CHAPITRE II
LANGUE HÉBRAÏQUE
VI - Josué - Jésus Sauveur - Goliath et David
La mission de
Josué était bien déterminée par ces paroles. Il était établi chef de guerre des Hébreux, devait conquérir la terre de Chanaan et la partager au sort entre les tribus, mais l'autorité qu'il recevait ne devenait point héréditaire dans sa famille : il avait simplement à remplir la fonction de lieutenant du Seigneur, et
Dieu s'était réservé d'une manière absolue le commandement de son peuple. Le gouvernement direct de
Dieu sur les Hébreux a duré depuis la sortie d'Egypte jusqu'au
jour où le peuple a demandé un roi possédant les mêmes droits que les rois des nations voisines. Samuel, à qui le peuple s'était adressé pour obtenir le gouvernement monarchique, reçut cette proposition avec déplaisir et offrit sa prière à
Dieu pour connaître sa volonté, « et le Seigneur lui dit : « Ecoutez la voix de ce peuple dans tout ce qu'ils vous disent ; car ce n'est pas vous, mais c'est moi qu'ils rejettent, afin que je ne règne point sur eux... mais auparavant, faites-leur bien comprendre et déclarez-leur le droit du roi qui leur commandera. » Samuel exposa aux Hébreux ce [78] que serait pour eux l'autorité royale qu'ils sollicitaient avec tant d'insistance ; mais « le peuple se refusa à écouter ces explications : Non, lui dirent-ils, nous voulons un roi qui nous gouverne. »
(51)
La résistance de Samuel à l'insulte que le peuple adressait à
Dieu par sa demande, la réponse du Seigneur et l'obstination du peuple démontrent avec évidence l'exercice direct de l'autorité divine sur les Hébreux. Ce gouvernement
théocratique est gravé dans le nom de
Josué, ou Iehosuah, comme porte le texte hébraïque. La première partie de ce nom se compose des lettres,
i, he, u, i, renfermés dans Jehova, et la deuxième partie comprend le verbe
to sway (
soué), gouverner, commander ; ces deux parties, dans leur réunion, produisent
Iosoué, c'est-à-dire, gouvernement de Jehova.
La langue hébraïque-chaléenne est impuissante à traduire littéralement
Josué. La seule expression qu'elle ait pu avancer pour son interprétation est
iehoscua, sauveur, et elle est encore fort loin de la
composition exacte de
Josué. Aussi la traduction hébraïque de
Josué par iehoscua, sauveur, a-t-elle fait supposer que le nom de
Jésus, sauveur et rédempteur du genre [79] humain, devait dériver de la même racine ; car l'
ange apparaissant à saint Joseph lui adressa ces paroles : « Joseph fils de David, ne craignez point de prendre avec vous
Marie votre
épouse, car ce qui est né en elle, est l'ouvrage du
Saint-Esprit : et elle enfantera un fils à qui vous donnerez le nom de
Jésus : en effet, il sauvera lui-même son peuple en le délivrant de ses péchés. »
(52)
Le sens de sauveur et libérateur doit donc être renfermé dans le nom du Seigneur
Jésus, d'après l'explication de
l'
ange, et l'expression de ce sens est parfaitement rendue par les deux verbes
celtiques to ease (
ise), délivrer,
to sway (
soué) commander, gouverner, qui correspondent parfaitement aux caractères hébraïques reproduits dans
issâ,
Jésus, et constituent une notable différence entre le nom de
Josué et celui de
Jésus. La langue arabe confirme cette différence entre les deux noms ; on sait que les Arabes traduisent,
Jésus fils de
Marie, par
Aïssa ben Mariam.
Ces interprétations si faciles des noms hébreux par la langue des
Tectosages nous prouvent que ce dernier langage était bien celui des premiers temps. Pour terminer la preuve et la [80] rendre, pour ainsi dire, tangible, nous pouvons tenter encore de décomposer les deux noms de Goliath et David.
Personne n'ignore les incidents du combat singulier entre Goliath et David. Il est cependant nécessaire de rappeler certains détails qui expliquent parfaitement le nom donné par les Hébreux au
géant philistin. L'armée des
Philistins et les soldats de
Saül étaient en
présence lorsque Goliath se plaçant devant les bataillons d'Israël leur criait : « Pourquoi venez-vous livrer bataille ? Ne suis-je pas
Philistin, et vous serviteurs de
Saül ? choisissez un homme parmi vous, et qu'il vienne se
battre seul à seul.
S'il peut me combattre et me
frapper, nous serons vos esclaves ; mais si je suis moi-même vainqueur et que je le tue, vous serez nos esclaves et vous servirez. »
Et le
Philistin disait : « J'ai défié aujourd'hui tous les bataillons d'Israël et je leur ai dit : Donnez moi un homme, et qu'il vienne se
battre contre moi.
Cependant ce
Philistin se présentait au combat le matin et le soir, et il agit ainsi durant quarante
jours. »
(53) [81]
Le but, la fin du combat proposé par le
Philistin était l'assujettissement du vaincu au vainqueur ; en regardant la stature du
géant, les Hébreux furent saisis d'effroi, et l'audacieux
Philistin put jeter quarante fois son défi aux plus valeureux des soldats de
Saül, sans que personne osât le relever,
goal (
gol), but, fin,
to eye (
aï) voir, regarder,
to add, additionner.
Cependant un beau jeune homme, indigné de ces outrages, s'armant seulement d'une fronde et d'un bâton, s'offrit à vaincre Goliath au nom du Seigneur des armées. Le
géant s'avança d'un
air méprisant ; mais « David se hâta et courut au combat. Il mit la main dans sa panetière, il en prit une pierre, la lança avec sa fronde
davit (
dévit) moulinet et en frappa le
Philistin au front. La pierre s'enfonça dans le front du
Philistin, et il tomba le visage contre terre,
(54)
to dive (
daïve), s'enfoncer,
to hit,
frapper. »
Ces exemples nous paraissent devoir suffire pour offrir un appui solide à cette assertion que la langue
celtique et en réalité la langue primitive, et nous ne poursuivrons pas plus loin ce commencement d'études
étymologiques sur la postérité de
Sem.
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(51) Premier livre des Rois, Chap. VIII.
(52) Saint Mathieu, Chap. I, 21.
(53) Premier livre des Rois, Chap. XVII, 8-16.
(54) Premier livre des Rois, Chap. XVII, 48, 49.