Chapitre V
Le Laya-Yoga
Les livres hindous
Près de vingt ans ont passé depuis que j'écrivais au sujet des
chakras la plus grande partie de ce
que contiennent les pages précédentes, et à cette époque je connaissais fort peu la volumineuse littérature sanscrite relative à cette question. Depuis lors, plusieurs ouvrages importants traitant des
chakras ont été traduits en anglais, entre autres :
The Serpent Power (traduction par Arthur Avalon du
Shatchakra Niroupana),
Thirty Minor Upanishads, traduit par K. Nayaranaswami Aiyar, et le
Shiva Samhitâ, traduit par Sris Chandra Vidyarnava. Ces ouvrages s'occupent longuement du sujet des
chakras, mais beaucoup d'autres mentionnent ces centres en passant. Celui d'Avalon donne une excellente série de gravures en
couleur représentant tous les
chakras, dessinés, comme le font toujours les
yogis hindous, sous une forme
symbolique. Ce département de la science hindoue
commence graduellement à être connu dans l'Occident ; je veux tenter, pour mes lecteurs, d'en donner ici un résumé très bref.
Liste des chakras suivant les Hindous
Les
chakras mentionnés dans ces ouvrages sanscrits sont les
mêmes que les
chakras visibles aujourd'hui, seulement, comme je l'ai dit plus haut, les auteurs substituent toujours leur centre Swâdhishtâna au centre splénique ; ils ne sont pas absolument d'accord en ce qui concerne le nombre des
pétales, mais en somme leur énumération est la nôtre, bien que, je ne sais pourquoi, ils ne citent pas le
chakra du sommet de la tête et, se bornant à six
chakras, appellent le centre coronal le Sahasrâra Padma, ou lotus aux mille pétales. Le
chakra plus petit, aux douze pétales, situé à l'intérieur du
chakra coronal, a été observé par eux ; ils en font bien mention. Dans le sixième
chakra ils indiquent deux pétales au lieu de quatre-vingt-seize, mais ils veulent sans doute parler des deux
divisions présentées par le disque du centre et mentionnées au chapitre Ier.
Les différences dans le nombre des pétales ne sont pas importantes : par exemple, le
Yoga Koundalî Upanishad parle des seize pétales du
chakra cardiaque au lieu de douze ; de leur côté les
Dhyânabindou
Upanishad et
Shândilya Upanishad donnent l'un et l'autre au
chakra ombilical douze rayons au lieu de dix. Une série d'ouvrages parlent aussi d'un
chakra frontal et le lotus coronal, comme étant très importants. Le
Dhyânabindou Upanishad dit que le lotus du cur a huit pétales, mais la façon dont il décrit
l'usage de ce
chakra pendant la méditation indique (nous le verrons plus loin) qu'il s'agit probablement du
chakra cardiaque secondaire dont il vient d'être question. En ce qui concerne les
couleurs des pétales il y a encore certaines
différences ; on les constatera en examinant le tableau ci-dessous où sont comparés à notre propre liste quelques-uns des principaux ouvrages.
Les différences constatées n'ont rien de surprenant, car il existe incontestablement des variations dans les
chakras suivant les nations, suivant les races, suivant même les facultés des observateurs. Ce que nous avons rapporté dans le chapitre Ier résume les observations attentives faites par un certain nombre d'étudiants occidentaux, qui ont, avec toutes les
précautions possibles, comparé leurs notes et vérifié leurs constatations.
Les dessins des
chakras faits par les
yogis hindous à l'usage de leurs élèves sont toujours
symboliques ; il ne représentent aucunement l'apparence réelle du
chakra, sauf que l'artiste essaie en général d'indiquer la
couleur et le nombre des pétales. Au centre de chaque dessin nous trouvons une figure géométrique, une lettre de l'alphabet sanscrit, un
animal, et deux divinités, l'une masculine, l'autre féminine. Nous reproduisons ci-contre le dessin du
chakra cardiaque emprunté à l'ouvrage d'Arthur Avalon,
The Serpent Power, et nous allons tenter d'en expliquer les différents
symboles.
Couleurs des pétales de lotus
TABLEAU V
Les figures des chakras
Laya ou Koundalini
Yoga a le même but que tous les autres
genres de
yoga pratiqués dans l'Inde : unir l'
âme à
Dieu ; pour cela il est toujours nécessaire de faire trois sortes d'efforts : ceux de l'
amour, de la pensée et de l'action. Bien que dans une certaine école de
yoga la volonté joue le premier rôle (par exemple dans la doctrine des
Yoga Soutras) et que, dans une autre, l'
amour soit prescrit avant tout (comme dans
l'instruction donnée à Arjouna par Shri
Krishna dans la
Bhagavad Gita), il est toujours proclamé que l'effort doit se porter dans les trois directions. Ainsi Patanjali impose au débutant
tapas, l'effort purificateur,
Svâdhyâya,
l'étude des questions spirituelles, enfin
Ishvara pranidhâna, la dévotion constante à
Dieu. De même Shri
Krishna, après avoir expliqué à
Son élève que, pour servir, la sagesse est le plus précieux instrument, le plus grand sacrifice que l'on puisse offrir, Shri
Krishna ajoute qu'elle s'acquiert seulement par la dévotion, les recherches et le service ; en terminant, il ajoute ces paroles significatives : « Les Sages qui contemplent la Vérité, t'enseigneront la sagesse. » Dans
Aux pieds du Maître, exposé de la doctrine orientale, la même triplicité s'affirme, car les qualités requises comprennent le discernement, la bonne conduite et le développement de l'
amour envers
Dieu, le
Gourou, c'est-à-dire l'Instructeur et l'homme.
Pour comprendre les
diagrammes des
chakras employés par les
yoguis indiens, il faut toujours se rappeler qu'ils sont destinés à aider l'aspirant dans cette triple progression. Il est nécessaire que l'élève acquière des notions sur la constitution du monde et de l'homme (c'est ce que nous appelons aujourd'hui la
Théosophie) et que, par l'adoration de la Divinité, il fasse naître en soi une dévotion profonde et ardente, tout en s'efforçant d'éveiller les couches profondes de Koundalini et de la conduire (car cette énergie est toujours nommée
une déesse) de
chakra en
chakra.
Etant donné ces trois objectifs, nous trouvons dans un
chakra quelconque certains
symboles relatifs à l'instruction et à la dévotion et qu'il ne faut pas nécessairement regarder comme une partie constitutive ou active du
chakra. Les services, ou pratiques de
yoga collectives, de l'
Eglise Catholique Libérale, nous donnent un exemple du même principe. Là aussi nous nous appliquons simultanément à encourager la
dévotion, à instruire des questions spirituelles, tout en pratiquant la magie que comportent les
rites. Rappelons-nous aussi que dans les temps anciens, les
yogis errants ou habitants des
forêts, usaient peu, même des manuscrits sur feuilles de palmiers employés à leur époque ; il leur fallait donc une assistance
mnémonique, comme celle que donnent beaucoup de ces
symboles ; ils allaient s'asseoir parfois aux pieds de leurs
gourous ; puis ils pouvaient se remémorer et récapituler la
Théosophie qu'ils venaient d'entendre, grâce aux notations fournies par ces dessins.
Chakra du cur
Il n'est guère possible de tenter ici une explication
complète du
symbolisme de ces
chakras ; il suffira d'indiquer la signification probable attachée au
chakra du cur ou Anâhata, représenté par notre figure. L'une des plus sérieuses difficultés à vaincre est la multiplicité des interprétations données à la plupart de ces
symboles ; de plus, les
yogis de l'Inde opposent à nos questions une réticence impénétrable, une invincible répugnance à livrer leur savoir et leurs pensées à d'autres qu'aux étudiants qui se mettent
in statu pupillari avec la ferme
résolution de se donner absolument au Laya
Yoga, décidés à consacrer à cette tâche leur vie entière si la réussite
est à ce prix.
Ce
chakra est décrit dans les versets 22-27 du
Shatchakra Niroupana, dont voici la traduction abrégée donnée par Avalon :
Le lotus du Cur a la même
couleur que la
fleur du Bandhouka [rouge] et sur ses douze pétales se trouvent les lettres de
Ka
à
Tha, surmontées du Bindou, la
couleur en est le vermillon. Dans son péricarpe est le Vayou-Mandala hexagonal,
couleur de fumée, et au-dessus le Souryya-Mandala contenant le Trikona resplendissant comme dix millions d'éclairs. Plus haut le Vayou Bîja, d'un ton fumeux, est monté sur une antilope noire ; il a quatre bras et porte l'aiguillon (angkusha). Sur ses genoux (ceux de Vayou-bîja) se trouve Isha aux trois yeux. Ses deux bras, comme ceux d'Hangsa (Hangsâbha) sont étendus dans le geste d'accorder des grâces et de dissiper la crainte. Dans le péricarpe de ce Lotus, assis sur un lotus rouge est la Shakti Kâkini. Elle a quatre bras et porte le nd coulant (Pâsha), le crâne (Kapâla) et fait les signes des grâces accordées (
Vara) et de la crainte dissipée (Abhaya). Elle est
couleur d'or ;
vêtue de jaune, elle porte des joyaux de tout genre et une guirlande d'os.
Son cr est
adouci par le nectar. Au centre du Trikona se trouve Shiva sous la forme d'un Vâna-Lingga portant sur sa tête le croisant de la
lune et Bindou. Il est
couleur d'or.
Son expression est joyeuse et marque le désir. Au-dessous de
lui est le Hangsa, semblable au Jîvâtmâ ; il ressemble à la
flamme immobile et verticale d'une lampe.
Au-dessous du péricarpe de ce Lotus est le lotus à huit pétales ; sa tête est relevée. C'est dans ce lotus (rouge) que se trouvent l'
arbre Kalpa, l'
autel orné de joyaux, surmonté d'une tente et décoré de bannières et autres ornements semblables ; c'est le lieu du culte mental
(1).
Les pétales et les lettres
Les pétales de l'un quelconque de ces lotus, comme nous
l'avons vu, sont constitués par les
forces primaires qui se dispersent dans le
corps suivant les rayons de la roue. Le nombre des rayons est déterminé par le nombre des facultés spéciales à la
force qui traverse un
chakra particulier. Dans le cas présent il y a douze pétales, et les lettres qui leur sont appliquées symbolisent évidemment une certaine section de la puissance créatrice totale ou
force vitale qui pénètre dans le
corps. Les lettres mentionnées ici vont de
Ka à
Tha et sont placées dans l'ordre régulier de l'alphabet sanscrit. Cet alphabet est extraordinairement scientifique je ne crois pas qu'il existe rien de semblable dans les langues occidentales et ses 49 lettres sont généralement disposées comme dans le tableau suivant auquel est ajouté
ksha
pour compléter le nombre de lettres nécessaires aux cinquante pétales de six
chakras.
En
yoga cet alphabet est considéré comme réunissant la totalité des sons humains, et, au point de
vue du langage, comme une expression matériellement étendue de l'unique son ou verbe créateur. Comme le mot sacré
Aum (dont le son commence dans le fond de la
bouche par
a, en traverse le centre avec
u et fini sur les lèvres avec
m) il représente tout langage créateur et, par conséquent, un ensemble de puissances. En voici la répartition : les seize voyelles sont données au
chakra de la gorge, de
Ka à
Tha au cur, de
Da à
Pha à l'ombilic, de
Ba à
La au second, enfin de
Va à
Sa au premier.
Ha et
Ksha sont donnés à l'Ajnâ
chakra. Le lotus Sahasrâra ou
chakra coronal est regardé comme contenant l'alphabet tout entier, vingt fois répété.
Point de raison apparente pour expliquer la manière dont les
lettres sont assignées aux
chakras cités, mais en nous élevant de
chakra en
chakra le nombre des puissances augmente. Peut-être les fondateurs du système Laya connaissant à fond ces puissances, ont-ils employé les lettres pour les nommer, comme nous désignons nous-mêmes par des lettres les
angles des figures géométriques, ou les rayonnements du radium.
La méditation sur ces lettres n'est évidemment pas étrangère à l'obtention du "son intérieur qui tue le son extérieur", pour employer une expression empruntée à
La Voix du Silence. La méditation scientifique des Hindous commence par la concentration sur un objet figuré ou sur un son, et c'est seulement après avoir immobilisé sur eux son mental que le
yogi s'efforce d'aller plus loin et de concevoir leur signification supérieure. Ainsi en méditant sur un Maître, il se représente d'abord son apparence
physique, puis il essaie d'éprouver les émotions du Maître, de comprendre Ses pensées, et ainsi de suite.
En ce qui concerne les sons, le
yogi s'efforce de passer du dehors au
dedans du son tel que nous le connaissons et proférons, à la qualité et à la puissance intérieures de ce son ; c'est donc un moyen d'aider sa
conscience à passer de plan en plan.
Dieu, pourrait-on dire, créa les plans en récitant l'alphabet et notre langage articulé en est la spirale inférieure. Dans cette forme de
yoga, l'aspirant, par absorption ou laya
intérieure, s'applique à reprendre ce chemin en sens inverse et à se rapprocher ainsi de la Divinité.
La Lumière sur le Sentier nous exhorte
à écouter le chant de la vie et à essayer de percevoir ses notes cachées ou supérieures.
Les mandalas
Le mandala hexagonal ou "cercle" occupant le péricarpe du lotus cardiaque est pris pour
symbole de l'élément-air. Chacun des
chakras est considéré comme étant en relation spéciale avec l'un des
éléments : terre,
eau,
feu,
air, éther et mental. Il faut voir dans ces
éléments des états de matière et non des
éléments tels que nous l'entendons en chimie moderne ; ils correspondent ainsi aux termes solide, liquide,
igné ou gazeux, aérien et éthérique ; enfin, ils présentent une certaine analogie avec nos sous-plans physique, astral, mental, etc. Ces
éléments sont représentés par certains yantras ou
diagrammes de caractère
symbolique, donnés comme suit dans le
Shatchakra Niorupana et qui sont montrés contenus dans les péricarpes des lotus représentés.
Les formes symboliques des Eléments
TABLEAU VII
Dans la liste précédente, le rouge orangé est quelquefois donné au lieu du jaune, le bleu au lieu du fumeux et, dans le cinquième
chakra, le noir au lieu du blanc, mais le noir, est-il expliqué,
représente l'indigo ou bleu foncé.
Le lecteur occidental s'étonnera peut-être de voir
le mental classé parmi les
éléments ; cependant, l'Hindou n'en est pas surpris, car il considère le mental comme un simple instrument de la conscience. L'Hindou envisage les questions à un point de
vue très élevé, parfois même, dirait-on, au point de
vue de la
Monade. Par exemple, dans le septième chapitre de la Gita, Shri
Krishna dit : « La terre, l'
eau, le
feu, l'éther, l'intellect, la raison et l'égotisme aussi, telle est la
division octuple de ma nature (prakriti). » Un peu plus loin il parle de ces huit
éléments comme de « ma nature inférieure »
(2).
Ces
éléments sont associés comme nous l'avons expliqué, à la notion des plans, mais il ne semble pas que les
chakras se rapportent spécialement à eux. Il n'est pas moins certain qu'en méditant sur ces
éléments et les
symboles qui leur sont associés dans tout
chakra, le
yogi se remémore l'ensemble des plans. Peut-être aussi trouve-t-il dans ce genre de méditation un moyen d'élever son centre de conscience, à travers les niveaux du plan sur lequel il fonctionne pour l'instant, jusqu'au septième niveau le plus haut et, par ce dernier, jusqu'à une
altitude supérieure encore.
Laissant tout à fait de côté la possibilité de passer en pleine conscience sur un plan supérieur, nous trouvons ici un moyen de hausser si bien la conscience qu'elle arrive à sentir les
influences d'un monde plus élevé et à recevoir les impressions venues d'en haut. La
force ou
influence ainsi reçue et sentie est sans doute le "nectar" dont parlent les auteurs, et sur lequel nous aurons à revenir en
étudiant la façon d'élever Koundalini, après son éveil, jusqu'au centre supérieur.
Les yantras
Dans
Les Forces subtiles de la Nature (3), le pandit Rama Prasad nous présente une étude approfondie des raisons ayant déterminé les formes géométriques de ces yantras. Ses explications sont trop longues pour être reproduites ici, mais nous pouvons en résumer brièvement les idées principales. De même, dit le pandit, qu'il existe un éther lumineux transmettant à nos yeux la lumière, de même il existe un genre d'éther spécial pour chacun des autres ordres de sensation :
odorat,
goût,
toucher,
ouïe. Il existe une corrélation entre ces sens et les
éléments représentés par les yantras : l'
odorat avec l'élément solide (
carré), le
goût avec l'élément liquide (croissant), la
vue avec l'élément gazeux (
triangle), le
toucher avec l'élément-air (hexagone), enfin l'
ouïe avec l'élément éthérique (cercle). Le son, fait remarquer le pandit, se propage en cercle, soit une radiation en tous sens, d'où le cercle dans le cinquième
chakra. La lumière, dit-il encore, se propage en forme de
triangle ; en effet, un point donné dans l'onde lumineuse se porte un peu en avant,
perpendiculairement aussi à la ligne de progression, si bien qu'après avoir complété son mouvement, il a exécuté un
triangle ; d'où le
triangle dans le troisième
chakra. L'auteur fait remarquer qu'il se produit aussi un mouvement dans l'éther quand il s'agit du
toucher, du
goût et de l'
odorat, et il donne des raisons pour le choix des formes que nous leur trouvons associées dans leurs
chakras respectifs.
Les animaux
L'antilope, à cause de son agilité, est un
symbole approprié à l'élément-air, et la bîja ou mantra-semence (c'est-à-dire le son dans lequel se manifeste la puissance gouvernant cet élément) est nommé
Yam. Ce mot se prononce comme la lettre
y suivie de la voyelle neutre
a, puis d'un son nasal fréquent dans la
langue française. C'est le point surmontant la lettre qui représente le son et c'est dans ce point que réside la divinité à vénérer dans ce centre : Isha aux trois yeux. Parmi les autres
animaux se trouvent l'éléphant, associé à la terre à cause de sa
masse, et à l'éther à cause des fardeaux qu'il supporte ; le makara ou
crocodile dans les
eaux (
chakra 2) ; et le
bélier, évidemment regardé comme un
animal emporté ou agressif (
chakra 3). Pour des raisons particulières, le
yogi peut se figurer lui-même monté sur ces
animaux et exerçant le pouvoir représenté par leurs qualités.
Les divinités
Une très belle idée se trouve dans certains de ces mantras ; nous en donnerons un exemple en parlant du mot sacré, connu de tous :
Om. Celui-ci, dit-on, comprend quatre parties : a, u, m et ardhamâtrâ. On y fait allusion dans
La Voix du Silence, en ces termes :
« Et alors, tu pourras reposer entre les ailes du Grand-Oiseau. Oui, doux est le repos entre les ailes de ce qui n'est pas né, de ce qui ne meurt pas, mais qui est l'
AUM, à travers l'éternité des âges. »
Et Mme Blavatsky, dans une note, parle du Grand-Oiseau comme :
Kala Hamsa "l'oiseau" ou
cygne. Il est dit, dans la
Nâdavindou Oupanishad (Rig Véda), traduite par la Société
Théosophique de Koumbakonam : « La syllabe A est considérée comme son aile droite ; U, l'aile gauche ; M, la queue et
l'Ardhamâtrâ (demi-mètre), comme sa tête. »
Le
yogi, après être arrivé dans sa méditation à la troisième syllabe, passe à la quatrième, c'est-à-dire au silence qui suit. Dans ce silence, il pense à la divinité.
Dans les divers ouvrages les divinités assignées aux
chakras varient. Par exemple, le
Shatchakra Niroupana place respectivement
Brahmâ,
Vishnou et Shiva dans les premier, deuxième et troisième
chakras ; il met ensuite plusieurs formes de Shiva. Au contraire, le
Shiva Samhitâ et d'autres livres localisent Ganesha (à tête d'éléphant et fils de Shiva) dans le premier,
Brahmâ dans le deuxième et
Vishnou dans
le troisième. Ces différences semblent motivées par la secte de l'adorateur.
Dans le cas présent nous avons, comme divinité féminine accompagnant Isha, la Shakti Kâkini. Shakti signifie puissance ou
force. La
force de la pensée est définie comme une Shakti du mental. Dans chacun des six
chakras se trouve une de ces divinités féminines Dâkinî, Râkini, Lâkinî, Kâkinî, Shâkinî et Hâkinî que certains identifient avec les puissances gouvernant les divers
dhâtous ou substances corporelles. Dans ce
chakra Kâkinî est assise sur un lotus rouge. On en parle comme ayant quatre bras (quatre pouvoirs ou fonctions). Avec deux de ses mains elle fait comme Isha, les gestes signifiant le don des bienfaits et le bannissement des craintes ; les deux autres mains tiennent un nud coulant (
symbole qui est une forme de la
croix ansée), et un crâne (
symbole, sans doute, de la nature inférieure
immolée).
Méditation corporelle
Les méditations habituellement prescrites pour ces
chakras
sont parfois assignées à l'ensemble du
corps, comme dans l'extrait suivant du
Yogatattwa Oupanishad :
« Il y a cinq
éléments : la terre, l'
eau, le
feu,
l'
air et l'éther. Pour le
corps des cinq
éléments, il y a une quintuple concentration. La région allant des pieds aux genoux est dite celle de la
terre ; elle est quadrilatérale, de
couleur jaune et porte la lettre
La. Dirigeant le souffle, avec cette lettre
La, vers la région de la terre
(des pieds au genou) et contemplant
Brahma aux quatre faces et à la
couleur d'or, c'est là qu'il peut méditer...
La région de l'
eau, déclare-t-on, s'étend des genoux à l'anus. L'
eau est de forme semi-lunaire ; elle est de
couleur blanche, sa bija (semence) est
Va. Faisant remonter le souffle avec la lettre
Va le
long de la région de l'
eau, il faut méditer sur le
dieu Narayana, aux quatre bras et à la tête couronnée, comme ayant la
couleur du pur cristal, comme vêtu de tissu orange, comme incorruptible...
De l'anus au cur, c'est, dit-on, la région de
feu. Le
feu est de forme triangulaire, de
couleur rouge ; sa bija ou semence est la lettre
Ra. Faisant, par la région du
feu, monter le souffle, qu'a fait resplendir la lettre
Ra, il faut méditer sur Roudra, aux trois yeux, qui exauce tous
les vux, qui est de la
couleur du
soleil à midi, dont le
corps entier porte les marques de cendres saintes, et dont le contentement
anime le visage...
Du cur à l'intervalle entre les sourcils, se trouve,
dit-on, la région de l'
air. L'
air est de forme hexagonale ; de
couleur noire, il brille avec la lettre
Ya. Faisant passer le souffle par la région de l'
air, il faut méditer sur Ishvara, l'omniscient, comme présentant des visages de tous côtés...
Du centre des sourcils au sommet de la tête, c'est, déclare-t-on, la région de l'éther ; elle est de forme circulaire, de
couleur fumeuse, et brille avec la lettre
Ha. Elevant le souffle dans la
région de l'éther, il faut méditer sur Sadâshiva de la manière suivante comme créant le bonheur, comme offrant la forme de hindou (une goutte), comme le Grand Déva, comme ayant la forme de l'éther, comme brillant de l'éclat du pur cristal, comme portant sur sa tête le
croissant de la
lune naissante, comme ayant cinq visages, dix têtes et trois yeux, comme offrant une contenance agréable, comme porteur de toutes les armes, comme couvert de tous les ornements, comme ayant dans une moitié de son
corps la déesse Ouma, comme disposé à accorder des faveurs et comme la cause de toutes les causes. »
Ce texte confirme jusqu'à un certain point l'idée par nous suggérée, que dans certains cas les principes sur lesquels nous sommes appelés à méditer s'appliquent à telles régions du
corps pour des raisons purement
mnémoniques et sans intention arrêtée d'affecter ces régions.
Les nuds
Au centre du lotus cardiaque est figuré un trikona ou
triangle inverti ; ceci ne caractérise pas tous les centres mais seulement les
chakras racine, cardiaque et frontal. Ceux-ci présentent trois
granthis ou nds spéciaux, à travers lesquels Koundalini, au cours de son voyage, doit s'ouvrir un passage. Le premier est quelquefois nommé le nd de
Brahmâ, le second celui de
Vishnou, le troisième celui de Shiva. Ce
symbolisme semble offrir l'idée que le percement de ces
chakras entraîne d'une certaine façon un changement d'état spécial, peut-être le passage de la personnalité au soi supérieur, puis de celui-ci à la
Monade régions sur lesquelles, pourrait-on dire, règnent ces Aspects. Pourtant cela ne peut être exact que d'une manière
subordonnée ou secondaire, car nous avons observé que le
chakra cardiaque reçoit des impressions de l'astral supérieur, que le centre de la gorge les reçoit du mental, et ainsi de suite. Dans chaque
triangle, la divinité est représentée comme un linga, ou instrument d'union. Le Jîvâtma
(littéralement "soi vivant") dirigé verticalement "comme la
flamme d'une lampe" est l'ego, représenté comme une
flamme non vacillante, probablement parce qu'il n'est pas, comme la personnalité, affecté par les accidents de la vie matérielle.
Le lotus cardiaque secondaire
Le deuxième petit lotus représenté juste au-dessous du
chakra cardiaque caractérise également ce centre d'une manière spéciale. C'est là que se pratique la méditation soit sur la forme du
gourou, soit sur l'Aspect de la Divinité vers lequel l'adorateur se trouve particulièrement attiré ou bien qui lui est assigné. Ici le dévot se représente une île en pierres précieuses contenant de beaux
arbres et un
autel pour les adorateurs ; en voici la description dans le
Gheranda Samhitâ :
laquo; Que pour lui une mer de nectar se trouve en son cur ; qu'au milieu de cette mer, il y ait une île en pierres précieuses, dont le sable même est formé de
diamants et de
rubis pulvérisés ; que de tous côtés s'y élèvent des
arbres Kadamba, chargés de
fleurs odorantes ; que, près de ces
arbres, se dresse, comme un rempart, une rangée d'
arbres fleuris, tels que mâlatî, mallikà, jâtî, kesara, champaka, pârijâta et padma, et que le parfum de ces
fleurs se propage partout, dans toutes les régions. Au milieu du
jardin, que le
Yogi se représente un bel
arbre Kalpa, ayant quatre branches représentant les quatre Védas, et chargé de
fleurs et de
fruits. Les insectes y bourdonnent ; les coucous y chantent. Sous cet
arbre, qu'il se représente une riche estrade, formée de pierres précieuses et portant un trône somptueux, incrusté de gemmes, et, assise sur ce trône, sa Divinité spéciale, suivant les instructions de son
gourou. Qu'il contemple la forme appropriée, les ornements et le véhicule de cette Divinité
(4). »
Pour créer ce beau tableau, l'adorateur met en
jeu son
imagination avec une telle intensité qu'il s'enveloppe de sa pensée et, sur le moment, oublie tout à fait le monde extérieur. Cette méthode n'est cependant pas entièrement imaginative, car c'est là un moyen pour rester sans cesse en contact avec le Maître. Comme les egos animent les portraits créés par les défunts dans le monde céleste, de même
le Maître remplit de Sa présence réelle la forme-pensée créée par
Son élève. Par l'intermédiaire de cette
forme une inspiration et parfois un enseignement véritables peuvent être donnés. Un exemple intéressant nous en fut donné par un vieux
monsieur Hindou, habitant comme
yogi un village de la présidence de Madras, et se disant élève du
Maître Morya. Le Maître, au cours d'un voyage dans l'Inde méridionale, quarante-cinq ans auparavant, ayant visité le village où demeurait le
yogi, ce dernier devint
Son élève. Le Maître repartit, « mais, dit le
yogi, je ne Le perds pas pour cela, car Il
m'apparaît fréquemment et m'instruit par un de mes centres intérieurs ».
Les Hindous insistent beaucoup sur la nécessité d'avoir un
gourou (Maître) et quand ils L'ont trouvé, Lui témoignent un extrême respect ; ils ne se lassent pas de répéter qu'Il doit être considéré comme divin. Le
Tejobindu
Upanishad dit : « La dernière limite de toutes les pensées est le
gourou. » Ils maintiennent que, si l'on fixe la pensée sur les glorieuses qualités de l'Etre Divin, l'imagination reste incapable de s'élever jusqu'aux perfections du Maître. Nous qui connaissons bien les Maîtres, nous savons que cela est vrai ; Leurs élèves découvrent dans Leur conscience des
altitudes dont la splendeur et la gloire dépassent toute imagination ; non pas qu'ils considèrent le Maître comme égal à
Dieu, mais le degré de divinité atteint par le Maître réduit à néant l'idée qu'ils s'en étaient faite.
Effets de la méditation sur le cur
Le
Shiva Samhita décrit en ces termes les avantages conférés au
yogi par la méditation sur le centre cardiaque :
« Il obtient le savoir illimité, connaît le passé, le présent et l'avenir ; il possède la clairaudience, la clairvoyance et peut, quand il le veut, marcher dans les airs.
Il voit les
adeptes et les déesses appelées Yoginîs ; il obtient le pouvoir connu sous le nom de Khecharî, et maîtrise les êtres qui se meuvent dans l'espace.
Celui qui, chaque
jour, fixe sa contemplation sur le
Bânalinga caché obtient, à coup sûr, les facultés psychiques appelées
Khechari (celle de se mouvoir dans les airs) et Bhouchari (celle de se rendre à volonté dans tous les lieux du monde)
(5). »
Inutile de commenter ces descriptions poétiques des divers pouvoirs ; l'étudiant sait lire entre les lignes ; pourtant le sens littéral lui-même peut présenter certaines vérités, car bien des merveilles se voient aux Indes facultés mystérieuses des hommes qui marchent dans le
feu, ou pouvoirs hypnotiques absolument extraordinaires dont font preuve ceux qui accomplissent le tour dit "de la corde" et autres semblables.
Koundalini
Les
yogis hindous pour lesquels furent écrits les ouvrages
qui nous sont parvenus ne s'intéressaient pas particulièrement à la physiologie et à l'anatomie du
corps, mais ils avaient pour objectif de pratiquer la méditation et d'éveiller Koundalini pour élever la conscience et atteindre des plans supérieurs. C'est peut-être pour cette raison que les ouvrages sanscrits mentionnent peu ou même pas du tout les
chakras superficiels, mais beaucoup au contraire les centres dans l'épine dorsale et la manière dont Koundalini les traverse.
Koundalini est décrite comme une dévi ou déesse, brillante comme l'éclair, endormie dans le chakra-racine, enroulée trois fois et demie comme un
serpent, autour du
svayambhou linga qui s'y trouve et, de sa tête, barrant l'entrée du soushoumna. Il n'est pas dit que la couche extérieure de cette
force est active en chaque homme, mais le fait est indiqué par cette phrase : en dormant « elle maintient tous les êtres qui respirent »
(6). Dans les
corps humains, elle est, dit-on, le
Shabda-Brahman.
Shabda signifie parole ou son ; il s'agit par conséquent du Troisième Aspect du Logos. Dans la création du monde, ce son, est-il encore dit, a été proféré en quatre fois. Nous ne serons probablement pas éloignés de la vérité en associant à ces quatre périodes nos idées occidentales concernant les trois états nommés le
corps, l'
âme et l'
esprit, plus un quatrième qui est l'union avec l'Etre Divin ou Esprit-total.
Eveil de Koundalini
L'objectif des
yogis est d'éveiller la partie endormie de Koundalini, puis de l'élever graduellement dans le canal de soushoumna. Pour cela, différentes méthodes sont prescrites, y compris l'emploi de la volonté, certaines façons de respirer, enfin des postures et des mouvements divers. Le
Shiva Samhitâ
décrit dix moudras qu'il affirme les plus avantageux ; la plupart exigent simultanément tous ces efforts. En parlant, dans son ouvrage de l'effet produit par une de ces méthodes, Avalon décrit ainsi l'éveil des couches internes de Koundalini :
« Dans le
corps, la
chaleur devient alors très forte et Koundalini, la sentant, se réveille, tout comme un
serpent qui, frappé d'un coup de bâton, siffle et se dresse. Puis elle s'engage dans le Soushoumna
(7). »
Il y a, dit-on, des cas où Koundalini a été réveillée non seulement par la volonté, mais aussi par un accident coup ou pression physique. L'un de nos conférenciers théosophes m'a dit récemment qu'il en avait rencontré un exemple au cours d'une tournée au Canada. Une
dame tout à fait
ignorante de ces choses, fit
une chute dans l'escalier de sa cave ; elle demeura quelque temps sans connaissance et, à son réveil, se trouva clairvoyante, capable de lire les pensées passant dans le sommeil d'autrui et de voir ce qui se passait dans toutes les pièces de la maison. Depuis lors elle a conservé cette faculté. Nous pensons que, dans le cas rapporté, cette
dame a dû recevoir un choc à la base de la colonne vertébrale au point précis et de la nature précise nécessaires pour déterminer par ébranlement l'activité partielle de Koundalini ; il se peut encore, bien entendu, qu'un autre centre ait été, de la sorte, artificiellement stimulé.
Les livres recommandent parfois la méditation sur les
chakras sans éveil préalable de Koundalini ; ainsi, dans les vers suivants du
Garouda Pourâna :
« Moulâdhâra, Svâdhishthâna, Manipouraka, Anàhatam, Vishouddhi et aussi Ajnâ sont nommés les six
chakras.
Méditer successivement, dans les
chakras, sur Ganesa, sur Vidhi (
Brahmâ), sur
Vishnou, sur Siva, sur Jiva, sur
Gourou et sur Parambrahman
omniprésent.
Après avoir mentalement adoré dans tous ces
chakras, sans flottement de la pensée, répéter l'Ajapâ-Gâyatrî conformément aux ordres de l'Instructeur.
Méditer sur le Randhra, au lotus inverti formé de mille pétales, sur le bienheureux Instructeur à l'intérieur du Hamsa dont la main, semblable au lotus, délivre de la crainte.
Imaginer le
corps lavé dans le nectar découlant de Ses pieds. Après avoir vénéré de la quintuple manière, se prosterner en chantant ses louanges.
Puis, en méditant sur la Koundalini, la voir s'élever et descendre, en passant par les six
chakras placés dans trois replis et demi.
Méditer ensuite sur l'endroit nommé Soushomna, qui sort du Randhra : Voilà comment l'on atteint l'état supérieur de
Vishnou (8). »
La montée de Koundalini
Les ouvrages expliquent moins qu'ils ne donnent à entendre
ce qui arrive quand Koundalini s'élève dans le canal à travers le soushoumna. Ils désignent l'épine dorsale comme Meroudanda, la verge de Merou, « axe central de la création » probablement la création du
corps. Elle renferme, disent-ils, le canal appelé Vajrinî ; ce dernier enfin en contient un troisième appelé Chitrinî, qui est « aussi ténu qu'un fil d'araignée » ; les
chakras sont enfilés sur lui « comme les nuds sur un bambou ».
Koundalini s'élève peu à peu dans Chitrinî sous l'
influence de la volonté mise en
jeu par le
yogi pendant la méditation. Dans tel effort il se puisse qu'elle progresse peu, mais dans le suivant elle avance davantage, et ainsi de suite. En atteignant un des
chakras ou lotus
elle le perce et la
fleur qui auparavant penchait la tête, la relève. Après la méditation, l'aspirant fait revenir Koundalini, par le même chemin, dans le Moulâdhâra ; mais dans certains cas, elle n'est ramenée que jusqu'au
chakra cardiaque, et là elle pénètre dans celui qui est nommé sa
chambre (9). Plusieurs des ouvrages disent que Koundalini réside dans le
chakra ombilical. Chez les personnes ordinaires nous n'avons jamais constaté qu'elle s'y trouvât, mais peut-être cette déclaration s'applique-t-elle à celles qui l'ont déjà réveillée et possèdent ainsi, dans le centre en question, un dépôt laissé par le feu-serpent.
Koundalini, est-il expliqué, en pénétrant dans chacun des
chakras et en le quittant ensuite, au cours de son ascension, dans le genre de méditation ci-dessus décrit, Koundalini ramène à l'état latent (d'où le mot
laya) les fonctions psychologiques de ce centre. Dans le
chakra où elle pénètre se produit une grande
exaltation de la vie, mais, ayant pour but le
chakra le plus élevé, elle continue à monter jusqu'à ce qu'elle atteigne le centre supérieur,
le lotus Sahasrâra. Là, suivant le
symbolisme hindou, elle jouit de l'union avec son seigneur, Paramashiva. En revenant en arrière elle rend à chacun des centres ses facultés spécifiques, mais très développées.
Tout cela est la description d'une transe partielle que doit nécessairement subir une personne plongée dans une méditation profonde, car en concentrant toute notre attention sur un sujet transcendant, nous cessons pour un temps d'enregistrer les sons et les objets divers dont les vibrations nous
entourent et nous impressionnent. Suivant Avalon, il faut généralement compter, à partir du commencement des exercices en question, plusieurs années pour amener Koundalini dans le Sahasrâra, bien que, dans des cas exceptionnels, ce soit possible assez rapidement. L'exercice donne la facilité, si bien qu'un
expert est supposé pouvoir élever et faire descendre la Shakti en moins d'une heure ; rien ne s'oppose naturellement à ce qu'il demeure
dans le centre coronal aussi longtemps qu'il le désire.
D'après certains auteurs, lorsque Koundalini s'élève dans le
corps, la région qu'elle a dépassée se refroidit. Il s'agit là, sans doute, de pratiques spéciales entraînant pour le
yogi un état de transe prolongé, et non de l'emploi ordinaire de cette énergie. Dans
La Doctrine
Secrète, Mme Blavatsky cite le cas d'un
yogi trouvé dans une île aux environs de Calcutta et dont les membres avaient fini par être enlacés par des racines d'
arbres. On l'en délivra, dit-elle encore, mais en essayant de le réveiller on lui infligea de tels sévices qu'il en mourut. Elle cite aussi un
yogi, dans le voisinage d'Allahabad, qui pour des raisons personnelles sans doute bien déterminées vécut assis sur une
pierre pendant cinquante-trois ans. Ses chélas ou
disciples le lavaient tous les soirs dans le
fleuve, puis le remettaient à sa place ; au cours de la journée il redevenait parfois conscient, alors il parlait et enseignait
(10).
Le but de Koundalini
Les vers qui terminent le Shatchakra Niroupana décrivent
admirablement la manière dont Koundalini achève son parcours :
« La Dévi qui est Shouddha-Sattva perce les trois Lingas et ayant atteint tous les lotus appelés lotus du Brahmanâdi, brille en eux de tout son éclat. Puis, dans son état subtil, resplendissante comme
l'éclair et fine comme la fibre de lotus, elle va jusqu'à Shiva, suivant, comme une
flamme, le Bonheur suprême, et tout d'un coup donne les joies de la libération.
La belle Koundalini boit l'excellent nectar rouge qui procède de Para Shiva et de là, où resplendit dans toute sa gloire l'Eternelle et Transcendante
Béatitude, revient en arrière par la voie de Koula et rentre dans le Moulâdhâra. Le
yogi qui est parvenu à l'
équilibre mental présente en
oblation (Tarpana) à l'Ishla-devata et aux Devatas, dans
les six
chakras, Dakini et les autres, ce ruisseau de nectar céleste contenu dans le vaisseau de
Brahmanda, dont il a pu acquérir la connaissance grâce à la tradition des
Gourous.
Si le
Yogi, vénérant les pieds, pareils au lotus,
de son
Gourou, gardant le cur paisible et le mental concentré,
lit cet écrit qui est la source suprême de la connaissance relative à la
Libération, s'il est sans péché, pur et très secret, alors en vérité sa pensée dansera aux Pieds de son Ishta-devata
(11). »
Conclusion
Comme nous, les Hindous maintiennent que les résultats du
Laya-Yoga peuvent être obtenus par les méthodes de tous les systèmes de
yoga. Dans les sept écoles de l'Inde et parmi les étudiants occidentaux, tout homme qui sait comprendre vise le but suprême des efforts humains, la
liberté supérieure à la libération, parce qu'elle inclut non seulement l'union avec
Dieu dans des séjours dépassant la manifestation terrestre, mais encore sur chaque plan les pouvoirs qui font de l'homme un Adhikârî Pourousha, un fonctionnaire ou travailleur au service de l'Etre Divin, dans l'uvre qui consiste à élever les millions d'êtres
constituant l'humanité souffrante vers la gloire et la félicité qui nous attendent tous.
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(1) The Serpent Power, par Arthur Avalon. 2ème édition. Texte p. 64.
(2) Op. cit., VII, 3 et 4 (Trad. Kamensky).
(3) Op. cit., pp. 2 et suiv.
(4) Op. cit., VI, 2-8., Sris Chandra Vidyârnava.
(5) Shiva Samhitâ V, 86-88.
(6) The Serpent Power, p. 120.
(7) Ibid., p. 213.
(8) Op. cit., XV, 72, 76, 83, 87.
(9) Voyez
La Voix du Silence, fragment 1.
(10) Op. cit., vol. VI, p. 288
(11) Op. cit., V, 51, 53, 55.