confirme sans cesse que dans la Société rien n'importe davantage que l'harmonie entre les membres. On peut même dire que l'harmonie entre les travailleurs importe plus que le succès d'un travail quelconque. Il faut donc laisser chacun libre de suivre sa meilleure inspiration ; mais que chacun accorde aux idées individuelles d'autrui toute la sympathie possible. Nous est-il possible – sans mettre en péril cette harmonie qui fait de la Société un canal parfait pour les énergies supérieures et une porte toujours ouverte à l'influence des Grands Etres – de nous livrer à une vigoureuse activité, rien de mieux ; – autrement non.

      L'étoile d'argent mentionnée dans le texte peut signifier aussi l'étoile de l'Initiation. C'est le signe de la pensée et de la présence du Roi. Dans la cérémonie de l'Initiation, celui qui tient Sa place – celle de l'Unique Initiateur – Le prie de ratifier ce qui a été accompli, et en réponse apparaît et brille l'étoile d'argent.


      Il se dresse maintenant comme un blanc pilier qui s'élève au couchant, et sur la face duquel le soleil levant de la pensée éternelle verse ses premiers et ses plus glorieux flots de lumière. Son mental, comme un océan calme et sans bornes, s'étend dans l'espace sans rivages. Il tient la vie et la mort dans sa forte main.
      Oui, il est puissant. Le pouvoir vivant libéré en lui, ce pouvoir qui est Lui-même, peut élever le tabernacle de l'illusion bien au-dessus des Dieux, au-dessus du grand Brahm et d'Indra.


      Par la Grande Confrérie Blanche descend sur le monde toute la Lumière qui éclaire les ténèbres de la vie humaine et accélère infiniment l'évolution des hommes. Le symbole de l'Orient représente souvent la Confrérie ; aussi peut-on dire du membre qui donne son assistance au monde qu'il est tourné vers l'occident.

      L'illusion mentionnée ici est celle de l'état séparé. L'aspirant s'est maintenant libéré de cette illusion ; sur le Sentier, il s'élèvera pas à pas, d'un plan à un autre ; enfin, ayant sur chacun d'eux détruit l'illusion, il deviendra son propre maître à tous les degrés de la vie humaine. L'altitude accessible à l'homme paraît illimitée ; ce qui est dit de Brahma et d'Indra n'est donc pas une exagération, bien que cette phrase soit sans doute prise dans un sens général. Elle rappelle aussi, dans la Lumière d'Asie, ce vers : Vous pouvez élever votre sort au-dessus de celui d'Indra (66).

      Pratiquement, cette sentence peut s'appliquer au changement de rayon, tel qu'il se trouve décrit dans Les Maîtres et le Sentier. Dans la Hiérarchie de notre terre, il est possible d'aller plus loin sur le premier rayon que sur le second ; plus loin aussi sur le second que sur aucun des cinq autres. Quiconque est parvenu à la Septième Initiation sur l'un des cinq derniers rayons, doit passer au deuxième ou au premier, s'il veut atteindre la Huitième Initiation, et seulement sur le premier s'il veut aller encore plus loin. La Doctrine Secrète compare Indra au Deuxième Logos, le Dieu Solaire, et Brahma est le Troisième Logos, le Créateur. Dans la Hiérarchie, ils sont représentés, l'un par le Chef du deuxième rayon, le Bouddha ; l'autre par le Mahachohan, qui gouverne les cinq rayons (du troisième au septième). Le Seigneur du Monde est sur le Premier rayon et S'est élevé au-dessus des deux autres.


      Maintenant, il atteindra sûrement sa grande récompense !
      N'emploiera-t-il pas pour son propre repos et sa béatitude les dons qu'elle confère, sa richesse et sa gloire bien gagnées – lui le vainqueur de la grande illusion ?
      Non, candidat au savoir que tient caché la nature ! Si l'on veut suivre les traces du saint Tathagata, ces dons et ces pouvoirs ne sont pas pour soi.
      Voudrais-tu endiguer ainsi les eaux nées sur le Soumérou ? Détourneras-tu le courant pour l'amour de toi-même, ou le renverras-tu à sa source première le long des crêtes des cycles ?


      Nous revenons ici, encore une fois, à la libération des naissances et des morts et à l'idée qui s'y rattache – celle du repos. Dans cette phase, aucun sentiment de fatigue et de peine telles que nous les éprouvons ici-bas n'est possible ; mais, jugeant de notre plan inférieur le sort d'un Adepte qui demeure incarné pendant des millions d'années, nous le trouvons indiciblement lassant. Comme le candidat auquel s'adresse Aryasanga est placé à un niveau inférieur, l'instructeur désire que son élève n'envisage pas cet avenir avec répugnance, bien que sur le moment le côté sombre du tableau lui soit visible. Impossible, sans doute, à l'instructeur de décrire les joies de cette existence exaltée ; elles ne peuvent s'exprimer dans les mêmes termes que les joies, même les plus intenses, que nous connaissons ; il est donc assez dangereux d'en présenter l'attrait au candidat qui risquerait de prendre pour objectif, à son insu, une forme inférieure de bonheur ; ses progrès s'en trouveraient retardés.

      Le mont Merou – ou Soumerou – est la Montagne des Dieux correspondant, d'une façon générale, à l'Olympe des Grecs. Tout bien y prend sa source ; il s'épanche en chacun des membres de la Confrérie et par lui devrait se répandre dans le monde ; dans le cas contraire, le courant se trouve littéralement obstrué, mais alors le frère responsable manque à son devoir.


      Si tu veux que ce fleuve de connaissance péniblement acquise, de sagesse née du ciel, reste une eau douce et courante, il ne faut point lui permettre de devenir un marais stagnant.
      Sache-le ; si tu veux travailler avec Amitabha, l'Age sans bornes, tu dois verser la lumière acquise, comme font les deux Bodhisattvas, sur toute l'étendue des trois mondes.


      Mme Blavatsky ajoute la note suivante :

      Dans le symbolisme bouddhiste du nord, Amitabha ou l'espace sans bornes (Parabrahman) a, dit-on, deux Bodhisattvas danss son paradis – Kwan-shi-yin et Tashishi – qui rayonnent à jamais la lumière sur les trois mondes où ils ont vécu, y compris le nôtre, pour aider de cette lumière (de la connaissance) l'instruction des Yoguis qui à leur tour sauveront les hommes. Leur position élevée dans le royaume d'Amitabha est due aux actes de miséricorde accomplis par eux deux, lorsqu'ils étaient des Yoguis, eux aussi, sur la terre, suivant le récit allégorique.

      Cette note est un peu compliquée et demande quelques explications. Mme Blavatsky fait d'Amitabha l'équivalent de Parabrahman, mais il est difficile de comprendre qu'il puisse en être ainsi, car le premier est la Lumière Illimitée, la Sagesse Illimitée, l'Essence de tous les Bouddhas. Parabrahman est la première Personne de la grande Trinité ; Avalokiteshvara est la seconde, qui est aussi Amitabha, appelé « principe médian » du Bouddha. Il nous est possible de collaborer avec ce deuxième principe ou principe médian, mais pas avec Parabrahman.

      Cependant, elle les identifie quelquefois. Le Parabrahman est alors la sagesse cachée ; il se manifeste comme Avalokiteshvara, l'Ishvara manifesté, le Logos. En regardant de bas en haut, il y a en nous, en nous tous, un Dieu qui est vu (le second des trois) et un Dieu caché (le premier des Trois) (67).

      Le principe médian est aussi nommé le Bodhisattva ; il est décrit comme double, masculin et féminin, c'est-à-dire Kwan-shi-yin l'aspect mâle et Kwan-yin l'aspect féminin d'Avalokiteshvara. Ce dernier, dit-on, « prend à volonté toutes les formes afin de sauver l'humanité ».

      « Les trois mondes, dit une note, sont les plans de l'être, le terrestre, l'astral et le spirituel ». Mme Blavatsky emploie ici le terme « astral » dans un sens inaccoutumé, ce qu'elle a fait aussi dans La Doctrine Secrète en traitant le même sujet. Considérant l'homme dans son ensemble, de la Monade aux corps matériels, elle le divise en trois parties ; d'abord, la partie spirituelle, qui est la Monade ; deuxièmement, la partie astrale comprenant notre atma-bouddhimanas, c'est-à-dire le roupa supérieur aux sens ; troisièmement, la partie matérielle ou terrestre, comprenant les corps mental inférieur, astral et physique.

      Les deux Bodhisattvas pourraient encore présenter un autre sens ; ils seraient alors les deux grands Frères, notre Seigneur Gautama et notre Seigneur Maitreya, qui représentent dans la Hiérarchie le principe médian ; le premier s'occupe des mondes supérieurs ; le second regarde en quelque sorte vers le bas, afin de s'occuper des personnalités humaines sur les plans inférieurs. Dans Les Maîtres et le Sentier, nous avons raconté les efforts et les sacrifices merveilleux de ces deux Frères (68).

      Reste une interprétation qui pourrait être au point de vue humain la plus pratique. Si Gautama et Amitabha sont devenus un, c'est que Gautama est devenu le Bouddha ; Il reste actif sur les plans supérieurs, mais dans le monde des hommes, Il agit par le Bodhisattva double, dont la forme masculine est Kwan-shi-yin, notre Seigneur Maitreya, et dont la forme féminine est Kwan-yin, la compagne, la shakti mystérieuse de Celui-ci, dans presque toutes les religions.


      Sache que le fleuve de connaissance surhumaine et de sagesse dévique que tu as gagné doit, de toi-même, canal d'Alaya, être versé dans un autre lit.
      Sache, ô Nardjol du Sentier secret, que ses eaux pures et fraîches doivent être employées à rendre douces les vagues amères de l'océan – cette mer immense et douloureuse formée par les larmes des hommes.


      La connaissance surhumaine signifie probablement la clef donnée à l'Initié dès son premier pas. L'homme qui a reçu plusieurs Initiations possède certaines catégories de connaissances qu'il ne lui est pas permis de communiquer à autrui ; il conforme ses actes à ces connaissances – d'où nécessairement une manière de faire et un genre d'existence particuliers. D'autres peuvent les remarquer et les suivre, soit par imitation, soit par dévotion. Les gens de tempérament protestant trouvent à redire à cette façon d'imiter les personnes éminentes ; ils font observer que telle personne peut être grande à certains égards mais beaucoup moins à d'autres – qu'en les imitant, on peut facilement devenir superstitieux, comme dans l'histoire du chat et du bois de lit ; ils ajoutent que la vigueur s'acquiert en comptant sur soi-même. Tout cela est vrai, mais l'une et l'autre méthode présentent à la fois des avantages à gagner et des dangers à affronter. Que chacun, par conséquent, choisisse la voie qui lui est la plus naturelle, mais en ayant soin de chercher à comprendre et à respecter l'homme qui a pris l'autre chemin. Si nous imitons les actes d'une personne qui en sait un peu plus que nous, notre imitation n'est pas déraisonnable. Un enfant imite les adultes, persuadé qu'ils en savent plus que lui, et en général il a raison. Quel inconvénient y a-t-il à ce que l'enfant moyen regarde son père comme le plus grand des hommes ? Et qui songerait à lui dire qu'il se trompe ?

      La Sagesse dévique est sans doute la Sagesse Divine, que nous appelons Théosophie. C'est la connaissance des divers mondes comme séjour de la vie de Dieu, et non pas simplement comme régions extérieures. Aryasanga établit toujours une distinction entre ce que l'on sait réellement et ce que l'on se borne à croire. S'il prenait la parole dans une de nos réunions théosophiques il pourrait dire : « Vous devriez croire à l'existence des plans astraux et mental, parce que c'est une nécessité rationnelle. Mais vous ne pouvez en être assuré sans en avoir fait l'expérience directe ». Si cette connaissance est surhumaine, c'est simplement parce que de nos jours elle n'est pas à la portée de l'humanité normale ; par contre, elle le sera un jour pour toute personne moyenne.

      L'expérience directe joue un rôle considérable dans la manière dont nous arrivons à comprendre ces grandes vérités. Mr W. T. Stead disait une fois qu'il s'était livré au sujet des questions psychiques à des études et à des investigations prolongées, mais qu'un moment de clairvoyance vint un jour apporter à ces questions une couleur et une réalité nouvelles. Au moment de s'endormir, il vit, comme en un petit tableau, une plage et les vagues se brisant sur les rochers. C'était peu de chose, mais c'était fort instructif. « Maintenant, dit-il, je comprends ce que signifie pour un clairvoyant la vue de telle ou telle chose.

      Quelle immense différence pour le Dr Besant et pour moi-même, quand, pour la première fois, nous pûmes observer directement les plans intérieurs. L'étude extérieure nous avait familiarisés avec les faits concernant les mondes astral et mental, mais la vision directe nous rendit ces mondes vivants. S'agit-il même des questions du plan physique, les connaissances obtenues exclusivement par la lecture ont je ne sais quoi de sec et de décoloré ; au contraire, tout est couleur et lumière pour l'homme qui doit son instruction à la vie. Je me rappelle avoir constaté cette différence chez les moines bouddhistes que je fréquentais à Ceylan. Tel moine possédait les textes dans la perfection et pouvait les citer à l'appui de tous les principes de sa religion ; tel autre, ayant une certaine expérience de la méditation, citait moins mais avait beaucoup plus à dire.

      La clairvoyance ne se manifeste pas tout d'un coup sous une forme qui puisse inspirer confiance. Il faut un entraînement long et méthodique pour amener une personne à voir juste, à comprendre ce qu'elle voit et à éliminer l'équation personnelle. On peut mettre un télescope dans les mains de quelqu'un et supposer que cet instrument lui fera connaître tout ce qui concerne les étoiles – mais cette personne ne s'instruira guère avant d'en avoir appris l'usage et d'avoir mis en jeu, dans ses observations, beaucoup de savoir et d'intelligence. Les astronomes ont découvert qu'ils devaient, eux aussi, dans leurs théories, tenir compte de l'équation personnelle.

      Dans la clairvoyance, on s'en aperçoit de bien des façons : on peut voir les objets un peu trop grands, un peu trop bleus ou trop rouges, et ainsi de suite. L'élément personnel se manifeste également sous la forme de préjugés. C'est ainsi qu'une dame clairvoyante, d'ailleurs ardente chrétienne, toutes les fois qu'elle voyait verser de l'eau, donnait à cet acte le sens de baptême et, quand d'autres émettaient un avis différent, le prenait fort mal. Malgré tous nos efforts, nous ne pouvons rien voir entièrement, comme il le faudrait pour arriver à une précision parfaite. Il se peut même qu'à Leur niveau, celui de l'Adepte, les Maîtres tiennent compte de leurs « équations personnelles » lorsqu'ils agissent sur les plans inférieurs.

      Cependant, l'initié a obtenu par l'expérience, sur bien des points, une certitude qui lui permet de servir de canal aux énergies supérieures. Comme elle modifie la polarité de ses véhicules mental et causal, il peut être pris pour instrument, alors que d'autres ne sont pas utilisables, quel que soit à d'autres égards leur développement.


      Hélas ! tu vas devenir comme l'étoile fixée au plus haut des cieux ; des profondeurs de l'espace, ce luminaire céleste doit briller pour tous excepté pour lui-même ; donner de la lumière à tous, mais n'en prendre à personne.

      Ne supposons pas que l'étoile brille à regret ; elle brille parce qu'elle ne peut faire autrement. « Toutes les créatures suivent leur nature. A quoi bon faire violence ? (69) »

      La contrainte est toujours attristante. Qui aime l'humanité voudrait lui prodiguer sans cesse la lumière et s'afflige de ne pouvoir le faire.

      Un grand exemple nous en est donné par les puissantes entités qui ont pour formes les grains de riz ou les feuilles de saule de notre soleil, afin que par leur intermédiaire, la lumière, la chaleur et la vitalité puissent se répandre sur tout le système. On a toujours vu là un sacrifice de leur part ; mais leur rôle est spontané ; c'est leur manière d'exprimer leur nature intérieure. Au lieu de mener sur quelque plan exalté, inconcevable pour nous, une existence d'activité splendide, elles conservent des corps physiques et vivent ainsi pour le bien des mondes qui gravitent autour de notre soleil. Elles forment en vérité une muraille protectrice, un chenal qu'Alaya peut suivre, pour se déverser dans un lit nouveau.


      Hélas ! tu vas devenir comme la neige pure dans les vallées des montagnes, froide et insensible pour le toucher, chaude et protectrice pour la semence qui dort profondément sous son sein ; c'est maintenant cette neige qui doit recevoir la mordante gelée, les rafales du Nord, abritant ainsi de leur dent aiguë et cruelle la terre qui contient la moisson promise, la moisson qui nourrira les affamés.

      La comparaison de la neige est très belle, mais il ne faut pas la pousser trop loin. Le disciple doit devenir comme de la neige nouvelle – blanche, immaculée, sans tache. En parlant ainsi à ses disciples, Aryasanga leur montrait sans doute les pics neigeux, partout visibles.

      Si la neige est insensible, ce n'est pas qu'elle exerce une action malfaisante, mais elle n'est pas affectée par le froid. Quel que soit l'abaissement de la température, la neige reste la même ; n'étant pas affectée, elle a la propriété de garantir la terre d'un froid plus intense. L'aspirant doit atteindre un but semblable ; il doit être insensible, mais seulement dans le sens de subir avec indifférence toutes les perturbations et tous les coups extérieurs, d'où qu'ils viennent, sans cesser pour cela de protéger le grain qui dort.

      Le grain, c'est la divinité dans l'homme ; il commence à se réveiller chez ceux qui portent leur attention sur les questions supérieures et s'efforcent de se développer. Voilà la semence qu'il faut chérir en autrui. Dans le gland, nous dit un Oupanishad, le chêne existe virtuellement ; il n'a qu'à se développer et à emprunter à l'air, à la terre, et à la lumière du soleil les éléments qui rendront possible sa manifestation. De même, la Monade, l'étincelle divine en nous, contient toutes les possibilités du Logos que nous serons un jour ; cependant, il faut qu'elle se développe.

      Il est nécessaire que nous fournissions à ces semences divines les conditions qui leur permettront le mieux de se développer dans les mondes inférieurs. Aussi devons-nous subir le froid mordant et la rafale du nord, afin de protéger ceux que ces intempéries pourraient affecter et arrêter. Il y a des hommes prêts à recevoir l'enseignement spirituel ; il faut leur donner la nourriture spirituelle. Ils ont faim ; nous devons leur apporter les aliments dont ils ont besoin pour croître. Ils ne savent pas bien ce qu'il leur faut, mais dès que la nourriture leur est présentée ils s'en emparent.

      En ce qui concerne la Théosophie, telle a été l'expérience de certains d'entre nous. Dès que la Théosophie nous est apparue, nous nous sommes dit : « Voilà exactement ce que j'attendais », bien qu'avant d'en entendre parler, nous ignorions ce qu'il nous fallait. Bien d'autres attendent, comme nous le faisions nous-mêmes, le moment de reconnaître ces idées et nous devons être comme la neige, dont le rôle est de protéger tant que persiste le froid, et puis, sous les rayons du soleil, de fondre et de disparaître.

      C'est exactement ce qui dans la famille se fait pour les enfants. Quand les temps sont durs ou quand viennent les soucis, nous veillons à ce que les enfants n'en sachent rien. Les aliments sont-ils insuffisants, les enfants sont nourris les premiers ; le père et la mère se contentent des restes. Une grâce nous a été accordée : l'instinct divin se manifeste assez en nous pour que nous reconnaissions le devoir de protéger l'âge tendre et sans défense.

      Dans la vie, le même esprit doit trouver de nombreuses applications. Nous avons un peu d'avance sur les gens complètement ignorants. Les plus à plaindre sont ceux-là, et non pas les gens qui croient subir de grands troubles ou de grandes difficultés intellectuelles – ceux, par exemple, qui s'inquiètent de ce que leur religion ne réponde pas entièrement à leurs besoins. Ce n'est pas à ceux-là que la sympathie est le plus nécessaire, car du moins ils sont éveillés et s'efforcent de trouver la lumière. Non, c'est la grande humanité orpheline, ceux qui ne savent même pas qu'il existe un but digne de leurs efforts, qui ont le plus besoin de sympathie. Nous ne pouvons faire grand'chose pour eux. Tout ce que l'on peut faire, pour un poussin dans l'œuf, c'est de le tenir au chaud. La chaleur représente la vie que nous pouvons lui communiquer. Il faut être bon, fraternel et droit. Quand les hommes ont besoin d'instruction, nous pouvons la leur donner, mais nous pouvons toujours leur donner notre affection et des pensées élevées, car, s'ils ne les reçoivent pas exactement, ils en sentent la chaleur, commue le poussin dans l'œuf.

      Il est excellent, a-t-on dit, de prêcher et d'enseigner, mais le plus grand de tous les sermons est une belle vie. En voici une raison : c'est qu'une prédication semblable frappe les gens qui ne savent pas encore ce qui leur manque. La plupart des gens gagnent leur vie et veillent aux besoins de leurs familles ; ils ne s'occupent ni de Théosophie ni de religion. En Angleterre, pays regardé en Europe comme attaché à la religion, les lieux du culte ne peuvent même contenir le dixième de la population. C'est à peine si les églises et les chapelles de divers genres sont à moitié pleines ; par conséquent, nous pouvons dire que le vingtième de la population, tout au plus, assiste habituellement à un office religieux quelconque. Nos belles conférences théosophiques font peu ou point d'impression sur cette masse de gens ; autant leur siffler une mélodie ou lire des vers. Par contre, ils examinent toujours les personnes bien élevées et plus développées qu'eux-mêmes, et se font une opinion sur celles dont l'éducation et le rang social sont supérieurs aux leurs. L'homme qui mène une existence vertueuse, honnête, pure et altruiste, ne cesse donc de prêcher à tous ces gens que les discours laissent indifférents.

      Beaucoup d'efforts missionnaires sont critiquables, en ce qu'ils donnent à la prédication le pas sur l'exemple. Un missionnaire prend un bungalow dans une bourgade indienne ; il a pour voisins le magistrat européen et le percepteur, qui, dans son ressort, est presque un roi. Autour de lui à peu près tous les Hindous sont strictement végétariens et abstinents ; mais le missionnaire exige de la viande de boucherie pour lui-même et garde en général à sa portée quelque carafe de whisky ou autre liqueur forte, quand même il ne se joint pas à ses amis européens pour tirer des oiseaux et autre menu gibier. Après quoi, il prêche la pureté et l'amour du Christ ; parfois il ose insulter les objets du culte populaire. Les résultats qu'il obtient sont habituellement nuls, sauf auprès de certains hypocrites qui par lui s'assurent des avantages matériels. Dans les écoles, il trouve souvent moyen de saper la religion des enfants sans implanter la sienne. Il amène rarement un bon Hindou à devenir un bon Chrétien, ce qui en tout cas ne présenterait aucun avantage, mais de temps en temps transforme un bon Hindou en un Chrétien médiocre. Il ferait bien mieux de s'attacher à mener une vie sainte, que sauraient comprendre les Hindous, et puis de leur parler du Christ comme de son divin gourou qui l'inspire et a fait de lui ce qu'il est. Même à son point de vue personnel, ce serait là une meilleure propagande, car les Hindous ont des idées larges et ne refusent pas, en général, de donner aux Etres divins adorés par d'autres une place auprès de leurs propres incarnations Divines.

      Souvent nous entendons assurer que les contrées orientales se christianisent rapidement ; ce que l'on veut dire, c'est qu'elles adoptent la civilisation moderne – comme la lumière électrique ou les règles de l'hygiène – ou bien qu'elles renoncent à certaines coutumes sociales, comme la réclusion des femmes de classe honorable et les mariages d'enfants, unions d'ailleurs assez fréquentes dans l'Europe chrétienne, il y a un siècle ou deux. On oublie peut-être comment les Chrétiens orthodoxes s'opposèrent à la science et aux réformes sociales, et comment ces progrès durent être arrachés à un « Christianisme » ressemblant fort à celui que les missionnaires eux-mêmes prêchent encore aujourd'hui.


      Volontairement condamné à vivre à travers les Kalpas futurs. sans être remercié ni perçu par l'homme ; immobilisé comme une pierre parmi les autres pierres innombrables qui forment le Mur Gardien ; tel est ton avenir si tu passes la septième porte. Bâti par les mains de nombreux Maîtres de compassion, élevé par leurs tortures, cimenté par leur sang, il abrite le genre humain, depuis que l'homme est l'homme, et le protège contre plus de misère et de bien plus profondes douleurs.
      Cependant, l'homme ne voit point cela ; il ne le percevra pas et ne prendra pas garde à la parole de sagesse... car il ne la connaît pas.
      Mais toi tu l'as entendue et tu sais tout, toi dont l'âme est sincère et sans artifice... et tu dois choisir. Alors, écoute encore.


      Je ne puis m'empêcher de croire qu'à certains égards les élèves d'Aryasanga devaient être peu avancés car il faut, semble-t-il, leur répéter à chaque instant qu'ils ne doivent s'attendre à rien pour eux-mêmes. On nous l'a dit aussi, mais – j'aime à l'espérer –, nous sommes parvenus comme étudiants en occultisme au degré où l'on reste indifférent si les hommes ne nous remercient pas ou ne remarquent pas nos efforts.

      Le désir d'être ainsi reconnu semble caractériser un degré assez inférieur. Sans s'attendre, en ce qui concerne les résultats de notre tâche, ni à des remerciements, ni à des satisfactions personnelles, il faut agir avec soin et prévoyance. L'occultiste est tenu d'estimer à l'avance le résultat probable de ses actes et de ses paroles et de ne commettre aucune imprudence. Notre rôle est d'agir le mieux possible et de veiller à ce que, si nous échouons, ce ne soit pas faute d'efforts ; mais, que nous voyions les résultats ou non, qu'importe !

      Supposez qu'un membre de notre Société soit chargé de former une loge dans une région nouvelle. Il donne à cette mission tout son dévouement, déploie tout le tact dont il dispose ; bref, il fait tout son possible. Que les adhésions soient nombreuses ou non, il ne s'en préoccupe aucunement. Il aurait bien tort d'exprimer ce regret : « Si un autre que moi avait été ici, il aurait eu plus de succès. » La mission lui a été confiée pour qu'il la remplisse de son mieux par ses propres moyens, et non par ceux d'autrui. C'est une erreur que de se comparer aux autres.

      L'expression « Mur Gardien » a été fort mal comprise. C'est un beau symbole, mais comme tout symbole il ne faut pas le pousser trop loin. Aucun danger ne menace l'humanité, si ce n'est ceux qu'elle-même a créés. Nous ne pouvons avoir d'autres ennemis que nous-mêmes. Chaque homme est responsable du tort qu'il subit et nul ne peut en réalité l'aider à trouver le salut. Tout ce que peuvent les autres, c'est de lui indiquer la manière de se tirer d'affaire, ou bien de le placer dans une situation telle que, s'il n'y prend garde, il s'expose à souffrir. Dans le monde extérieur, une personne se dit lésée par les diffamations d'une autre ; en fait, l'homme irrité se fait mal à soi-même ; rien ne l'oblige à se mettre en colère. Celle-ci, dit-on, est chose naturelle ; pour l'homme non développé, c'est possible, mais non pour celui qui est un peu plus instruit.

      L'expression « depuis que l'homme est l'homme » se prête à deux interprétations. Elle peut signifier, soit que le Mur Gardien existe depuis que l'homme est parvenu à l'humanité, soit que ce Mur fut élevé parce que l'homme comme tel est faible, exposé par conséquent à se léser soi-même très gravement s'il ne reçoit d'en-haut aide, protection et direction. Ces deux interprétations sont probablement justes l'une et l'autre. Nous savons que la Loge des Adeptes est très ancienne et qu'elle existait bien avant le moment où l'humanité eût fait assez de progrès pour être capable de produire des Adeptes ; Ceux-ci appartenaient alors à d'autres chaînes plus anciennes.


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(66)  Op. cit., VIII.

(67)  Chapitre II.

(68)  Op. cit., chap. XIV.

(69)  Op. cit., III, 83.




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