«
Je suis persuadé qu'un jour viendra où le physiologiste, le poète
et le philosophe,
parleront la même langue et s'entendront tous.
»
Claude Bernard Quelle homéopathie pour le IIIe millénaire ? Angoissante
question, si l'on en juge par les évolutions récentes.
Mais à y regarder de près, avons-nous raison d'être inquiets ?
En effet, "
macroscopiquement", à l'échelle sociale,
de plus en plus de gens se tournent vers l'homéopathie. Cet engouement, qui n'est
pas conjoncturel, mais profond, représente notre "potentiel de nuisance", pour
utiliser le langage des hommes politiques. Les patients qui se tournent vers nous
représentent un groupe de pression incontournable, qui empêche régulièrement les
Ministres successifs ayant en charge la Santé en France de faire passer à la trappe
nos granules et notre Art, malgré le prétexte
fallacieux de "non-validation scientifique".
Plusieurs raisons expliquent ce mouvement régulier vers l'homéopathie : j'y vois
surtout une lassitude visvis de la médecine allopathique, un désir de respect
d'une certaine
dimension écologique appliquée à l'homme, et surtout un pragmatisme
admirable, qui montre que ceux que l'on appelle "les gens" ne sont pas si niais,
et qu'ils savent où est leur intérêt ; en particulier, ils savent passer par-dessus
les dogmes médiatiques sécrétés par les divers "lobbies" anti-homéopathie, en
reconnaissant la valeur de l'acte homéopathique qui valorise l'écoute et respecte
la différence.
Mais "microscopiquement" aussi, à
notre échelle individuelle de médecin de terrain, nous avons aussi quelques raisons
d'espérer. Lorsqu'un médecin et son patient assistent médusés à la guérison
définitive d'un asthme avec une seule dose de
STRAMONIUM
XMK, alors qu'il est traité depuis des années par les spécialistes
hospitaliers avec les médicaments conventionnels, il y a de quoi affermir ses
certitudes.
Lorsqu'un pédiatre et une maman assistent
émerveillés à la guérison d'un raptus majeur d'auto-dévalorisation d'un
enfant, avec une échelle de
LAC CANINUM, il y
a de quoi relativiser ses doutes.
Lorsqu'enfin,
un praticien ébahi voit se résoudre une pathologie trans-générationnelle
ancrée et rebelle, avec quelques doses de
CAMPHORA XMK,
il y a effectivement de quoi tempérer son pessimisme.
Car enfin, ne sommes-nous pas les vecteurs actuels d'une Tradition médicale qui
a fait ses preuves à travers les âges, car elle a toujours su voir, au-delà des
dogmes et des illusions sécrétées par les progrès technologiques, ce qui est éternel
en l'homme : cette parcelle de lumière que chacun porte en soi, qui fait que l'homme
est "humain", et qu'il mérite d'être entendu dans sa différence ?
Et nos médicaments dilués-dynamisés, loin de véhiculer je ne sais
quelle lubie placebophore et désuète, ne sont-ils pas à la pointe de la plus aiguë
des modernités ? Encore "magique" il y a quelques décennies, notre
thérapeutique
voit s'approcher à grands pas ce
jour certain où un génie nobelisable, ou bien
un consensus généralement partagé en particulier par l'
Académie de Médecine
, finiront enfin par nous apporter le "nouveau paradigme". Ce "chaînon manquant"
permettrait au plus grand nombre de scientifiques de passer le mur du son de leur
doute critique, en reconnaissant la réalité scientifique de notre pratique.
Homéopathie :
Anthropologie du IIIe millénaire ?
Les anthropologues ont beaucoup voyagé de par le globe pour nous ramener
en cette fin de
XXe siècle deux notions essentielles : la première affirme le
caractère universel de la nature "humaine", la seconde valide l'approche imaginaire
du réel.
En effet, la première notion a fait comprendre
au "bon blanc" occidental que le métissage est la règle, et la xénophobie une
anomalie. Pourquoi ces cloisons alors qu'on retrouve dans le monde, à travers
les formes particulières propres à chaque culture, les mêmes grands schèmes d'interrogation
qui travaillent les hommes depuis des millénaires dans l'intimité profonde de
leur chair de mortels, quelle que soit leur
couleur.
Et la seconde a réparé
in extremis une injustice : celle qui aurait laissé
se développer l'idée que la vision du monde peut se résumer en un concept, produit
par la raison "Je pense, donc je suis" , reléguant au rayon antiquités-brocante
la "folle du logis" de l'imagination. Heureusement, des scientifiques d'
horizons
divers, tels Claude Lévi-Strauss, Gaston Bachelard, Mircea Eliade, Gilbert
Durand, Georges Dumézil, Michel
Serre... ont réhabilité l'
âme des peuples et celle
des individus en redonnant sa place à l'imaginaire qui, à l'instar de sa sur
jumelle la raison, est l'inspirateur des découvertes et des progrès.
Certes, l'homéopathie est bien une médecine, donc en premier
ressort une pharmacologie. En cela, elle obéit aux règles de la science, dont
le dogme ambiant repose sur les mathématiques appliquées à la biologie, en particulier
les statistiques.
Mais
l'homéopathie est aussi une anthropologie. Elle aussi voit l'universalité en l'homme
et fait une place à l'imaginaire dans son appréhension du réel. Et comme telle,
elle se doit de revendiquer de n'avoir affaire que secondairement aux mathématiques
quantitatives. Les "modèles mécaniques" homéopathiques, dans lesquels on étudie
les connections structurales sur un cas particulier ou même singulier, doivent
prévaloir sur les "modèles statistiques". Comme l'écrit
G. Durand dans son livre intitulé
Les structures anthropologiques
de l'imaginaire : «
certes la découverte se fait sur un seul
cas étudié à fond, mais la preuve peut se faire par la convergence comparative,
dont le cas privilégié constitue le modèle exemplaire ».
[Note de l'auteur : G. Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, Bordas. 1969]
L'homéopathie, à l'instar de l'anthropologie, doit revendiquer
fermement la reconnaissance de l'exemplarité d'un cas, à travers la description
de ses nombreux cas cliniques. Et ce, jusqu'à ce que des modèles mathématiques
spécifiques appliqués à la recherche ambulatoire, alliés à la recherche fondamentale,
nous permettent de lever les doutes des hommes de science honnêtes et des sceptiques
de tout poil. Pourquoi des médecins, spécialistes, ayant fait 13 années d'études
après le Bac, ne seraient-ils pas écoutés, alors que des
ignorants incultes dans
notre matière, tiennent le haut du pavé médiatique, en bavant leur fiel cynique
et hypocrite ?
Si un médecin compétent, bien formé,
possédant une solide expérience de la clinique, dit qu'il guérit avec ses remèdes
homéopathiques, et que ses patients le confirment , pourquoi cesserait-on
de l'écouter parce qu'à est homéopathe ? Pourquoi y aurait-il une "exception culturelle",
un ostracisme touchant les prescripteurs (et les utilisateurs) des Médecines Alternatives
et Complémentaires (M.A.C.), alors qu'ils sont, pour la plupart, des médecins
vertueux, prenant en compte l'intérêt privé de leurs patients et celui, plus général,
de la Sécurité Sociale en pratiquant le "juste soin" ?
Un autre point fondamental de convergence entre homéopathie et anthropologie
mérite d'être souligné : la loi de similitude, qui est le socle de la pratique
homéopathique, est d'observation très courante en anthropologie.
A titre d'exemple, Gilbert Durand cite l'ambivalence de l'
astre
solaire dévorant-dévoré : le
soleil peut être à la fois
lion, et dévoré par le
lion. C'est ce qui explique la curieuse expression du Rig Véda qui qualifie le
soleil de "noir" : Savitri,
dieu solaire, est en même temps la divinité des ténèbres.
Autre exemple : le
cheval "Bayart", dans le folklore
européen, est un
animal mythique qui se déplace d'Est en Ouest en des bonds prodigieux.
Mythe solaire christianisé sous la forme d'un
cheval de St-Martin ou de St-Gildas,
dont le sabot se grave un peu partout en France. De ses empreintes naissent les
sources. Mais par une espèce d'antiphrase sentimentale, le
cheval Bayart, devient
le démon maléfique des
eaux invoqué pour le franchissement des rivières.
(1)
La loi de similitude semble donc être gravée au plus
profond du vivant. Émergeant de l'imaginaire des peuples, elle fait qu'un principe
diurne peut se transformer en son jumeau nocturne. Enfouie au plus profond de
la chair des individus, elle fait qu'un métal, un végétal, ou un minéral peut
soit engendrer des symptômes morbides, soit guérir ces mêmes symptômes, en fonction
du dosage et de la sensibilité. Et à l'uvre, toujours cette même vitalité,
cette "Dynamis", tantôt "
âme du monde", tantôt
âme des hommes, toujours prête
à recouvrer l'état d'
harmonie grâce au média infinitésimal de l'
amour et/ou du
remède dilué-dynamisé.
Homéopathie et
devoir pour les générations futures
L'approche homéopathique de l'homme, avec sa spécificité,
représente donc certainement cette "néo-anthropologie" du IIIe millénaire dont
Malraux aurait certainement osé rêver s'il avait été médecin. Nous savons en effet
que l'utilisation clinique de la Loi de similitude repose à la fois sur l'individualisation
analytique valorisant les symptômes particuliers les plus inusités et les plus
originaux, et la globalisation synthétique, hiérarchisant l'ensemble dans une
stratégie ouverte sur les profondeurs de l'être. Cette amplitude du regard, propre
à la médecine homéopathique, autorise une approche du malade qui prend en considération
non seulement sa souffrance immédiate, physique ou psychique, mais aussi son angoisse
existentielle profonde, le tout en relation avec son environnement. Et c'est cette
possibilité de "contamination de la totalité de la personne" par la pensée, cette
"percolation de l'être" par le sentiment, qui me permet d'avancer cette audacieuse
affirmation :
l'homéopathie sera l'anthropologie du XXIe
siècle.
Car, que serait une médecine
réduite à la mise en pratique d'une technique même sophistiquée, si elle fait
du praticien un ingénieur doué, mais stérile ? Que serait une médecine réduite
à la prestation de services standardisés, saucissonnés dans des protocoles issus
d'études randomisées, passés au
crible consensuel d'élites auto-proclamées, si
elle transforme l'Art médical en recherche féroce de rentabilité.
Se laisser aller à accepter cet état de choses, c'est mourir, et
laisser mourir la médecine. Car l'Art médical est une technique, mais aussi une
esthétique et une éthique. La quête du Beau et du Bon devrait faire partie intégrante
de la pratique médicale.
N'est-ce pas cette élégance
dans le mode d'action que recherche inconsciemment l'uniciste dans le
feu de son
action ? Alors qu'il se perd après coup en explications, fustigeant les pluralistes
en se référant à Hahnemann chacun ayant d'ailleurs sa propre interprétation
des paroles du Maître.
Le sens des valeurs
morales invoqué dans le Serment d'Hippocrate nous interdit d'accepter la dévalorisation
de l'acte
thérapeutique et la marginalisation de notre différence. C'est notre
devoir de les préserver et de les transmettre.
A y regarder de près,
avons-nous raison d'être inquiets ?
Il semble que nous soyons au seuil d'une période
d'évolution qui rendra les changements inéluctables. Mais je persiste à voir l'avenir
sous un
angle optimiste.
Il faudrait que cessent
les attaques contre l'homéopathie, petite sur de la vaccination, puisqu'au
moment où Jaenner faisait ses premières tentatives balbutiantes, en 1796, Hahnemann
traduisait un texte désormais célèbre.
Il faudrait
que les médecins homéopathes soient définitivement cooptés dans le corpus médical
officiel, en toute franchise, que la faculté les forme, et que l'Académie les
respecte.
Il faudrait débloquer des crédits publics
pour poursuivre la recherche sur l'infinitésimal, qui est loin de nous avoir livré
tous ses secrets, et mettre en uvre des protocoles sérieux de recherche
clinique.
Il faudrait développer l'interrogation
philosophique et sociologique sur les fondements de l'humain, ce qui rendrait
à terme impossible tout totalitarisme, qu'il soit celui des armes, de l'
argent
ou de la pensée unique.
Il faudrait enfin réhabiliter
les véritables élites, celles qui font du service d'autrui une vocation, "grands
hommes" au service des "petites gens", qui comptent parmi elles les membres du
corps médical et paramédical je n'oublie ni les infirmières, ni les orthophonistes...
, dévoués au quotidien au service des autres, malgré les difficultés financières,
matérielles et morales. Alors, comment conclure ce qui ressemble à une profession
de foi ? Peut-être en se rapprochant encore des patients, en rappelant le rôle
fondamental qu'ils auront à jouer dans un avenir proche, car ils devront prendre
conscience des enjeux concernant leur santé et se mobiliser, à travers des mouvements
associatifs. Ce pragmatisme des "gens", souligné au début de cet article pourrait
en effet se retourner un
jour, et faire que les "petits", les "négligés", les
"sans grade", seront entendus dans leurs doléances, restaurant les valeurs
démocratiques
et abolissant les privilèges actuels des "nantis", technocrates et conseillers
techniques de tous ordres, qui s'autorisent encore mais pour combien de temps
? à prendre des mesures absurdes à l'égard de l'homéopathie.