Saint Arnoul, tige de la race
carlovingienne, naquit vers 580, au château de
Lay, près de
. Elevé par les soins de Goudulphe,
maire du palais d'
Austrasie, sous
Théodebert II, il fut à la fois guerrier,
évêque, diplomate, homme d'Etat, et acquit dans chacune de ces professions une réputation de sagesse et d'habileté dont l'
histoire nous a transmis le souvenir, trop négligé par les biographes modernes. Il gouvernait, sous Clotaire, le vaste royaume d'
Austrasie, dont
Metz était la capitale, lorsque la chaire
épiscopale de cette ville devint vacante. Tous les regards, tous les vux se portèrent aussitôt sur lui, et on le força de prendre les ordres et de recevoir le bâton pastoral (611). Ses vertus brillèrent alors d'un nouvel éclat ; il conduisit avec
sagacité les affaires de l'
Eglise et de la monarchie, et sut concilier les intérêts du peuple avec ceux du trône ; mais le tumulte du
grand monde, l'éclat belliqueux de la cour, lui devenaient de
jour en
jour plus pénibles à supporter : il aspirait après la retraite, tournait toutes ses pensées vers la
religion et réclamait un successeur. Clotaire le retint à la cour malgré lui et le força à enseigner l'art de régner à son fils, à ce jeune Dagobert qu'il venait d'associer à l'empire. Arnoul obéit, et tant que son royal élève écouta ses conseils, tant qu'il consentit à gouverner par son ministre plutôt que par lui-même, la nation fut heureuse. Mais le mauvais naturel du prince l'emporta : livré à toute la fougue des passions, il méprisa les avis d'Arnoul ; et le saint
prélat, perdant tout espoir de le ramener dans la bonne voie, quitta une cour aussi dissolue qu'orageuse, pour aller s'ensevelir dans un désert des Vosges, près de
Remiremont, où saint Romaric, son ami, avait fondé un
monastère de St-Mont, près du lieu
qui depuis a reçu le nom de
Remiremont. Une année après,
Goéric, parent de
saint Arnoul et son successeur à l'
évêché de
Metz, alla présider à leur exhumation et les fit transporter avec pompe dans l'
église des Apôtres, hors des murs de la capitale de l'
Austrasie, là où fut ensuite établie l'
abbaye devenue célèbre sous l'invocation de
saint Arnoul. Ce
prélat avait
épousé Dode, fille du comte de
Boulogne, dont il eut deux fils,
Anchise et Glodulphe. Le premier donna naissance à Pépin d'
Héristal, père de
Charles-Martel et aïeul de
Charlemagne ; le second, connu sous le nom de saint Clou, gouverna pendant quarante ans l'
Eglise de
Metz.
Saint Arnoul fut ainsi la tige de la seconde race des rois de France et de plusieurs autres maisons souveraines. Il serait superflu d'examiner s'il descendait aussi des rois de la première race, par
Blitilde, fille
de Clotaire, qui, selon plusieurs généalogies, fut son aïeule
(1). La vie de
saint Arnoul que
Mabillon a insérée dans le tome 1er des
Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, p. 140, est intitulée :
Vita sancti Arnulphi, auctore monacho anonymo coevo. Elle a été traduite en français par Arnauld d'
Andilly (2). L'auteur anonyme dit qu'il a été témoin de la plupart des faits qu'il raconte, ou qu'il en a été instruit par des personnes qui avaient vécu avec
saint Arnoul. Cette vie a éprouvé le sort de beaucoup d'anciennes chroniques. Un copiste nommé Umnon, sous prétexte d'en retoucher le style et de réparer des omissions, y a
interpolé plusieurs anecdotes au moins suspectes. Elle a été attribuée mal à propos à
Paul Diacre par quelques écrivains, qui l'ont confondue avec l'article qu'il a consacré à
saint Arnoul dans les
Gesta episcoporum Metensium (3).
Paul Diacre rapporte, ainsi qu'Umnon, l'
histoire de l'anneau jeté par Arnoul dans la Moselle, et qui se retrouva, quelques années après, dans les entrailles d'un poisson destiné à être servi sur sa table. Il assure avoir recueilli le fait de la bouche même de
Charlemagne. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'on célébrait tous les ans, le 16 août, à l'
abbaye de St-Arnoul, une cérémonie qui rappelait ce prodige. Les détails curieux de cette solennité ont été retracés par les
bénédictins de St-Vannes
(4). L'anneau du saint, que l'on conservait dans le trésor de la
cathédrale de
Metz, a été gravé dans l'
Histoire de Lorraine par D. Calmet, in-fol., t. 4, pl. 5, fig. 22. Il n'était sans doute pas nécessaire que cette bague eût été retrouvée dans les entrailles d'un poisson, pour qu'une fête commémorative vint, en consacrant le souvenir d'un grand homme, témoigner tout le prix qu'on devait attacher à un objet qui lui avait appartenu. L'article que D. Calmet a donné sur
saint Arnoul, dans sa
Bibliothèque de Lorraine, p. 69, est loin d'être complet. Tandis que les plus minces
théologiens y figurent dans de hautes proportions, le père des
Carlovingiens y obtient à peine trente lignes.
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(1) Duchesne,
Hist. Fr. Script., t. 2, p. 643 ; la Chronique de
Fontenelles, publiée par
d'Achéry (
Spicileg, t. 3, p. 185), font descendre
saint Arnoul de
Blitilde et d'Ansbert, sénateur. Un très ancien manuscrit, qui se trouvait dans l'
abbaye de Longeville-lez-Metz (
Histoire de Lorraine, par D. Calmet, t. 1 ,
preuves, p. 101), et l'Inventaire général des archives de Lorraine, par Honoré
Caille du Fourny (Mss. in fol., t. 1, p. 192), nous apprennent que l'empereur Justinien avait envoyé Ansbert, un des principaux seigneurs de sa cour, vers Clotaire, roi de
Soissons, pour le détourner de ses projets d'envahissement sur le royaume d'
Austrasie. Clotaire, désirant se rendre l'empereur favorable, donna sa fille en
mariage à Ansberg. De cette union naquirent quatre
enfants, dont l'aîné, Arnoal, fut le père de
saint Arnoul. Ces récits
apocryphes ont donné lieu
à des discussions très vives entre plusieurs savants, dans les années 1647-1648. Chifflet et le Père Labbe se firent remarquer par la
chaleur qu'ils mirent à soutenir, contre Chantereau-Lefèvre et Adrien
Valois, que le
mariage d'Ansbert et de
Blitilde n'était point imaginaire. Les
bénédictins auteurs de l'
Histoire de Metz (t. 1, P. 378), l'avait d'abord embrassé, manis dans la seconde (t. 1,
preuves, p. 116), il revint au système de Chifflet. Dans ses
Antiquités de la maison de France et des maisons mérovingienne et carlienne (p; 289), Legendre de
Saint-Aubin a achevé de le
battre en brèche. Toute cette polémique présenterait par elle-même peu d'intérêt, si elle ne se rattachait aux prétentions que l'on supposait, du temps de la Ligue, aux princes de la maison de Lorraine, qui, s'il fallait en croire des généalogistes zélés, descendaient, non seulement des
Carlovingiens, mais encore des rois de la première race. C'est ce que le
marquis de Fortia croit avoir prouvé aussi bien qu'on peut le faire pour ces temps reculés. (Voyez l'
Histoire de Hainaut, par Jacques de Guyse, préface des t. 6 et 7.)
(2) Vies des saints illustres, traduit en français,
Paris, 1675, p. 318.
(3) Cette chronique est insérée dans le
Corpus historiæ Francorum, et dans les
preuves de l'
Histoire de Lorraine, de D. Calmet.
(4) Histoire de Metz, par D. Jean-François et D. Nic Tabouillot,
Metz, 1769-87, in-4°, t. 1, p. 362.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 2 - Page 278)