SEPTIÈME SEPTENAIRE D'APHORISMES
Aphorisme 43
- Dieu est vivant et ses uvres vivent dans l'état où
elles ont choisi de vivre, car il a voulu que par leur
liberté elles puissent
se soumettre spontanément ou s'opposer à ses lois ; aux obéissants,
il offrit ses récompenses, ses peines justes aux désobéissants.
Par leur libre volonté, des
Esprits orgueilleux et méprisant le
fils de
Dieu s'éloignèrent du créateur : ils sont réservés
pour le
jour de la colère. Il leur a été laissé un
très grand pouvoir dans la création, pouvoir limité cependant,
et toujours retenu dans cette limite par le frein de
Dieu. Le
Mage de
Dieu, c'est-à-dire
l'être illuminé de la sagesse divine, formé par
Dieu, est
conduit par sa main vers tout bien éternel et vers les plus modestes comme
les plus grands des biens terrestres.
Grande est la puissance
de Satan à cause des grands péchés des hommes ; aussi les
mages de Satan ont-ils accompli des uvres puissantes et plus qu'on ne pourrait
le croire. Quoique maintenus dans leur
sphère, ils dominent cependant la
science humaine, en tout ce qui concerne les choses corporelles et transitoires.
Beaucoup d'
histoires très anciennes et l'exemple quotidien des événements
le prouvent. Par le but qu'elle poursuit, chaque magie est spéciale : l'une
mène aux biens éternels et ne se sert des biens temporels qu'avec
actions de grâces ; l'autre, peu soucieuse de l'éternité,
se livre tout entière au corporel pour jouir plus librement de tous les
désirs et de toutes les délices, méprisant
Dieu et sa colère.
Aphorisme
44 - Le passage de la vie ordinaire des hommes à la vie magique
ne diffère pas du passage du sommeil à la veille
(47).
En effet, ce qui dans la vie ordinaire arrive à l'homme d'une façon
inconsciente et ignorée arrive au mage consciemment et de sa pleine volonté.
Le mage comprend quand son
esprit pense de lui-même
; sait s'il délibère, raisonne, décide, décrète
l'acte à faire de lui-même ; et, quand au contraire ses pensées
viennent d'une
essence séparée qui l'assiste, il diagnostique de
quel ordre émane cette intelligence séparée.
Mais l'homme non versé dans la magie est jeté de-ci et de-là
par ses passions comme une bête sauvage, que ces passions émanent
de lui ou des essences qui l'environnent. Il ne sait pas détourner les
projets de ses
ennemis par le verbe de
Dieu ni se protéger contre les embûches
du tentateur.
Aphorisme
45 - Le plus grand précepte de la magie est de savoir ce que
l'on doit accepter pour son usage d'un
esprit assistant, ce qu'on en doit repousser.
Le
psalmiste nous l'apprend : « Comment le jeune homme corrigera-t-il sa
voie ? En gardant ta parole, ô Seigneur !
(48) ».
Garder le verbe du Seigneur pour que le Malin ne l'enlève pas de notre
cur, c'est le plus grand précepte de la Sagesse ; le reste des suggestions
qui ne sont pas contraires à la gloire de
Dieu et à la
charité envers le prochain,
on doit les admettre et les recevoir sans chercher à savoir de quel
esprit
émanent ces avertissements. Prenons garde cependant de ne pas trop nous
préoccuper de choses peu nécessaires, suivant la parole du Christ
: « Marthe, Marthe, vous vous occupez de bien des choses :
Marie a choisi
la meilleure part qui ne lui sera point enlevée
(49)
». C'est ainsi qu'il faut comprendre le mot du Christ : « Cherchez
d'abord le royaume de
Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par
surcroît
(50) ». Le reste c'est tout ce que
réclame la portion mortelle du
microcosme, la nourriture, le vêtement
et les arts nécessaires à la vie.
Aphorisme 46 - Rien n'est
plus estimable chez l'homme que la fermeté dans ses paroles et ses actions,
et, comme le semblable attire le semblable, personne n'est plus heureux que ceux
qui vivent ainsi. Car les
anges saints les entourent et les protègent de
leur garde et ils détestent au contraire les hommes de rien plus légers
que les feuilles mortes. De là, nous tirons ce 46ème aphorisme :
chacun appellera à lui les
esprits conformes au genre de vie qu'il mènera.
Mais avertissons bien celui qui voudrait se hausser au-dessus de sa vocation,
qu'il ne se laisse pas hanter par quelque
esprit malin, venu de l'extrémité
des terres, qui le tromperait et finalement le précipiterait à sa
ruine.
Ce précepte est très important ; car
Midas,
voulant tout changer en or, appela à lui un tel
esprit, maître de
ces transmutations, que, trompé par lui, il fût mort de faim si la
miséricorde divine n'avait pas eu pitié de sa folie. Il est arrivé,
de notre temps, la même aventure à une pauvre femme de Francfort-sur-Oder
qui volait et dévorait toute espèce d'
argent. Oh ! Si les hommes
suivaient ces préceptes et ne prenaient pas l'
histoire de
Midas pour une
fable
(51), ils seraient plus zélés dans la
modération de leurs passions et de leurs pensées et ne seraient
pas continuellement agités par les vents des monts dorés d'
Utopie.
Ensuite, il faut observer avec soin que de telles obsessions cèdent facilement
au verbe magique quand elles sont récentes et qu'elles n'ont pas eu le
temps de s'enraciner encore dans un
esprit oisif et vide du verbe divin.
Aphorisme 47 - Celui qui
sera fidèlement attaché à sa vocation aura ainsi de constants
compagnons de ses études, qui lui procureront tous les succès désirables.
S'il a en outre quelque connaissance de la magie, ils ne refuseront pas de se
montrer à lui, et, dans les différentes fonctions auxquelles ils
sont attribués, de le servir : bons et agissant pour son salut dans le
bien, mauvais et agissant pour sa perte et sa ruine dans le mal. Les exemples
en sont nombreux dans l'
histoire du monde entier et tous les
jours en amènent
de nouveaux : dans le bien, Théodose avant sa victoire sur
Arbogaste (52)
; dans le mal, Brutus, poursuivi avant sa mort par le génie de César
qui conduisit à s'égorger lui-même celui qui avait tué
le Père de la Patrie et son propre père.
Aphorisme 48 - Toute magie
est la révélation d'une classe d'
esprit dont cette magie est la
science propre. C'est ainsi que les neuf Muses
initièrent Hésiode
à la magie novénaire, comme il en témoigne lui-même dans la
Théogonie (53) ; que le génie d'
Ulysse
initia Homère, comme le prouve sa
Psigiogagie (54).
Hermès fut instruit par l'
esprit de l'
âme des
hauteurs ; Moïse,
par
Dieu lui-même, dans le buisson ardent ; les trois mages qui venaient
chercher le Christ à Jérusalem, par l'
ange du Seigneur qui les conduisait
; Daniel, par les
anges du Seigneur.
Que personne, donc,
ne s'avise de s'attribuer à soi-même la gloire de la possession de
la magie ; car ce n'est ni la volonté ni l'effort humain qui la font acquérir,
mais seule la
miséricorde de
Dieu ou quelque autre destinée spirituelle
(55). De là l'origine de toute magie, de là
son développement, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Voilà pourquoi
Tagès, premier maître de la magie chez les Romains, surgit de la
terre et déclara que, par ordre céleste, son culte était
voué à
Diane d'
Ephèse. De même
Apollon ; et toute la
religion des gentils a été reçue de ces mêmes
esprits
et n'est pas, comme le pensent les Sadducéens, uvre humaine.
Aphorisme 49 - Que
la conclusion de cet Isagoge soit la même que ce que nous avons dit plus
haut, à savoir: il n'y a qu'un
Dieu, source de tout bien, et qu'un péché,
la désobéissance envers la volonté de
Dieu. De là
la crainte du Seigneur, comme
initiation à la Sagesse
(56),
de là l'utilité de toute magie. Car l'obéissance à
la volonté de
Dieu succède à la crainte du Seigneur, à
celle-là la présence du Seigneur et de son Esprit-Saint, la domination
sur les
anges et sur tous les biens des inépuisables trésors divins.
Mais la magie inutile et condamnable procède du moment
où, perdant en notre cur la crainte de
Dieu, le péché
nous envahit ; aussitôt le prince de ce monde, le
Dieu de ce siècle,
y établit son royaume et ses
rites en
vue des avantages qu'il doit en retirer
; de même que l'araignée enveloppe de ses filets la mouche qui se
jette sur sa toile, de même Satan entoure sa capture du filet des désirs
jusqu'à ce qu'il l'ait épuisée et desséchée
(57) pour en faire la matière du
feu éternel
; d'autres, il les protège et les porte aux plus hauts sommets pour qu'ils
tombent d'une chute plus grave. Regarde autour de toi, bienveillant lecteur, rappelle-toi
les
histoires sacrées et
profanes, contemple ce qui se passe journellement
et tu verras que le monde est plein de mages, dans leur double royaume, du Bien
et du Mal.
Pour mieux le démontrer, et comme conclusion
de notre Isagoge, je te donne ci-contre la
division et la subdivision où
chacun pourra voir la route qu'il a à suivre, celle qu'il a à fuir
et de quelle façon chacun doit travailler et prendre de la peine pour atteindre
le terme de cette vie et le seuil d'une autre.
SCIENCE DU BIEN | Théosophie | Connaissance
du verbe de Dieu.
Direction de la vie suivant ce verbe.
Connaissance
de l'administration des choses par Dieu au moyen des anges que l'Ecriture appelle
"Gardiens".
Connaissance du ministère angélique. |
Anthroposophie (donnée à l'homme) | Science
des choses naturelles. Sagesse dans les choses humaines. |
|
SCIENCE
DU MAL | Cacosophie | Mépris du verbe
de Dieu. Vie vécue d'après la volonté du Diable.
Ignorance de l'administration des choses par les anges de Dieu.
Mépris de la garde des anges. Fréquentation des esprits
du Mal. Idolâtrie. Athéisme. |
Cacodémonie | Sciences
des vénéfices dans la nature et leur usage. Science de
tous les arts du mal pour la perte du génie humain. Leur usage
dans le mépris de Dieu pour la perte et le malheur des hommes. |
Dr Marc HAVEN __________________________________________________________________________________________________
(47) Complètement
éveillés, tels sont les
disciples de Gôtama.
[Retour
au texte] (48)
Psaume CXVIII, 9.
[Retour au texte]
(49) Luc,
X, 41-42.
[Retour au texte] (50)
Matthieu, VI, 33.
[Retour au texte]
(51) On ne trouve
pas de
fable dans la Tradition ; la
fable, comme le roman et le journal, sont
des productions d'
esprits désuvrés et insignifiants en des
jours de décadence. Ces
symboles antiques sont donc vrais de toute la vérité
d'une loi et nous retrouvons, aussi bien au moyen âge que de nos
jours,
ces cas de possession que tous les grands observateurs ont signalés.
[Retour
au texte] (52)
Sur les bords du Frigidus (394).
[Retour au texte]
(53) Hesiodi Ascroei,
Theogonia, v. 25, 30 -
Erga kai hemerai, v. 5, 10.
[Retour
au texte] (54)
Sans doute par erreur d'impression pour "Psychagogie".
[Retour
au texte] (55)
Nous avons déjà vu cette expression (Aphorisme 22). Il indique
que l'uvre humaine dans l'avancement magique, si importante qu'elle soit
de fait, n'est rien à côté des grâces successives obtenues.
La magie hindoue nous dit à ce sujet : «
Ainsi dois-tu faciliter
l'éclosion de ton âme à l'éternel ; mais c'est l'éternel
qui doit développer sa force et sa beauté, non pas le désir
de la croissance ; car dans ce cas, tu t'épanouis dans la luxuriance de
la pureté ; dans l'autre, tu t'endurcis par la puissante passion de la
stature personnelle. »
La Lumière
sur le Sentier, § 8 et 20 : «
Quelque grand que soit l'abîme
entre l'homme de bien et le pécheur, il est encore plus grand entre l'homme
de bien et l'homme qui a atteint la connaissance ; il est incommensurable entre
l'homme de bien et celui qui est sur le seuil de la divinité. »
[Retour au texte] (56)
Psaume CX, 10.
[Retour au texte]
(57) Cette sève
et ce sang que le vampire lui prend pour en faire sa propre nourriture, c'est
la lumière divine spécialisée dans l'homme seul, et qui donne
à cette forme la substance et la vie apparente. Et si l'homme avec
amour
ne lui fournissait son sang et ne l'engendrait comme son propre fils de sa portion
la plus noble, son fantôme, parmi ceux de la nuit, s'effacerait bientôt.
Et c'est pour cela que les cabalistes appellent
Lilith
la femme de Satan et la reine des Stryges.
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texte]