Biographie universelle ancienne et moderne Jean-Pierre Caraffa, pape connu sous le nom de
Paul IV, successeur de
Marcel II, était d'une famille napolitaine
illustre, et fut élu le 23 mai 1555. Il était alors doyen du sacré
collège, et âgé de soixante-dix-neuf ans. Dans sa
jeunesse, il avait témoigné beaucoup de
goût pour l'état monastique et s'était jeté dans un
couvent de
dominicains : les sollicitations de ses parents l'en tirèrent. Ses études, ses progrès dans les sciences, surtout dans la connaissance des langues et particulièrement de l'hébreu, son application aux affaires élevèrent rapidement sa fortune. Le
pape Jules II reconnut son mérite, et le fit
évêque de Chieti.
Léon X l'envoya en Angleterre pour y recueillir le denier de St-Pierre. Il y demeura trois ans et passa de là en Espagne, où Ferdinand le reçut à sa cour, l'admit dans ses conseils et le fit son chapelain.
Adrien VI le mit à la tête d'une congrégation pour la réformation des murs ; et Paul II, d'après ses avis, érigea avec de nouveaux pouvoirs le tribunal de l'
inquisition pour réprimer l'hérésie : celle de Luther était dans toute sa vigueur.
Paul IV lui opposa un caractère de sévérité que
Mézerai traite de dureté et d'orgueil.
Son intronisation se fit avec plus de magnificence que celle de ses prédécesseurs. Après avoir tenu d'abord plusieurs consistoires pour la réforme du clergé, il s'occupa des affaires politiques et déclara la guerre à l'empereur ; il s'y décida par les conseils du
cardinal Alphonse, son neveu, dont l'humeur guerrière n'était pas éteinte par les devoirs attachés à sa dignité personnelle. Mais l'empereur conclut une trêve avec Henri II, vers lequel
Paul IV envoya son neveu pour tâcher de la rompre. On assure même qu'il voulait excommunier Ferdinand et le roi d'Espagne, Philippe II. Mais le
duc d'Albe parut à la tête d'une armée, et força bientôt le
pontife de s'accommoder avec le monarque espagnol. Le roi de France résista de son côté aux insinuations du pape, quoique celui-ci le flattât de la conquête du royaume de Naples, et dans cette occasion les
Guise virent échouer leurs intrigues (Voyez le président Hénault).
Les affaires d'Angleterre occupèrent
Paul IV d'une manière plus importante encore. La reine
Mary venait de succéder au trône : le pape traita ses ambassadeurs avec quelque bienveillance ; mais il y mit des conditions hautaines, qui tenaient encore à ce système de suprématie temporelle à laquelle les papes avaient bien de la peine à renoncer (Voyez
Mary, reine d'Angleterre). La conduite de
Paul IV vis-à-vis d'Elisabeth fut bien plus impolitique ; et le schisme fut établi sans retour. Il n'était pas étonnant que le
pontife de Rome, à l'exemple de ses prédécesseurs, vlt d'un il différent la fille légitime de Catherine d'
Aragon et la bâtarde adultérine d'Anne Boleyn ; mais la prudence humaine exigeait d'autres ménagements pour les décisions nationales d'une puissance qui était d'un si grand poids dans la balance de l'
Europe et dans les intérêts de la
religion.
Paul IV ne fut pas plus modéré à l'égard de l'empereur Ferdinand, dont il prétendait que l'élection était nulle, parce qu'elle avait été faite à Francfort sans son consentement. Il ne réussit pas alors à seconder les regrets de Charles-Quint ; et, depuis cette époque, les empereurs d'Allemagne cessèrent de demander au pape la confirmation de leur dignité.
Paul IV ne voulut point rouvrir le
concile de Trente ; son projet était d'en tenir un à Rome semblable à celui de 1215 sous
Innocent III : les événements politiques l'en empêchèrent. Cependant les dangers et les maux croissaient de toutes parts. Indépendamment des désordres extérieurs, le trouble et le scandale étaient poussés au comble dans Rome même, où les neveux du pape abusaient de son autorité. Alors
Paul IV changea de conduite : il sévit avec rigueur contre ses parents,
dépouilla le
cardinal Alphonse de sa dignité et l'envoya en exil, ôta le commandement militaire au
duc de Palliano, qu'il relégua dans une forteresse, et destitua partout les magistrats établis par ses neveux.
Depuis ce moment,
Paul IV ne travailla plus qu'à réformer les abus. Il interdit les lieux de débauche, fit punir les blasphémateurs, et obligea les
évêques à résider dans leurs
diocèses. Il érigea des
évêchés dans les Indes et dans les Pays-Bas. On assure qu'il disait lui-même que son
pontificat ne devait commencer que du
jour où il avait ôté l'administration à ses neveux. On croit assez communément qu'il fut le créateur de la congrégation de l'
Index, qui est, à vrai dire, une branche de l'
inquisition, sans qu'on puisse toutefois blâmer un tribunal de censure établi pour l'orthodoxie près du siège principal de la foi.
Après une vieillesse exempte d'infirmités
(1),
Paul IV mourut le 19 août 1559, dans la 84ème année de son âge et dans la cinquième de son
pontificat. La fin de sa vie, qui remit en lumière ses talents et ses vertus personnelles, ne put pas effacer bien des fautes qu'on lui a
justement reprochées. La sévérité du
pontife avait exaspéré la multitude. On fut obligé de l'enterrer sans cérémonie
(2). Le peuple fit éclater sa fureur contre la statue du pape, qui fut mise en pièces, et dont les débris furent jetés dans le Tibre. Il mit le
feu à la prison de l'
inquisition après en avoir fait sortir les prisonniers. Il faillit aussi incendier le
couvent des
dominicains, chargés des fonctions d'inquisiteurs. Il fallut faire marcher des troupes pour arrêter le désordre.
Paul IV eut pour successeur Pie IV.
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(1) Ce
pontife était passionné pour la science de la médecine ; et, quoiqu'à ses yeux les médecins fussent les premiers des savants, il se mit en état de se passer de leurs soins. Il avait lu les meilleurs auteurs sur cette science et particulièrement tout Gallien dans le texte grec. Caraccioli, dans sa vie manuscrite de
Paul III, rapportée par Marini, dit que ce pape voulut se charger seul du soin de sa santé jusqu'à la fin de ses
jours, et que, par ce moyen, il se maintint dans un état de vigueur qui ne se démentit jamais. Il ne prit aucun remède et ne fut jamais saigné. Cependant il honorait et favorisait tellement les médecins, que tous ceux d'entre eux qui se distinguaient par leur savoir à Rome ambitionnaient le titre d'
archiater, ou premier médecin du
pontife, dans l'espérance de parvenir par le moyen de cet honneur et de la faveur du pape à des dignités plus importantes. Le nombre s'en augmenta au point qu'à la mort de
Paul IV, il fallut, par économie, le réduire. Il n'en resta plus que sept, et il y en avait en jusqu'alors quatorze, quinze, et même dix-huit. Ce pape les admettait à sa conversation et prenait grand plaisir à disputer avec eux sur divers points de leur science.
(2) Pie V lui fit, dans la suite, élever un monument en marbre dans l'
église de la
Minerve.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 32 - Pages 281-282)
Dictionnaire universel d'histoire et de géographie de Bouillet Paul IV,
Jean-Pierre Caraffa, pape de 1555 à 1559, était Napolitain et naquit en 1476. Dans le but de détruire en Italie la domination espagnole, il fit en 1555, avec Henri II, roi de France, un traité pour la conquête du royaume de Naples, et appela le
duc de
Guise à cet effet ; mais le seul résultat de cette entreprise fut la dévastation et la perte momenanée d'une partie de ses propres Etats, 1556-1557.
Avant son avènement, il avait rempli des missions délicates et avait fait établir à Rome un tribunal suprême de l'
Inquisition (1542). Il réforma plusieurs abus, et lança l'
anathème contre les hérétiques ; mais sa sévérité envers ses
administrés et les excès de ses neveux irritèrent le peuple, qui, après sa mort, jeta sa statue dans le Tibre.
Paul IV avait rédigé le
Règle des Théatins, ordre qu'il avait fondé en 1524, et institué la
Congrégation de l'Index.
Marie-Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 20ème édition (1866), p. 1444.