CHAPITRE PREMIER
LANGUE CELTIQUE
III - Dialecte languedocien et les Tectosages
Il est donc certain, par ces quelques exemples, que des mots
celtiques se retrouvent dans le langage des descendans des
Celtes en
Bretagne et en
Languedoc ; aussi nous n'hésiterons pas à faire l'épreuve du dialecte
languedocien, pour tacher de découvrir la vraie langue
celtique parlée par nos ancêtres. Néanmoins, il doit paraître bizarre que nous choisissions le dialecte
languedocien plutôt que le
breton pour nous mettre sur la voie ; nous invoquerons pour cela une sérieuse raison historique, et, en examinant de près les émigrations des
Volkes Tectosages, on se convaincra pleinement de la
justesse de ce choix. A une époque fort indécise et que les
historiens croient pouvoir déterminer, cependant, comme étant le quatrième siècle avant
Jésus Christ, deux tribus que l'on dit appartenir aux Belges, les
Volkes Tectosages et les
Volkes Aré- [13 / 3] comiques traversèrent la Gaule et vinrent s'établir dans le Midi
Gaulois entre la Garonne, les
Pyrénées et le Rhône. Les
Tectosages firent de
Toulouse leur capitale et les
Arécomiques se placèrent
à l'Est des
Cévennes avec
Nîmes comme point central de leur domination.
Vers l'année 281 avant Jésus-Christ, une forte émigration de
Tectosages se dirigea vers le Danube pour rejoindre leurs
frères, aussi
Tectosages, qui possédaient les rives du
fleuve.
Mettons maintenant en regard de ces faits les indications fournies par Jules César.
« Bien avant, il fut un temps où les
Gaulois surpassaient les Germains en valeur guerrière et ils leur ont fait la guerre jusque chez eux : les champs ne suffisaient plus à nourrir une population trop nombreuse. Ils envoyèrent des colonies au-delà du Rhin. C'est donc dans les terres de la Germanie les plus fertiles, autour de la
forêt Hercynie, que les
Volkes Tectosages se sont établis après les avoir conquises. Ce peuple jusqu'à présent occupe ce même territoire. »
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Au temps où César écrivait ces lignes, les
Volkes Tectosages étaient donc établis en maîtres [14] incontestés sur la rive droite du Rhin et autour de la
forêt Hercynie, c'est-à-dire, au Nord de cette immense
forêt, depuis le Rhin jusqu'à l'Oder et peut-être même au delà ; et de plus, ils possédaient la rive gauche du Danube qui
coule au Sud de la même
forêt. César ne fixe point l'époque des conquêtes des
Tectosages ; mais la chose la plus importante à observer, c'est que les pays situés sur la rive droite du Rhin et conquis sur les Germains, leur ont toujours appartenu.
Après Jules César, les auteurs ne font plus mention des
Tectosages. Il semblent disparaître du monde, tant le silence s'est fait profond autour de leur nom. Nous les retrouverons cependant bientôt, en prenant pour guide l'
étymologie de
Volkes Tectosages et nous pourrons suivre encore la longue trace de leurs expéditions guerrières.
Volkes (Volcae) dérive des verbes
to vault (
vâult), voltiger, faire des sauts et
to cow (
kaou), intimider ;
Tectosages est produit par les deux autres verbes
to take to (
téke to), se plaire à..., et
to sack, piller,
saccager. En réunissant les quatre verbes constituant les deux appellations, nous constatons dans leurs significations diverses, que les
Volkes Tectosages effrayaient les
ennemis par la rapidité de leurs évolutions dans le combat et se plaisaient à dévaster et à piller. [15]
Ne laissons point passer inaperçue cette allure bondissante, traditionnelle parmi les voltigeurs des anciennes armée Françaises, et conservée encore dans nos régiments de
zouaves et chasseurs à pied, car les
Volkes sont ancêtres des Franks, comme on pourra s'en assurer lorsque nous parlerons des tribus Frankes.
Les mouvements guerriers des
Volkes se distinguaient donc par une célérité portant avec elle l'effroi, ordinairement couronnée par la victoire et suivie de la dévastation et du pillage. En résumant le nom des
Volkes Tectosages, nous voyons en eux de rapides et effrayants pillards.
Cette appellation n'avait rien que de glorieux pour ce peuple ; car le pillage, c'était la guerre, et on sait que les
Cimmériens l'aimaient avec passion. Aussi cette signification honorable du terme Pillard s'est-elle conservée intacte dans le pays occupé par eux au Midi de la France. Lorsqu'un
enfant montre une intelligence vive, une
âme pleine d'énergie, et lorsque cet
esprit énergique est servi par un
corps dont les membres sont agiles et nerveux, les parents en parlent avec orgueil et l'appellent « un Pillard ». Ils vont même plus loin dans la signification de ce mot ; si on les interroge sur le nombre de leurs
enfants, ils répondent, sans hésitation, qu'ils ont « un, deux ou trois Pillards ». [16]
L'
histoire, avons-nous dit, après César, ne parle plus des
Volkes Tectosages, et ce silence est d'autant plus extraordinaire que le peuple qui avait envoyé des colonies au delà du Rhin, autour de la
forêt Hercynie, sur les bords du Danube et jusqu'en Asie ne pouvait perdre si rapidement les traditions de son génie aventureux. Toujours avides d'expéditions guerrières, ils reparaissaient avec éclat sous le nom de
Saxons. Ils déclaraient ainsi ouvertement et à la face des nations, qu'ils étaient bien les fils, les descendans directs des
Tectosages,
to sack, piller,
son, fils descendant. Ils est remarquable que les
historiens les appellent toujours les
Saxons pillards. Ce qualificatif était en réalité leur véritable nom, et, d'une manière inconsciente, ces
historiens expliquent, par le terme de pillards, le sens exact de
Saxons.
Vers l'année 446 après Jésus-christ, le chef des
Bretons de l'île de
Bretagne, Wor-Tigern, demanda du secours aux
Saxons pour le délivrer des Pictes et des
Scots qui cherchaient à l'opprimer. Les
Saxons se
hâtèrent de voler dans l'île de
Bretagne sous la conduite des deux
frères Hengis et Horsa, et, après avoir battu les Pictes et s'être rendus les maîtres de l'île, ils exterminèrent les
Bretons leurs alliés. Les
Angles,
to angle, pêcher à la ligne, qui vivaient sur les bords de la mer Baltique, vinrent prendre avec [17] leurs
frères Saxons leur part du pillage et, après avoir forcé la plus grande partie des
Bretons échappés au massacre de se réfugier en
Armorique, ils fondèrent le royaume AngloSaxon connu sous le nom d'Angleterre.
Les
Tectosages, suivant les
historiens, étaient de race Kimrique, et les
Cimbres
Kimbo, fourchu,
to harry, dévaster les dévastateurs fourchus, allusion aux cornes d'urus dont les guerriers ornaient leur tête, les
Cimbres disons-nous, appartenaient à la famille
celtique : ils devaient donc,
Cimbres et
Tectosages, parler le langage de leur famille.
La possession de l'île de
Bretagne par les
Tectosages a exercé sur eux une
influence favorable à la conservation de leur langage et de leurs murs. L'isolement les a préservés des altérations profondes subies par les langues des autres peuples de l'
Europe, tout en leur laissant la
liberté la plus entière pour les colonisations lointaines, qui sont un trait spécial de leur caractère.
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(6) Lib. VI. 24.
de bello gallico.