Biographie universelle ancienne et moderne Louis VII naquit en 1120, fut élevé dans le cloître de Notre-Dame de
Paris, et surnommé
le Jeune,
le Pieux et
Flores, c'est-à-dire fleuri (
florus). Il succéda à Louis VI, son père, le 1er août 1137. Il était à
Poitiers, où il célébrait par des fêtes brillantes son
mariage avec Eléonore de Guyenne, et son couronnement comme
duc d'
Aquitaine, lorsqu'il apprit la mort de
Louis le Gros. Il remit son
épouse aux soins de l'
évêque
de
Chartres, et se rendit à
Paris afin de prévenir les
séditions,
d'autant plus à craindre à chaque changement de règne, que la
couronne n'était pas encore regardée comme héréditaire et que l'obéissance était loin des murs de la nation. En effet, comme, en passant à
Orléans, il voulut donner quelques ordres, les bourgeois prétendirent que ces ordres violaient leurs privilèges, et se révoltèrent ; ainsi les communes étaient à peine formées, que déjà elles luttaient contre l'autorité royale. Dès qu'il fut arrivé à
Paris, Louis convoqua une assemblée de seigneurs et d'
évêques pour délibérer avec eux sur les besoins de l'Etat, et il prit les rênes du gouvernement sans se faire sacrer de nouveau, suivant l'usage reçu jusqu'alors ; ce qui ne choqua point sans doute, parce que du vivant de son père il avait été sacré par le
pape Innocent II. Il fut couronné à
Bourges, quatre mois après son avènement au trône.
En 1142, il fit une expédition contre le comté de
Toulouse, dont il chercha vainement à s'emparer comme
duc d'
Aquitaine. Les troubles qui régnaient en Angleterre et en Allemagne assuraient la tranquillité de la France ; mais il était dans la destinée des souverains, à cette époque, d'être agités par les papes lorsqu'ils ne l'étaient point par les
grands vassaux, et les sujets de contestation se présentaient d'autant plus facilement que rien n'était
réglé ni par les lois ni par les coutumes. L'élection pour
l'archévéché de
Bourges s'étant faite sans prendre le consentement du roi, Louis ordonna aux
chanoines de procéder à une élection nouvelle ; le pape soutint l'
archevêque élu et se permit de dire que Louis VII
était un jeune prince qu'il fallait instruire, et ne pas accoutumer à se donner la liberté de se mêler ainsi des affaires ecclésiastiques. Le roi, qui ne voulut point abandonner ses droits, fut excommunié, et son domaine fut mis en interdit. Le
prélat, chassé de son siège, se retira auprès du comte de
Champagne, Thibaut, homme doux mais ambitieux, d'une politique astucieuse, et qui fut plus d'une fois l'instrument dont les
pontifes romains se servirent contre d'autres souverains. Ce seigneur appuyait alors les plaintes de la comtesse de
Vermandois, sa cousine, que son
époux, ministre et favori de Louis VII, avait répudiée, et il avait décidé le pape à excommunier le comte de
Vermandois. Louis, irrité de toutes ces contrariétés, fond sur la
Champagne, à la tête d'une armée, et il oblige Thibaut à demander lui-même au
pontife de lever l'
excommunication fulminée contre son ministre, ainsi que l'interdit mis sur ses propres domaines. Tout paraissait arrangé et le roi avait congédié son armée, lorsque le pape lança de nouvelles foudres ; dès lors tout ce qui avait été fait ne dut plus paraître à Louis qu'un
jeu de son
artificieux ennemi. Il reprend aussitôt les armes, et porte encore une fois le ravage dans les Etats du comte de
Champagne. Ce fut dans cette occasion que, se livrant au plus funeste emportement, ce jeune monarque fit mettre le
feu à l'
église de Vitry, où treize cents personnes qui s'y étaient réfugiées périrent dans les
flammes. La colère de Louis ne put tenir contre ce spectacle ; sa piété,
justement alarmée d'une vengeance aussi terrible, lui persuada qu'il n'en obtiendrait le pardon qu'en allant au secours de la
Palestine, ou les chrétiens perdaient par leurs
divisions ce qu'ils avaient acquis par leur courage.
Cette
croisade, dans laquelle entra Conrad III, empereur d'Allemagne, fut prêchée par saint
Bernard, auquel on offrit le titre de généralissime de l'armée ; tant était grande la prévention en sa faveur. Il avait trop d'
esprit pour accepter ; et cette seconde entreprise eut, comme la première et toutes celles qui suivirent, le grand inconvénient de n'être pas conduite par un chef suprême ; condition sans laquelle toute conquête durable devient impossible. L'abbé Suger, quoiqu'il eût été choisi pour régent du royaume avec Raoul, comte de
Vermandois, s'opposa de tout son pouvoir au départ de Louis ; mais l'
esprit du siècle fut plus fort que les conseils d'un sage ministre ; et le nombre des
croisés s'éleva si haut qu'il en résulta pour l'
Europe une paix générale. La trahison des Grecs (Voyez
Manuel Comnène), le défaut d'ensemble et de subordination, l'
ignorance générale des chrétiens sur les contrées qu'ils devaient traverser, firent périr l'armée de l'empereur. Louis VII s'avança au travers de l'Asie Mineure avec la sienne, battit les Sarrasins au passage du Méandre, se laissa surprendre ensuite par l'
ennemi, resta presque seul sur le champ de bataille, où il se défendit contre plusieurs soldats
musulmans, et ne rejoignit son avant-garde qu'à la faveur des ténèbres
(1). Les attaques journalières des Turcs, le froid, la faim, la perfidie des Grecs, achevèrent de détruire l'armée de Louis VII, qui arriva dans Antioche avec un petit nombre de soldats le 19 mars 1148. Il entreprit sans succès le siège de Damas, et environ un an après il s'embarqua à
St-Jean d'Acre dans les premiers
jours de
juillet 1149, relâcha en
Calabre le 29
juillet, puis à Rome, où il passa quelques semaines près du pape Eugène III, qui dissipa les préventions qu'on avait inspirées au monarque sur Suger.
Il aborda enfin dans le courant d'
octobre à
Saint-Gilles avec une suite composée de deux ou trois cents chevaliers. Il était sorti de
Metz pour la
croisade, vingt-huit mois auparavant, à la tête de plus de 150.000
pèlerins. La reine Eléonore, qui avait accompagné Louis,
donna pendant cette longue et pénible expédition beaucoup de sujets
de mécontentement à ce prince ; elle se plaignait hautement d'avoir
trouvé en lui
un moine, et non pas un époux. Elle fut soupçonnée
d'avoir pris de l'
amour pour Raimond d'Antioche, et même pour un jeune Turc
nommé Saladin. Le roi crut devoir la répudier à son retour
; et le prétexte banal de parenté servit à motiver le divorce.
N'ayant d'elle que deux filles, il lui rendit la Guyenne, qu'elle apporta six
semaines après en dot à Henri II,
duc de Normandie, qui fut plus
tard roi d'Angleterre. Après la mort de Suger, le divorce fut prononcé
le 18 mars 1152, par un
concile, à
Beaugency, en présence de la
reine, qui fut renvoyée à l'instant même. Louis a été
blâmé de la plupart des
historiens pour s'être séparé
d'Eléonore ; il est certain que, par le nouveau
mariage qu'elle contracta,
les rois d'Angleterre virent leurs possessions en France s'accroître à
tel point qu'elles cernaient de toutes parts les domaines du roi ; mais dans les
choses qui tiennent de si près à l'honneur, il n'est facile qu'à
ceux qui sont tout à fait désintéressés de n'écouter
que la politique. Suger eut raison de s'opposer au divorce ; le roi n'eut peut-être
pas tort de se séparer d'une femme qui le méprisait ; il ne pouvait
la renvoyer sans lui rendre sa dot, car aussitôt tous les
grands vassaux
se seraient armés pour l'amener à cet acte de justice. Cependant
l'acquisition de la Guyenne et du
Poitou ne fut pas si favorable aux rois d'Angleterre
qu'on a l'habitude de le répéter ; dès qu'ils furent assez
puissants pour se faire redouter des seigneurs français, ceux-ci furent
plus dévoués à leur roi ; c'est ce qui explique pourquoi
Louis VII et
Philippe-Auguste, son fils, résistèrent plus aux monarques
anglais qu'aucun de leurs prédécesseurs.
En 1155, Louis épousa Constance, fille d'Alphonse,
roi de
Léon et de Castille ; cette princesse perdit la vie au mois de septembre
1160, en accouchant d'une fille ; c'était la quatrième que le roi
avait de ses deux femmes. Il était sans héritier ; l'inquiétude
devint si grande dans sa cour qu'il se décida dès le mois suivant
à
épouser Adélaïde, fille de Thibaut, comte de
Champagne,
qui était mort son
ennemi ; cette alliance lui acquit les services d'une
famille puissante. Ce ne fut que cinq ans après, en août 1165, que
la reine accoucha d'un fils, qui reçut le nom de Philippe, et le surnom
de
Dieudonné, parce qu'on crut l'avoir obtenu du
ciel par des prières et des aumônes ; ses hauts faits lui ont acquis dans la postérité le titre d'
Auguste.
Henry II, roi d'Angleterre, était actif, ambitieux, plus politique qu'aucun prince de son siècle ; il avait trop d'intérêts à démêler avec le roi de France pour que la guerre n'éclatât pas souvent entre eux ; dans l'impossibilité de conclure la paix et de continuer les hostilités, on fit des trêves, dont le plus léger mécontentement provoqua la rupture ; mais, malgré ses talents et sa puissance, Henry ne remporta aucun avantage décisif, et plusieurs fois il fut obligé de s'humilier et de se reconnaître
vassal du roi de France. En 1158, le monarque anglais vint à
Paris, où Louis, voulant le recevoir le plus dignement qu'il lui était possible, lui céda son palais et alla loger lui-même au cloître Notre-Dame. Quatre ans plus tard, ces deux princes, qui vivaient encore en bonne intelligence, se rendirent ensemble jusqu'à Touci-sur-Loire, au-devant du pape Alexandre III, que les deux monarques conduisirent à sa tente, marchant à côté de lui et tenant à droite et à gauche la bride de son
cheval. Louis, qui avait eu tant à se plaindre des prétentions exagérées des ecclésiastiques, soutint contre le roi d'Angleterre Thomas Becket,
archevêque de
Cantorbéry, homme étonnant par la fermeté de son caractère, et qui fut le fléau de Henry. Lorsque ce prince vit ses
enfants et sa femme Eléonore d'
Aquitaine révoltés contre lui, il attribua ses malheurs à la conduite qu'il avait tenue avec Becket, et alla lui-même, en habit de pénitent, pleurer sur le tombeau de l'
archevêque (2). Louis VII secondait les fils de Henry, suivant en cela la politique des rois de France ; mais il avait un motif personnel pour soutenir Richard, l'un d'eux, qui devait
épouser sa fille
Alix, depuis longtemps en Angleterre. Henry promettait toujours de terminer ce
mariage, et le retardait sans cesse, parce qu'étant amoureux d'
Alix, il avait abusé de sa
jeunesse pour la séduire ; et l'on présume avec raison que cette intrigue fut la cause de l'ardeur avec laquelle Eléonore soutint la révolte de ses
enfants contre leur père.
Louis VII mourut à
Paris le 18 septembre 1180, à
l'âge de 60 ans, dans la 44ème année de son règne. Il était tombé en paralysie dès l'année précédente, en revenant d'Angleterre, où il était allé prier sur le tombeau de saint Thomas de
Cantorbéry, pour obtenir la guérison de son fils Philippe, dangereusement malade ; il ne fut pas plus se six
jours hors de France, et à son retour, ayant trouvé le jeune prince entièrement rétabli, il se hâta de le faire couronner et le maria quelques
jours après avec Isabelle, fille du comte de Hainaut. Quoique Philippe n'eût alors que quatorze ans, il gouverna pendant la vie de son père, et déploya tant de vigueur contre quelques
vassaux qui croyaient le moment favorable pour se révolter, qu'il fut dès lors facile de prévoir ce qu'on
devait attendre de lui.
Louis VII a laissé la réputation d'un prince juste, libéral, brave de sa personne, mais simple dans sa conduite, et incapable de suivre les entreprises auxquelles il se livrait volontiers ; sa piété fut d'autant plus respectable, qu'elle ne l'empêcha point de défendre les droits du trône contre les usurpations des papes, et qu'elle arrêta la violence de son caractère, violence extrême, si l'on en
juge par les premiers actes de son gouvernement. Il s'acquittait avec beaucoup d'exactitude de ses devoirs de
religion, et passait une grande partie de son temps à l'
église. Lorsque Becket vint en France, le monarque dit aux députés que le
prélat lui adressa : « Il est bien étonnant que le roi d'Angleterre ait oublié ces paroles du
Psalmiste : «
Mettez-vous en colère et ne pêchez pas. Sire, lui répondit un des députés : il s'en serait peut-être souvenu s'il l'avait ouï chanter à l'office aussi souvent que Votre Majesté. »
Un trait de sa vie mérite d'être conservé, et le fait mieux connaître que tous les
jugements portés par les
historiens. Quand l'armée française eut été défaite par les Sarrasins, non seulement il prodigua ses trésors aux commandants et aux soldats qui avaient tout perdu ; mais sentant le besoin d'un chef unique, il assembla les seigneurs, leur fit la proposition d'en élire un, et ajouta : « Moi-même, je serai le premier à donner l'exemple de l'obéissance, et je prendrai sans répugnance le poste qu'on m'assignera. » L'armée nomma Gilbert, simple gentilhomme ; et Louis obéit, ainsi qu'il s'y était engagé, quoiqu'il ne le cédât en bravoure à aucun de ses
compagnons.
Il fut enterré à l'abbave de Barbeaux, près de
Melun. En 1566, Charles IX fit ouvrir son tombeau ; le
corps était conservé ; il avait des anneaux d'or aux doigts, et au cou une chaîne d'or, dont le monarque et les princes qui étaient présents s'emparèrent pour les porter en son honneur. Le 1er
juillet 1817, les cendres de Louis VII ont été transportées de l'
abbaye de Barbeaux, où elles étaient encore, à l'
abbaye de St-Denis. Le nombre des villes affranchies ou communes augmenta sous son règne, et la
royauté s'agrandit de la diminution de la servitude ; car, moins il y avait de serfs des seigneurs, plus on comptait de sujets directs du roi. Pour diminuer le nombre des filles publiques, il défendit qu'elles portassent des ceintures dorées, comme le faisaient les femmes honnêtes ; ce qui a donné lieu au proverbe :
Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée.
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(1) Dans cet extrême danger, Louis s'adossa contre un gros
arbre, et il repoussa les
musulmans avec tant de vivacité, qu'il eut le temps d'y monter. Les barbares lui lancèrent alors un grand nombre de
flèches, mais il n'en fut pas atteint, à cause de la
force de son armure ; et il coupa avec son sabre les bras et la tête de ceux qui tentèrent de monter après lui. Enfin, ne le connaissant pas, ils s'éloignèrent en admirant son courage. Le prince descendit alors, monta sur un
cheval abandonné et, après avoir erré quelque temps dans les ténèbres, rejoignit son avant-garde.
(2) Voyez, sur l'entrevue de Henry II et de Thomas Becket, qui eut lieu en présence de Louis VII, Bibliothèque de l'école des chartes, série 1, t. 4, p. 231.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 25 - Pages 159-161)