Benoît III, né
Romain, fils de Pierre, fut élu pape le 1er septembre 855. Sa nomination ne fut pas exempte de troubles. Anastase,
cardinal-prêtre du titre de St-Marcel, protégé par les empereurs Lothaire et Louis, lui disputa la tiare. Ce
cardinal avait été excommunié par le pape
Léon IV, prédécesseur de Benoît, et déposé dans un
concile. Benoît ayant été élu par le clergé, les grands et le peuple, aussitôt après la mort de
Léon, des députés furent envoyés auprès des empereurs pour obtenir le consentement accoutumé ; mais ils rencontrèrent en chemin Arsène,
évêque d'Eugubio, qui venait dans l'intention de protéger Anastase. Ces députés, intimidés ou séduits, rendirent le décret d'élection de Benoît. Ce pape envoya d'autres députés
qu'Anastase fit lier et jeter en prison. Une troisième députation n'eut pas plus de succès. Les envoyés de l'Empereur, accompagnés d'Anastase, entrèrent dans Rome à main armée, et l'intrus s'assit sur le trône
pontifical, après en avoir fait ôter Benoît avec violence. Benoît, dépouillé de ses habits, chargé d'injures et de coups, fut donné en garde à deux
prêtres déposés par le pape léon pour leurs crimes. Ces violences jetèrent la consternation dans Rome. Le clergé, le sénat et le peuple s'assemblèrent dans l'
église, et les députés de l'Empereur y vinrent aussi. Ils présentaient aux
évêques la pointe de leurs dards et de leurs
épées, en disant avec fureur : « Rendez-vous et reconnaissez Anastase. » Ces menaces n'intimidèrent point les
évêques,
qui refusèrent constamment et de reconnaître et de sacrer Anastase. Tant de fermeté étonna les gens de l'Empereur. Ils cédèrent à la résistance des
évêques, aux vux de tous les Romains ; Anastase fut chassé à son tour, et Benoît, tiré de l'
église où on le gardait prisonnier, fut ramené en triomphe au palais de
Latran, au milieu des larmes de joie universelle et des
cantiques de bénédictions.
Benoît III n'occupa le
saint-siège que 2 ans et demi, et mourut le 10 mars 858, laissant des souvenirs respectables de ses vertus
religieuses (1).
C'est entre
Benoît III et son prédécesseur,
Léon IV, que d'anciens chroniqueurs, aussi simples que peu instruits, ont placé la
fable de la prétendue
papesse Jeanne. Ils ont cru ou voulu faire croire à l'existence d'une jeune fille, qui serait parvenue au siège
pontifical sous le nom de
Jean VIII, et qui serait accouchée au milieu d'une procession, révélant ainsi le mystère de son sexe et l'audace de son imposture. Ce conte ridicule, qu'il suffit d'indiquer seulement dans un ouvrage sérieux, est détaillé fort au long, soit dans un sens, soit dans un autre, dans des ouvrages que les curieux peuvent consulter, et dont voici les principaux :
1° Eclaircissement de la question si une femme a été assise au siège de Rome entre Léon IV et Benoît III, par David Blondel, ministre
protestant, et traduit en latin par Courcelles, sous ce titre :
de Joanna Papissa, 1657, in-8°.
2° Amnitates litterariæ, où l'on trouve , au tome 1er, une dissertation de Wagenseil, tendant à établir la vérité du fait.
3° Confutation fabulæ de Joanna Papissa, ex monumentis græcis, ouvrage d'Allatius ou Allacci, imprimé à partir de 1659, et inséré dans le
Symmichta du même auteur, en 1655, in-8°. C'est la dix-neuvième pièce de ce recueil.
4° Histoire de la papesse
Jeanne, 1694, par Lenfant,
in-12 ; la seconde édition de
1720, en 2 volumes
in-12, avec des additions que l'on prétend être
de Desvignoles, réimpression en 1758.
5° Un ouvrage de Leibnitz intitulé
:
Flores sparsi in tulmulum Papissæ, ouvrage manuscrit.
6° La dissertation de Joseph Garampi, Rome, 1749, in-4°, intitulée :
de Nummo argenteo Benedicti III, où il est prouvé sans réplique qu'entre la mort de
Léon IV et la nomination de
Benoît III, il n'y a pas eu l'intervalle nécessaire pour placer le
pontificat de cette
papesse prétendue.
Quoi qu'il en soit, cette absurdité scandaleuse, qui a servi longtemps la haine des
ennemis du
saint-siège, ne mérite plus aujourd'hui aucune créance, puisque les
protestants eux-mêmes ont pris soin de la démentir.
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(1) La puissance
pontificale s'accrut sous son règne par la piété d'Ethelulphe, roi d'Essex en Angleterre, qui vint à Rome, en 356, pour offrir à
Benoît III une
couronne du poids de quatre livres, et qui, à son retour dans ses Etats, établit, au profit de Rome, l'impôt connu sous le nom de denier de saint Pierre.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 3 - Pages 646-647)