Ricimer, général romain, d'origine
suève et du sang royal, était par sa mère le petit-fils de Vallia, roi des
Goths. Dès sa
jeunesse, il signala sa valeur et parvint rapidement aux premiers emplois militaires.
Chargé par l'empereur Avitus, en 456, de poursuivre la flotte des
Vandales (1), il l'atteignit sur les côtes de l'île de Cors et la détruisit entièrement. A son retour en Italie, il fut accueilli comme un libérateur, profita de la faveur publique pour
dépouiller de la pourpre Avitus et le contraignit à abdiquer. Après un
interrègne de dix mois, il consentit enfin à l'élection de Majorien, l'un de ses
compagnons d'armes.
Ricimer, que le sénat avait décoré du titre de patrice, fut comblé de faveurs par un prince qui lui devait l'empire.
En 458, il tailla en pièces l'armée des
Vandales dans la Campanie, et l'année suivante il fut créé consul. Peu de temps après, Majorien conclut avec
Genseric une paix avantageuse ; et ce prince, qui joignait les
vues d'un politique aux talents d'un capitaine, allait peut-être relever le trône des Césars, quand
Ricimer, craignant de voir sa gloire éclipsée par celle de Majorien, le fit
déposer et mettre à mort. Alors il donna le trône à Libius Sévère, dont la nullité ne pouvait lui causer aucun ombrage. Sous ce fantôme de souverain,
Ricimer fut réellement le chef de l'empire ; il accumula des trésors, eut une armée à lui, fit des traités particuliers, et exerça en Italie l'autorité indépendante qu'eurent depuis successivement Odoacre et Théodoric. En 463, il remporta la victoire la plus complète sur les Alains, qui s'étaient avancés jusqu'au pied des Alpes Juliennes, tua Beorgor, leur chef, et fit égorger tous ses soldats.
L'Italie gémissait depuis six ans sous la
tyrannie de
Ricimer, quand l'empereur
Léon Ier éleva sur le trône d'Occident, en 467, Anthemius, sous la condition secrète qu'il prendrait
Ricimer pour gendre. Malgré les honneurs dont était comblé l'ambitieux
Suève, il ne pouvait voir l'Italie en paix ; et, par une politique méprisable, il tenta de susciter des
ennemis à son beau-père parmi les barbares. Anthemius lui témoigna son mécontentement, et
Ricimer, quittant Rome aussitôt, fixa sa résidence à Milan. Ainsi, selon la remarque de Gibbon, l'Italie fut alors divisée en deux royaumes indépendants et jaloux. Les
Liguriens, craignant de voir éclater la guerre civile, supplièrent
Ricimer de se réconcilier avec son beau-père. Il y consentit, et le pieux
évêque de
Pavie, Epiphane, se chargea de cette négociation. Cet accord ne fut pas de longue durée. L'empereur
Léon, pour rendre la paix à l'Orient, avait fait assassiner
Aspar et Adubenius, deux de ses sujets les plus puissants.
Ricimer, craignant qu'Anthemius ne lui préparât le même sort, résolut de le prévenir. Ayant augmenté son armée d'un
corps nombreux de
Bourguignons et de
Suèves, il vint assiéger son beau-père dans Rome. Lorsqu'il apprit que
Léon envoyait au secours d'Anthemius plusieurs
légions, il fit proclamer empereur Olybrius, leur chef, battit ensuite les troupes d'Anthemius, qu'il fit égorgé, et il livra Rome au pillage, à part les deux quartiers en deça du Tibre qu'occupaient ses partisans.
Ricimer ne put jouir de ce nouveau crime ; il mourut le 18 septembre 472, quarante
jours après Anthemius. Fier et ambitieux,
Ricimer, que sa naissance excluait du trône, ne voulut avoir de maîtres que de son choix, et, pour y parvenir, tous les moyens lui parurent justifiés par le succès. C'était d'ailleurs un prince doué des qualités les plus brillantes. L'
historien des
Goths, Jornandès, le met au-dessus de tous les capitaines de l'Italie, Sidoine Apollinaire, qui lui donne le titre d'Invincible, le regardait comme l'égal de la plupart des héros de Rome. On peut consulter l'
Histoire des empereurs, par Tillemint, tome 6, et l'
Histoire de la décadence par Gibbon, chap. 36.
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(1) Cette flotte n'était composée que de six
galères que
Genséric avait envoyées de Carthage, mais les Romains n'avaient point alors de marine, et c'est ce qui expliqua la joie que leur causa la victoire de
Ricimer.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 35 - Pages 671-672)