J'ai souvent entendu dire, mais ne l'ai jamais
cru jusqu'à présent, que certains pouvaient, par de puissants sortilèges
magiques, plier à leurs desseins tortueux les lois de la nature.
Milton
Plusieurs lettres provoquées par le précédent article
témoignent de l'impression profonde produite sur certains
esprits par
l' "
Occultisme pratique". De telles lettres contribuent grandement
à démontrer et à renforcer deux conclusions logiques :
a) Qu'il y a plus
d'hommes cultivés et sérieux croyant à l'existence de l'Occultisme et
de la magie (ces deux choses étant très différentes l'une de l'autre)
que ne le pense le matérialiste contemporain ; et
b) Que la majorité
des croyants (y compris beaucoup de théosophes) n'ont aucune
idée nette de l'Occultisme et le confondent avec les sciences
occultes en général, la magie noire comprise.
Leurs façons de se représenter les
pouvoirs que l'Occultisme confère et les moyens à employer
pour les acquérir sont aussi diverses que fantaisistes. D'aucuns se
figurent que, pour devenir un Zanoni, il suffit qu'un Maître de l'Art
vous montre la voie. D'autres croient que l'on n'a qu'à passer le canal
de Suez et aller dans l'Inde pour s'épanouir en un nouveau
Roger Bacon,
voire un comte de
Saint-Germain. Bon nombre prennent pour
idéal Margrave
avec sa
jeunesse sans cesse rénovée, sans se soucier de l'
âme qui en
fut le prix. Plus d'un aussi, confondant l'Occultisme avec la sorcellerie
pure et simple, fait "
surgir des ténèbres du Styx, à travers la terre
béante, les pâles fantômes vers la région de lumière" et, en vertu
de ce haut fait, prétend être considéré comme un
Adepte pleinement épanoui.
La "magie cérémonielle" conforme aux règles établies par moquerie par
Eliphas Lévi, est encore un alter ego imaginaire de la philosophie des
Arhats de l'antiquité. Bref, les prismes, à travers lesquels l'Occultisme
apparaît aux
ignorants en cette philosophie, sont aussi variés, aussi
diversement colorés que peut les concevoir l'imagination humaine.
L'indignation de ces candidats à la Sagesse et
à la Puissance sera-t-elle très grande si on leur dit franchement la
vérité ? Il est non seulement utile, mais il devient nécessaire d'en
détromper la majorité avant qu'il ne soit trop tard. Cette vérité peut
être dite en quelques mots : parmi des centaines de soi-disant "occultistes"
en Occident, il n'y en a pas une demi-douzaine qui aient une idée même
approximativement correcte de la science dont ils cherchent à se rendre
maîtres. A quelques rares exceptions près, ils sont tous sur le chemin
de la sorcellerie. Qu'ils rétablissent quelque peu d'ordre dans le
chaos
qui règne dans leur mental avant de protester contre cette assertion.
Qu'ils apprennent d'abord le rapport véritable des
sciences occultes
à l'Occultisme et la différence entre eux, et qu'ensuite ils se fâchent
s'ils croient encore avoir raison. Qu'ils sachent, en attendant, que
l'Occultisme diffère de la magie et des autres sciences secrètes autant
que le radieux
soleil diffère d'un lumignon de veilleuse, autant que
l'
immuable et immortel
esprit de l'homme reflet du Tout absolu, inconnaissable
et sans cause diffère de l'argile périssable, du
corps humain.
Dans notre Occident hautement civilisé, où les
langues modernes ont été formées et les mots forgés dans le sillage
des concepts et des idées ainsi que cela a lieu pour toute langue
à mesure que les idées se matérialisaient dans la froide atmosphère
de l'égoïsme occidental et de la poursuite incessante des biens de ce
monde, moins le besoin se faisait sentir de produire des termes nouveaux
pour exprimer ce qui, tacitement, était considéré comme "superstition"
absolue et discréditée. De tels mots correspondaient à des idées qu'un
homme cultivé n'était guère censé pouvoir entretenir en son
esprit.
"Magie", synonyme de jonglerie ; "Sorcellerie",
équivalent d'
ignorance crasse, et "Occultisme"
piètre reliquat des cerveaux
fêlés du moyen âge, des philosophes du
Feu, des Jacob Bhme et
des
Saint-Martin, sont des termes que l'on croit plus que suffisants
pour embrasser le domaine entier de ce qui est considéré comme une sorte
de "prestidigitation". Ce sont des termes de mépris, ne s'appliquant
généralement qu'au rebut et aux
scories des siècles d'
ignorance et des
æons précédents du
paganisme. C'est pourquoi il n'y a pas de termes
définis pour exprimer les différences et les nuances de ces pouvoirs
anormaux ou des sciences qui mènent à leur acquisition, ainsi qu'il
est possible de le faire avec précision dans les langues orientales,
surtout en sanscrit.
Que représentent à l'
esprit de ceux qui les entendent
ou qui les prononcent les mots "miracle" et "enchantement" (mots dont
le sens, après tout, est identique, puisque tous deux expriment l'idée
de choses merveilleuses produites, ainsi que l'expliquent les autorités
reconnues, en violant les lois de la nature (!) ) ? Un chrétien l'infraction
aux lois de la nature nonobstant tout en croyant aux miracles parce
que censés avoir été produits par
Dieu à travers Moïse, tournera en
dérision les enchantements produits par les magiciens de Pharaon ou
bien il les attribuera au diable. C'est ce dernier que nos pieux
ennemis
rattachent à l'Occultisme, alors que leurs adversaires
impies, les incrédules,
se moquent de Moïse, des magiciens et des occultistes et rougiraient
d'accorder une seule pensée sérieuse à de semblables "superstitions".
Cela provient de ce qu'il n'existe aucun terme pour indiquer la différence
; aucun mot pour exprimer les lumières et les ombres, et pour tracer
la ligne de démarcation entre ce qui est sublime et vrai, et ce qui
est absurde et ridicule.
A cette dernière catégorie appartiennent les interprétations
théologiques qui enseignent "la violation des lois de la nature" par
Dieu, l'homme ou le diable ; les scientifiques" miracles" et enchantements
de Moïse et de magiciens sont conformes aux lois naturelles et appartiennent
à la première catégorie, car aussi bien l'un que les autres étaient
versés dans toute la Sagesse des
sanctuaires (qui étaient les "Sociétés
royales" de ce temps-là) et en véritable Occultisme.
Ce dernier mot prête sans contredit au malentendu,
car, tel qu'il est, il représente la traduction du mot
composé "
Gupta
Vidya" : "
connaissance secrète". Mais de quelle connaissance
s'agit-il ? Quelques termes sanscrits pourront nous aider à le découvrir.
Quatre noms (parmi beaucoup d'autres) sont donnés
aux divers genres de connaissances ou sciences
ésotériques, même dans
les Pouranas
exotériques. Il y a :
-
Premièrement : Yajna-Vidya (3), la
connaissance des pouvoirs
occultes, éveillés dans la Nature par la pratique
de certaines cérémonies et certains
rites religieux ;
- Deuxièmement
: Maha-Vidya, "
le Grand Savoir", la magie des cabalistes
et du culte Tantrika, souvent la sorcellerie de la pire espèce ;
- Troisièmement
: Guhya-Vidya, la connaissance des pouvoirs
mystiques
résidant dans le
Son (Ether), et partant dans les Mantras (prières chantées
ou incantations) et qui dépendent du rythme et de la mélodie employés
; en d'autres termes, une opération magique basée sur la connaissance
des
forces de la Nature et de leur corrélation ; et
- Quatrièmement
: Atma Vidya, terme que les orientalistes traduisent simplement
par "
Connaissance de l'Ame", sagesse véritable, mais qui signifie
bien plus encore.
Ce dernier est le seul genre d'occultisme auquel
devrait tendre tout théosophe qui admire la Lumière sur le Sentier et
qui désire devenir sage et altruiste. Tout le reste n'est qu'une branche
quelconque des "Sciences
Occultes", c'est-à-dire d'arts basés sur la
connaissance de l'
essence ultime de toutes choses dans les règnes de
la Nature des minéraux, des plantes et des
animaux par conséquent
de choses appartenant au côté matériel de la Nature, si invisible que
soit cette
essence et si insaisissable qu'elle ait jusqu'à présent pu
être pour la science. L'
alchimie, l'astrologie, la physiologie
occulte,
la chiromancie existent dans la Nature, et les sciences exactes ainsi
nommées peut-être parce qu'en ce siècle de paradoxales philosophies,
on trouve qu'elles sont exactement le contraire ont déjà découvert
plus d'un des secrets de ces arts. Mais la clairvoyance symbolisée dans
l'Inde par "l'œil de Shiva" et nommé au Japon "
Vision Infinie",
n'est pas l'hypnotisme, cet
enfant illégitime du mesmérisme, et ne saurait
être acquise au moyen de tels arts. Les autres genres de connaissance
peuvent être acquis et des résultats obtenus bons, mauvais ou quelconques
; mais Atma-Vidya n'en fait que fort peu de cas. Elle les englobe tous
et peut même s'en servir à l'occasion, mais ne le fait que dans des
buts bienfaisants et après les avoir épurés de leurs
scories, en ayant
soin d'en éliminer tout élément de mobile égoïste.
Expliquons-nous : n'importe quel homme ou quelle
femme peut se mettre à étudier l'un quelconque des "Arts
Occultes" énumérés
ci-dessus, sans grande préparation préalable et même sans s'astreindre
à aucun genre de vie très discipliné. On pourrait même au besoin se
dispenser d'un niveau de moralité élevé. Dans ce dernier cas, il y a,
bien entendu, dix chances contre une que l'étudiant devienne un sorcier
fort convenable et roule tête baissée dans la magie noire.
Mais qu'importe ? Les Voudous et les Dougpas mangent,
boivent et se réjouissent malgré les
hécatombes de victimes de leurs
arts diaboliques. Ainsi font aussi MM. les bons vivisecteurs et hypnotiseurs
diplômés des facultés de médecine ; la seule différence entre les deux
catégories étant que les Voudous et les Dougpas sont des sorciers conscients,
et l'équipe des hypnotiseurs, des sorciers inconscients.
Dès lors, puisque les uns comme les autres récolteront
les
fruits de leurs travaux et de leurs exploits en magie noire, les
praticiens occidentaux ne devraient pas en avoir seulement la punition
et le mauvais renom, sans aucun des bénéfices ni des plaisirs qu'ils
pourraient en retirer.
Car, comme nous le répétons, l'hypnotisme et la
vivisection, tels qu'ils sont pratiqués dans ces facultés, sont de la
sorcellerie pure et simple, moins le savoir dont jouissent les Voudous
et les Dougpas et qu'aucun hypnotiseur n'est à même de se procurer,
fût-ce en cinquante années d'études acharnées et d'observation expérimentale.
Que ceux donc qui, comprenant ou non la nature
de la magie, tiennent à se mêler d'en faire, mais trouvent trop rigoureuses
les règles imposées aux étudiants et laissent par conséquent de côté
l'Atma-Vidya ou Occultisme que ceux-là s'en passent. Qu'ils deviennent
magiciens s'ils y tiennent, lors même qu'ils ne seraient que Voudous
et Dougpas pendant dix incarnations à venir.
Mais l'intérêt de nos lecteurs se
fixera sans doute
sur ceux qui sont invinciblement attirés vers "l'
occulte", mais qui
cependant ne se rendent pas compte de la vraie nature de ce à quoi ils
aspirent, et ne sont ni invulnérables aux passions ni véritablement
exempts d'égoïsme.
Qu'en est-il donc, nous demandera-t-on, de ces
malheureux tiraillés ainsi en sens contraire par des
forces opposées
? Car on l'a dit trop souvent pour qu'il faille le répéter et l'évidence
du fait s'impose à tout observateur que dès l'instant où l'aspiration
vers l'Occultisme s'éveille réellement dans le
cœur, il ne reste pour
l'homme aucun espoir de paix, aucun lieu de repos ni de bien-être dans
le monde entier. Il est poussé vers le désert aride et désolé de la
vie par une inquiétude incessante qui le ronge sans que rien puisse
l'apaiser.
Son cœur est trop rempli de passion et de désir égoïste pour
lui permettre de franchir la Porte d'Or ; mais dans la vie ordinaire,
il ne peut trouver ni repos ni paix. Est-il donc inévitable qu'il tombe
dans la sorcellerie et la magie noire, accumulant pour lui-même un Karma
terrible à travers de multiples incarnations à venir ? N'y a-t-il pour
lui nulle autre voie ?
En vérité, il y en a une, répondrons-nous. Qu'il
n'aspire à rien de plus élevé que ce qu'il se sent capable d'accomplir.
Qu'il ne se charge pas d'un fardeau trop lourd à porter pour lui. Sans
prétendre à devenir "Mahatma", "Bouddha" ou "Grand
Saint", qu'il étudie
la philosophie et la "Science de l'
Ame" et, sans aucuns "pouvoirs surhumains",
il pourra devenir l'un des modestes bienfaiteurs surhumains. Les Siddhis
(ou pouvoirs de l'Arhat) sont pour ceux qui sont capables de "vivre
la vie", de s'astreindre aux terribles sacrifices exigés en
vue d'un
tel entraînement et de s'y conformer à la lettre. Qu'ils sachent une
fois pour toutes et qu'ils se souviennent toujours que l'Occultisme
ou la
Théosophie véritable est "
le grand renoncement au moi",
renoncement absolu et sans conditions, en pensée aussi bien qu'en action.
C'est l'
altruisme, et il met aussitôt entièrement hors des rangs des
vivants celui qui le pratique. "
Non pour lui-même, mais pour le monde",
il vit dès l'instant où il a pris l'engagement de ce travail. Il lui
est beaucoup pardonné pendant les premières années de
probation. Mais
à peine est-il "accepté" que sa personnalité doit disparaître et il
ne doit plus être qu'une
force bienfaisante de la nature. Il y a pour
lui après cela deux pôles, deux sentiers, sans aucun lieu de repos entre
les deux. Il doit ou bien gravir péniblement, échelon par échelon
souvent à travers des incarnations nombreuses sans repos dévakhanique
dans l'intervalle l'échelle d'or conduisant à l'état de Mahatma (état
d'Arhat ou de
Bodhisattva) ou bien, au premier
faux pas il se laissera
glisser au bas de l'échelle et sombrera dans l'état de Dougpa.
Tout ceci est soit ignoré, soit entièrement perdu
de
vue. En effet, quelqu'un qui est en mesure d'observer la silencieuse
évolution des aspirations préliminaires d'un candidat, voit souvent
des idées bizarres prendre tranquillement possession de son cerveau.
Il y a des personnes dont les facultés de raisonnement ont été tellement
faussées par des
influences étrangères, qu'elles se figurent qu'il est
possible de sublimer et d'élever les passions animales au point que
leur violence, leur
force et leur ardeur puissent être, pour ainsi dire,
tournées vers l'intérieur ; qu'on puisse les garder emmagasinées, enfermées
dans son sein, jusqu'à ce que leur énergie soit non pas épanouie et
déployée, mais dirigée vers des buts plus élevés et plus saints : à
savoir jusqu'à ce que leur
force collective accumulée permette à leur
possesseur d'entrer dans le véritable
sanctuaire de l'
âme et de s'y
tenir en la présence du Maître du Soi Supérieur ! Dans ce but, ils
ne veulent ni lutter contre leurs passions ni les détruire. Ils veulent
simplement, par un vigoureux effort de volonté, en étouffer la violence
et l'ardeur et les garder en eux-mêmes, à l'état latent, laissant le
feu couver sous une mince couche de cendres. Ils se soumettent de gaîté
de
cœur à la torture de l'
enfant spartiate qui se laissa dévorer les
entrailles par son renard plutôt que de se séparer de l'
animal. Ô pauvres
visionnaires aveugles !
Autant espérer que dans un
sanctuaire tendu de
toiles blanches, on puisse enfermer une bande de ramoneurs ivres, couverts
de sueur et de suie, et qu'au lieu de le souiller par leur présence
et d'en transformer les tentures en un amas de chiffons sales, ils se
rendraient maîtres du saint lieu pour en émerger finalement aussi immaculés
que le
sanctuaire lui-même. Pourquoi ne pas s'imaginer qu'une douzaine
de sconses emprisonnés dans la pure atmosphère d'un
monastère pourraient
en sortir imprégnés de tous les parfums des encens qu'on y
brûle ?…
Etrange aberration de l'
esprit humain. Peut-il en être ainsi ? Raisonnons.
Le "Maître" dans le
sanctuaire de nos
âmes est
le "Soi Supérieur" l'
Esprit Divin dont la conscience, (tout au moins
durant la vie terrestre de l'homme en qui il est captif) est dérivée
du seul mental et basé sur lui que nous sommes convenus d'appeler l'
Ame
Humaine (l'
Ame spirituelle étant le véhicule de l'
Esprit). A son tour,
l'
âme humaine ou personnelle est, dans son aspect supérieur, un
composé
d'aspirations spirituelles, de volitions et d'
amour divin ; et dans
son aspect inférieur, de désir
animal et de passions terrestres,
dus
à ses rapports avec son
corps qui en est le siège. Elle se trouve être
ainsi le lien et le moyen de communication entre la nature animale de
l'homme que sa raison supérieure cherche à subjuguer, et sa divine nature
spirituelle vers laquelle elle gravite chaque fois qu'elle a le dessus
dans la lutte contre l'
animal intérieur. Ce dernier est l'
âme instinctive
animale, serre chaude de ces passions, simplement assoupies et non détruites,
ainsi que nous venons de le dire, et que certains enthousiastes imprudents
gardent renfermées en leur
cœur. Espèrent-ils encore transformer ainsi
le torrent boueux de l'égout
animal en
eaux cristallines de vie ?
Et quel est le terrain neutre où elles pourraient
être emprisonnées de façon à ne pas affecter l'homme ? Les passions
furieuses d'
amour et de
luxure sont encore toujours vivantes et elles
sont autorisées à rester au lieu de leur naissance cette même
âme
animale ; car aussi bien que la partie supérieure que la partie inférieure
de l'
âme humaine (ou mental) rejettent de tels habitants, bien qu'elles
ne puissent éviter d'être souillées en les ayant pour voisins. Le Soi
Supérieur ou
Esprit est aussi incapable d'assimiler de tels sentiments
que l'
eau de se mêler à l'
huile ou à du suif liquide impur. C'est ainsi
que le mental unique lien et moyen de communication entre l'homme
terrestre et le Soi Supérieur est la seule victime et se trouve constamment
en danger d'être entraîné en bas par ces passions (qui peuvent se réveiller
à nouveau à n'importe quel moment) pour périr dans l'abîme de la Matière.
Et comment pourrait-il jamais s'accorder au diapason de la divine
harmonie,
du principe le plus élevé, alors que la seule présence de semblables
passions animales dans le
sanctuaire en préparation suffit pour détruire
cette
harmonie ? Comment l'
harmonie pourrait-elle prévaloir et vaincre,
lorsque l'
âme est souillée et bouleversée par le tumulte des passions
et des désirs terrestres des sens physiques ou même de l'homme astral
?
Car cet astral, le double fantomatique (en l'
animal
comme en l'homme) n'est pas le
compagnon de l'Ego divin, mais celui
du
corps terrestre. C'est le lien entre le moi personnel, la conscience
inférieure de
Manas et le
corps, et c'est le véhicule de la vie transitoire,
non de la vie immortelle. Telle l'ombre projetée par l'homme, il suit
servilement et automatiquement ses mouvements et ses impulsions et tend,
par conséquent, vers la matière, sans jamais s'élever vers l'
Esprit.
Ce n'est que lorsque la puissance des passions est entièrement morte
et lorsqu'elles ont été écrasées et annihilées dans la cornue d'une
volonté inébranlable ; lorsque non seulement tous les désirs et toutes
les convoitises de la chair sont morts, mais que le sentiment du moi
personnel est anéanti et l'importance de l'astral réduite à zéro ; alors
seulement peut se produire l'union avec le Soi Supérieur.
Alors, l'astral ne reflétant plus que l'homme vaincu, la personnalité
toujours vivante, mais non plus agitée par des désirs égoïstes alors
le radieux Augïdes, le Soi Divin, peut vibrer en
harmonie consciente
avec les deux pôles de l'Entité humaine l'homme de matière purifié
et l'
âme spirituelle éternellement pure et se tenir en la présence
du Soi-Maître, Christos du
mysticisme gnostique, immergé en Lui, un
avec Lui à jamais
(4).
Comment dès lors serait-il possible de penser qu'un
homme puisse franchir la "
porte étroite" de l'occultisme, tandis
que ses pensées de chaque heure et de chaque
jour sont absorbées par
des choses terrestres, désirs de possessions et de puissance, convoitises,
volupté, voire des ambitions et des devoirs qui, pour honorables qu'ils
soient, appartiennent encore à la
Terre ?
La satisfaction personnelle, celle des sens et
même celle du mental, entraîne aussitôt la perte de la faculté du discernement
spirituel ; la voix du Maître ne peut plus être distinguée de celle
de nos propres passions, voire de celle d'un Dougpa ni le bien du
mal ou la saine morale de la
casuistique pure et simple. Le
fruit de
la mer
Morte assume la plus splendide apparence
mystique, mais ce n'est
que pour se transformer en
cendre sur les lèvres et en fiel dans le
cœur, ayant pour le résultat :
Des abîmes toujours plus profonds, des ténèbres
toujours plus épaisses ; la folie remplaçant la sagesse, le crime l'innocence,
l'angoisse se substituant à l'extase et le désespoir à l'espérance.
Et s'étant une fois trompés et ayant agi conformément
à leurs erreurs, la plupart des hommes répugnent à se rendre compte
de la faute commise et s'enfoncent ainsi de plus en plus dans la fange.
Or, bien que ce soit, avant tout, l'intention qui décide si la magie
pratiquée est blanche ou noire, néanmoins la sorcellerie, même inconsciente
et involontaire, ne saurait manquer de produire de mauvais Karma. Il
en a été assez dit pour démontrer que la sorcellerie est toute
influence
mauvaise exercée par d'autres personnes qui souffrent ou font souffrir
autrui en conséquence. Le Karma est une lourde pierre lancée dans les
eaux calmes de la vie, et les cercles ainsi produits vont en s'élargissant
sans cesse presque à l'
infini. De telles causes produites doivent infailliblement
être suivies d'effets et ces derniers sont révélés par la loi équitable
de Rétribution.
Cela pourrait en grande partie être évité si seulement
on s'abstenait de se lancer dans des pratiques dont on ne comprend ni
la nature ni l'importance. Nul n'est tenu de se charger d'un fardeau
qui dépasse ses
forces et ses pouvoirs. Il y a des "magiciens-nés",
mystiques et occultistes de naissance et par droit direct d'héritage
provenant d'une longue suite d'incarnations et d'æons de souffrances
et d'échecs. Ceux-là sont pour ainsi dire invulnérables aux passions.
Nul
feu d'origine terrestre ne peut, en eux, attiser de
flamme en aucun
sens ni aucun désir ; nulle voix humaine éveiller d'écho dans leur
âme,
excepté la grande plainte de l'Humanité. Ceux-là seuls sont assurés
du succès. Mais ils sont rares et clairsemés, et ils franchissent la
porte étroite de l'Occultisme parce qu'ils ne sont plus chargés d'aucun
bagage personnel de sentiments humains transitoires. S'étant affranchis
du sentiment de la personnalité inférieure, ils ont ainsi paralysé l'
animal
"astral", et la porte dorée, mais étroite, s'ouvre pour eux toute grande.
Il n'en est pas de même pour ceux qui ont encore à porter pendant plusieurs
incarnations le fardeau des vies précédentes et même dans leur existence
actuelle. Car pour ceux-là, à moins qu'ils ne procèdent avec une prudence
extrême, la Porte d'Or de la Sagesse peut se trouver transformée en
la porte large et la voie spacieuse qui "
mène à la destruction"
et c'est pourquoi "
nombreux sont ceux qui y entrent". C'est la
porte des Arts
Occultes pratiqués dans des buts égoïstes et en l'absence
de l'
influence modératrice et bienfaisante d'Atma-Vidya. Nous sommes
en
Kali Youga, et son
influence néfaste est mille fois plus puissantes
en Occident qu'en Orient ; de là le grand nombre de proies faciles qui,
en cette lutte cyclique, succombent aux puissances de l'Age des Ténèbres
; de là aussi les illusions multiples dont souffre actuellement le monde.
L'une d'elles est cette idée de la facilité relative avec laquelle on
croit possible d'atteindre la "Porte" et de franchir le seuil de l'occultisme
sans aucun sacrifice bien grand. C'est là le rêve de la plupart des
théosophes, rêve inspiré par le désir du pouvoir et par l'égoïsme personnel,
et ce ne sont point là des sentiments qui pourront jamais amener au
but convoité. Car Celui qui s'est, croit-on, sacrifié pour l'humanité,
l'a bien dit : "
Etroite est la porte et étroit le chemin qui mènent
à la vie éternelle" ; et c'est pourquoi "
peu nombreux sont ceux
qui la trouvent". Si étroite, en effet, qu'au simple énoncé de quelques-unes
des difficultés préliminaires, les candidats occidentaux reculent épouvantés
et battent retraite en frissonnant.
Qu'ils en restent là et n'essaient rien de plus
dans leur grande faiblesse. Car si, ayant tourné le dos à la Porte Etroite,
ils laissent leur désir de l'
occulte les entraîner d'un seul pas dans
la direction du portail plus large et plus séduisant de ce mystère doré
qui miroite à la lumière de l'illusion, malheur à eux ! Cela ne saurait
les conduire qu'à l'état de Dougpa, à la sorcellerie, et ils peuvent
être certains de venir bientôt échouer sur cette Voix fatale de l'Enfer,
sur le portail duquel Dante avait lu ces paroles :
Par moi, on va dans la cité dolente,
Par moi, on va dans l'éternelle douleur,
Par moi, on va parmi les êtres perdus.
_____________________________________________________________________________________________________
(3) "
Le Yajna,
disent les brahmanes, existe de toute éternité, car il est issu de Suprême…
en qui il était latent depuis 'avant tout commencement'. C'est la clé
de la Traividya, la science trois fois sacrée, contenue dans les versets
du Rig qui enseigne les Yajns ou mystères sacrificiels. Le Yajna existe
en tout temps comme une chose invisible ; il est comme le pouvoir latent
d'électricité dans une machine à électriser, qui, pour jaillir, ne demande
que l'action d'un appareil approprié. Il est censé s'étendre de l'Ahavaniya
ou feu sacrificiel jusqu'aux cieux, formant un pont ou une échelle au
moyen de quoi celui qui sacrifie peut communiquer avec le monde des
Dieux et des Esprits et même s'élever pendant sa vie terrestre jusqu'à
leurs demeures." ("
Aitareya Brahmana", Martin Haug)
"
Ce Yajna est encore une des formes de l'Akâsha
et le mot mystique qui l'appelle à l'existence et qui est prononcé mentalement
par le prêtre initié, est le Mot Perdu qui reçoit l'impulsion par le
pouvoir de la volonté." ("
Isis Dévoilée", vol.
1, intr. voir "
Aitareya Brahmana" de Haug).
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au texte]
(4) Ceux qui
seraient portés à voir trois Egos en un seul homme montreraient par
là qu'ils sont incapables de saisir le sens métaphysique. L'homme est
une
trinité composée du
corps, de l'
âme et de l'
Esprit ; mais il est
un, néanmoins, et n'est à coup sûr pas son
corps. C'est ce dernier qui
est la propriété, le vêtement transitoire de l'homme. Les trois "Egos"
sont l'homme sous ses trois aspects respectifs sur le plan astral, intellectuel
ou psychique et spirituel.
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