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Roderic / Rodrigue, dernier roi des Visigoths en Espagne

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      Roderic ou Rodrigue, dernier roi des Visigoths en Espagne, était fils de Theodefred, duc de Cordoue, à qui le roi Witiza avait fait crever les yeux. Quant à Theodefred, on présume, sans trop de fondement, qu'il était fils du roi Receswind ; de sorte qu'il est difficile d'établir la généalogie de Rodrigue et d'assurer même s'il était du sang royal.

      Witiza s'étant rendu aussi odieux que méprisable par ses cruautés, ses débauches et ses extravagances, Rodrigue se révolta contre lui, le vainquit et fut proclamé roi à sa place. Les historiens espagnols rapportent cet événement à l'année 710 ; mais comme ils ont à tort reculé plus on moins la fin du règne de ce prince et la date de l'empire des Visigoths, il est probable qu'ils se sont trompés aussi sur l'année où Rodrigue parvint au trône. Aucun auteur contemporain n'a écrit l'histoire de ce prince ; et ceux qui ont vécu le plus près de cette époque n'ont pas souillé la mémoire du dernier roi des Visigoths par les calomnies dégoûtantes qui lui ont été prodiguées, sans aucune espèce de fondement, dans des temps plus modernes. C'est donc aux vices, à l'impéritie, à la tyrannie de Witiza, à la vengeance de ses fils, de son frère Oppas, archevêque de Séville, et du comte Julien, son beau-frère gouverneur de Ceuta, qu'il faut attribuer les malheurs qui accablèrent l'Espagne sous le règne de son successeur ; et l'on doit rejeter comme une fable absurde l'histoire de Cava, Caba ou Florinde, fille du comte Julien, violée par Rodrigue. Ce prince, qui occupa le trône à peine deux ou trois ans, n'eut pas te temps de réparer les fautes de son prédécesseur ; mais l'action d'éclat qui termina son règne et sa vie justifie pleinement sa mémoire et prouve qu'il était digne de porter la couronne d'Alaric.
      Les partisans de Witiza ayant engagé dans leur querelle les Arabes qui venaient de soumettre à la loi du Coran toute l'Afrique septentrionale jusqu'à l'Océan, ceux-ci débarquèrent sur la côte d'Algésiras le 28 avril 711, sous les ordres de Tarik ben Zeïad, et s'emparèrent de la montagne Calpé, aujourd'hui Gibraltar. Rodrigue envoya aussitôt contre eux la fleur de sa cavalerie, qui fut mise en déroute par celle des musulmans. Alors il rassembla toutes ses forces, ce qui dut lui être d'autant plus difficile que Witiza avait avili et désorganisé l'armée, et il marcha contre les infidèles à la tête de 90.000 hommes. La bataille se donna près de Xérez de la Frontera, sur les bords de la rivière Lethe, nommée depuis Guadalète (Ouâdi al lethe) ; elle commença le 17 juillet 711 (1) au matin et dura deux jours entiers, sans avantages marqués pour aucun des deux partis. Le troisième jour, Tarik, reconnaissant le roi des Visigoths à son diadème de perles, à son manteau de pourpre bordé d'or et à son char orné d'ivoire, traîné par deux mules blanches, fondit sur lui et le perça de sa lance. Mais les chrétiens, furieux de la mort de leur souverain, disputèrent la victoire avec tant d'acharnement qu'elle ne devint complète pour les musulmans que le 26 juillet, après neuf jours de combats et de carnage. Ce récit, tiré des auteurs arabes, est la plus belle apologie de Rodrigue et de la nation dont il était le chef. Tarik, ayant coupé la tête de ce prince, la fit remplir de Camphre et l'envoya à Mousa, gouverneur d'Afrique, qui s'empressa de transmettre an calife de Damas la relation de cette victoire avec le trophée qui en était le témoignage.

      Les historiens espagnols semblent avoir pris à tache d'avilir le dernier roi goth jusqu'à la fin car ils prétendent qu'il s'enfuit pendant la bataille, après s'être dépouillé des marques de sa dignité ; qu'il disparut et qu'il alla cacher sa honte et ses remords au fond d'un monastère, dans une grotte ou un ermitage, où il finit ses jours dans les pleurs, sans s'inquiéter des ravages des Maures ni des malheurs de ses sujets. L'absurdité de ce conte est aujourd'hui démontrée par le récit que font les auteurs arabes de la mort de Rodrigue. Mais déjà les écrivains les plus judicieux l'avaient rejeté. Si ce prince eût eu des crimes ou des fautes à expier, ce n'est point en fuyant, en mourant comme un lâche qu'il aurait prouvé son repentir, mais en périssant pour défendre son trône et ses sujets. On avait aussi révoqué en doute la découverte du tombeau de Rodrigue à Viseo, au Portugal, deux cents ans après sa mort. Ce fait n'est point invraisemblable et ne contredit nullement le récit des auteurs arabes. Il est possible, en effet, que le corps de ce prince, privé de sa tête, mais reconnaissable à son costume, ait été emporté du champ de bataille par quelque serviteur fidèle et enterré à Viseo. La catastrophe de Rodrigue et de la domination des Goths, célébrée dès le XIVème siècle dans plusieurs romances et qui ont été publiées par Abel Hugo (Voyez le Journal des savants d'août 1822, p. 462) a fourni à M. Robert Southey le sujet de son poème de Roderic, dernier roi des Goths, traduit de l'anglais en français par Bruguière de Sorsum, Paris, 1821, in-8°. Le même sujet a été mis sur la scène française en 1823, par M. Guiraud, sous le titre du Comte Julien, in-8°.


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(1)  Cette date est celle que l'auteur de cet article a adoptée comme la plus authentique, dans sa Chronologie des Maures d'Espagne, insérée dans l'Art de vérifier les dates, 3ème partie, t. 2, in-8°.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 36 - Pages 271-272)




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