Benoît XIII, élu pape le 29 mai 1724, succéda à Innocent XIII. Il était de l'
illustre famille des Ursins ou Orsini. Il naquit à Rome, le 02
février 1649
(1). Ses prénoms étaient
Pierre-François : il prit ceux de
Vincent-Marie en
entrant dans l'ordre des
dominicains de
Venise, fut nommé
cardinal en 1672, et fut successivement
évêque de Manfredonia, de
Césène, et enfin
archevêque de
Bénévent. Ce fut dans cette dernière ville que, le 05
juin 1688, un tremblement de terre pensa lui coûter la vie : la secousse renversa une partie du palais
épiscopal. Un gentilhomme, qui était à ses côtés, fut écrasé. Le
prélat fut précipité de l'appartement du second jusque sur la voûte de la cave, où quelques roseaux (ce sont les propres expressions de l'
historien) se croisèrent en tombant et formèrent une espèce de cintre qui le mit à l'abri. Au bout d'une heure et demie, on parvint à le retirer des décombres, et le
jour même il pêcha, le saint sacrement à la main.
Bénévent fut réparé et embelli par ses soins.
Benoît XIII porta sur le siège
pontifical des vertus qui ont fait honorer sa mémoire. Il voulait sincèrement mettre fin aux troubles que la constitution avait causés. Par un bref du 06 novembre 1724, adressé à tous les
professeurs de l'ordre de saint Dominique, où il approuvait hautement la doctrine des
thomistes sur la grâce et la
prédestination, il prend à cur de justifier la
bulle de
Clément XI du reproche qu'on lui faisait, de donner atteinte à la doctrine de saint Thomas et de saint Augustin. Un an après, en 1725, il tint à Rome un
concile, dans la cinquième section duquel on traita de la constitution
Unigenitus. On en fit la lecture, et elle fut insérée dans les actes du
concile. On forma un décret sur ce sujet. Depuis,
Benoît XIII revint encore sur ces matières, et, tout en défendant la doctrine des
dominicains sur la
prédestination gratuite et sur la grâce efficace, dans sa
bulle Pretiosus, il en rendit une autre où il se déclare ouvertement pour la constitution. Cette dernière
bulle occasionna par la suite, en France surtout, beaucoup de persécutions ; et cependant, rien n'était plus contraire à ses intentions pacifiques.
Benoît XIII était lié avec le
cardinal de
Noailles, et lui avait promis un bref approbatif de douze articles expliqués dans une lettre de ce
prélat, et qui devaient mettre fin à toutes les disputes ; mais il paraît qu'une secrète opposition de la part des
constitutionnaires empêcha l'effet de cette bonne intention. La conduite incertaine, énigmatique de
Benoît XIII dans ces circonstances, ne tenait point à un défaut de sincérité, mais à une confiance aveugle en des gens qui ne la méritaient pas. Le
cardinal Coscia en abusa d'une manière
scandaleuse. A la mort de Benoît, le peuple voulait mettre en pièces
cet indigne ministre.
Clément XII lui faire son procès. Il fut enfermé au château St-Ange, et n'en sortit que sous
Benoît XIV, qui l'exila à Naples, où il mourut gorgé d'or et couvert de mépris.
Benoît XIII, en 1729, donna un bref pour autoriser la
légende de Grégoire VII, dans laquelle les entreprises de ce pape sur les droits temporels
des souverains étaient préconisées avec affectation. Ce bref, qui se trouve dans le
Bullarium Romanum, édition de Luxembourg, tome 10, éprouva de grandes contradictions, et fut rejeté par la plupart des
églises de l'
Europe.
Benoît XIII, après avoir vécu en assez bonne intelligence avec la cour de
Vienne, qui lui avait rendu Comachio, se brouilla de nouveau avec elle, au sujet des
duchés de Parme et de
Plaisance, qu'il prétendait devoir relever du
saint-siège, tandis que le cabinet de
Vienne en disposait comme
fiefs de l'Empire. Cette contestation, qui durait depuis longtemps, resta encore indécise pour le moment.
Benoît XIII mourut le 21
février 1730, âgé
de 81 ans, après un
pontificat de 5 ans et 8 mois. On ne peut que louer sa piété, sa vertu, son zèle pour la
religion et sa libéralité envers les pauvres. Il manqua d'un juste discernement dans le choix de ses ministres, et de fermeté dans l'exécution de ses desseins. Rien n'égalait sa douceur et son humilité. « J'aime, disait
Benoît XIV, j'aime la bonhomie de
Benoît XIII, qui dit reculer son carrosse dans Rome même, pour ne pas avoir d'affaire avec un gentilhomme romain. » On a de
Benoît XIII des
homélies sur l'
Exode, qu'il avait prononcées étant
archevêque de
Bénévent, 2 vol? in-4°, Rome, 1724. Le 3ème volume, publié en 1725, est d'un
dominicain, que le pape avait chargé de compléter l'ouvrage. Sa vie a été écrite en latin par Alexandre Borgia,
archevêque de Fermo, et dédiée à
Benoît XIV, Rome, 1741, in-4°.
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(1) (1) De Ferdinand Orsini,
duc de Gravina, et de Jeanne Frangipani.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 3 - Pages 651-652)