LIVRE II
KRISHNA L'INDE ET L'INITIATION BRAHMANIQUE
V INITIATION
Cependant, le roi Kansa, ayant appris que sa sur Dévaki avait vécu chez les anachorètes et n'ayant pu la découvrir, se mit à les persécuter et à les chasser comme des bêtes fauves. Ils durent se réfugier dans la partie la plus reculée et la plus sauvage de la forêt. Alors leur chef, le vieux Vasichta, quoique âgé de cent ans, se mit en route pour parler au roi de Madoura. Les gardes virent, avec étonnement un vieillard aveugle, guidé par une gazelle qu'il tenait en laisse, apparaître aux portes du palais. Frappés de respect pour le rishi, ils le laissèrent passer. Vasichta s'approcha du trône où Kansa était assis à côté de Nysoumba et lui dit :
Kansa, roi de Madoura, malheur à toi, fils du Taureau qui persécutes les solitaires de la
forêt sainte ! Malheur à toi, fille du
Serpent qui lui souffles la haine. Le
jour de vôtre châtiment approche. Sachez que le fils de Dévaki est vivant. Il viendra couvert d'une armure d'écailles infrangibles, et il te chassera de ton trône dans l'
ignominie. Maintenant, tremblez et vivez dans la peur ; c'est le châtiment, que les Dévas vous assignent.
Les guerriers, les gardes, les serviteurs s'étaient prosternés devant le saint centenaire, qui ressortit, conduit par sa gazelle, sans que personne eût osé le
toucher. Mais, à partir de ce
jour, Kansa et Nysoumba songèrent aux moyens de faire périr secrètement le roi des
anachorètes. Dévaki était morte, et nul, hormis Vasichta, ne savait que
Krishna était son fils. Cependant, le bruit de ses exploits avait retenti aux oreilles du roi. Kansa pensa : « J'ai besoin d'un homme fort pour me défendre. Celui qui a tué le grand
serpent de Kalayéni n'aura pas peur de l'
anachorète. » Ayant pensé cela, Kansa fit dire au
patriarche Nanda : « Envoie-moi le jeune héros
Krishna pour que j'en fasse le conducteur de mon char et mon premier conseiller
(22). » Nanda fit part à
Krishna de l'ordre du roi, et
Krishna répondit : « J'irai. » A part lui il pensait : « Le roi de Madoura serait-il Celui qui ne change jamais ? Par lui je saurai où est ma mère. »
Kansa,
voyant la
force, l'adresse et l'intelligence de
Krishna, prit plaisir à lui et lui confia la garde de son royaume. Cependant, Nysoumba, en
voyant le héros du mont Mérou, tressaillit dans sa chair d'un désir impur, et son
esprit subtil trama un projet ténébreux à la lueur d'une pensée criminelle. A l'insu du roi, elle fit appeler le conducteur du char dans son
gynécée. Magicienne, elle possédait l'art de se rajeunir momentanément par des philtres puissants. Le fils de Dévaki trouva Nysoumba aux seins d'ébène presque nue sur un
lit de pourpre ; des anneaux d'or serraient ses chevilles et ses bras ; un
diadème de pierres précieuses étincelait sur sa tête. A ses pieds brûlait une cassolette de cuivre d'où s'échappait un nuage de parfums.
Krishna, dit la fille du roi des
serpents, ton front
est plus calme que la neige de l'Himavat et ton cur est comme la pointe
de la foudre. Dans ton innocence, tu resplendis au-dessus des rois de la terre.
Ici, personne ne t'a reconnu ; tu t'ignores toi-même. Moi seule je sais
qui tu es ; les Dévas ont fait de toi le maître des hommes ; moi
seule je puis faire de toi le maître du monde. Veux-tu ?
Si c'est Mahadéva qui parle par ta bouche, dit
Krishna d'un
air grave, tu me diras où est ma mère et où je trouverai le grand vieillard qui m'a parlé sous les cèdres du mont Mérou.
Ta mère ? dit Nysoumba avec un sourire dédaigneux, ce n'est certes pas moi qui te l'apprendrai ; quant à ton vieillard, je ne le connais pas. Insensé ! tu poursuis des songes et tu ne vois pas les trésors de la terre que je t'offre. Il y a des rois qui portent la
couronne et qui ne sont pas des rois. Il y a des fils de pâtres qui portent la
royauté sur leur front et qui ne connaissent pas leur
force. Tu es fort, tu es jeune, tu es beau ; les curs sont à toi. Tue le roi dans son sommeil et je mettrai la
couronne sur ta tête, et tu seras le maître du monde. Car je t'aime et tu m'es prédestiné. Je le veux, je l'ordonne !
En parlant ainsi, la reine s'était soulevée impérieuse, fascinante, terrible comme un beau
serpent. Dressée sur sa couche, elle lança de ses yeux noirs un jet de
flamme si sombre dans les yeux limpides de
Krishna, qu'il frémit épouvanté. Dans ce regard, l'enfer lui apparut. Il vit le
gouffre du temple de
Kali, déesse du Désir et de la Mort, et des
serpents qui s'y tordaient comme dans une agonie éternelle. Alors, soudainement, les yeux de
Krishna parurent comme deux
glaives. Ils transpercèrent la reine de part en part, et le héros du mont Mérou s'écria :
Je suis fidèle au roi qui m'a pris pour défenseur mais toi, sache que tu mourras !
Nysoumba poussa un cri perçant et roula sur sa couche en mordant la pourpre. Toute sa
jeunesse factice s'était évanouie ; elle était redevenue vielle et ridée.
Krishna, la laissant à sa colère, sortit.
Persécuté nuit et
jour par les paroles de l'
anachorète, le roi de Madoura dit à son conducteur de char :
Depuis que l'
ennemi a mis le pied dans mon palais, je ne dors plus en paix sur mon trône. Un magicien infernal du nom de Vasichta, qui vit dans une
forêt profonde, est venu me jeter sa malédiction. De puis, je ne respire plus ; le vieillard a empoisonné mes
jours. Mais avec toi qui ne crains rien, je ne le crains pas.
Viens avec moi dans la
forêt maudite. Un espion qui connaît tous les sentiers nous conduira jusqu'à lui. Dès que tu le verras, cours à lui et frappe-le sans qu'il ait pu dire une parole ou te lancer un regard. Quand il sera blessé mortellement, demande-lui où est le fils de ma sur, Dévaki, et quel est son nom. La paix de mon royaume dépend de ce mystère.
Sois tranquille, répondit
Krishna, je n'ai pas eu peur de Kalayéni ni du
serpent de
Kali. Qui pourrait me faire trembler maintenant ? Si puissant que soit cet homme, je saurai ce qu'il te cache.
Déguisés en chasseurs, le roi et son guide roulaient sur un char aux
chevaux fougueux, aux roues rapides. L'espion, qui avait exploré la
forêt, se tenait derrière eux. On était au début de la saison des
pluies. Les rivières s'enflaient, une végétation de plantes recouvrait les chemins, et la ligne blanche des cigognes se montrait sur le dos des nuées. Lorsqu'ils approchèrent de la
forêt sacrée, l'
horizon s'assombrit, le
soleil se voila, l'atmosphère se remplit d'une brume cuivrée. Du
ciel orageux, des nuages pendaient comme des trompes sur la chevelure effarée des
bois.
Pourquoi, dit
Krishna au roi, le
ciel s'est-il obscurci tout à coup et pourquoi la
forêt devient-elle si noire ?
Je le vois bien, dit le roi de Madoura, c'est Vasichta le méchant solitaire qui assombrit le
ciel et hérisse contre moi la
forêt maudite. Mais
Krishna, as-tu peur ?
Que le
ciel change de visage et la terre de
couleur, je n'ai pas peur !
Alors, avance !
Krishna fouetta les
chevaux, et le char entra sous l'ombre épaisse des baobabs. Il roula quelque temps d'une vitesse merveilleuse. Mais toujours plus sauvage et plus terrible devenait la
forêt. Des éclairs jaillirent ; le tonnerre gronda,
Jamais, dit
Krishna, je n'ai vu le
ciel si noir, ni les
arbres se tordre ainsi. Il est puissant ton magicien !
Krishna, tueur de
serpents, héros du mont Mérou, as-tu peur ?
Que la terre tremble et que le
ciel s'effondre, je n'ai pas peur !
Alors, poursuis !
De nouveau, le hardi conducteur fouetta les
chevaux et le char reprit sa course. Alors la tempête devint si effroyable que les
arbres
géants ployèrent. La
forêt secouée mugit comme du hurlement de mille démons. La foudre tomba à côté des voyageurs ; un baobab fracassé barra la route ; les
chevaux s'arrêtèrent et la terre trembla.
C'est donc un
dieu que ton
ennemi, dit
Krishna, puisque
Indra lui-même le protège ?
Nous touchons au but, dit l'espion du roi. Regarde cette allée de verdure. Au bout se trouve une cabane misérable. C'est là qu'habite Vasichta, le grand mouni, nourrissant les
oiseaux, redouté des fauves et défendu par une gazelle. Mais pas pour une
couronne, je ne ferai un pas de plus.
A ces mots, le roi de Madoura était devenu livide : « Il est là ? vraiment ? derrière ces
arbres ? » Et se cramponnant à
Krishna, il chuchota à voix basse, en tremblant de tous ses membres :
Vasichta ! Vasichta, qui médite ma mort, est là. Il me voit du fond de sa retraite... son il me poursuit... Délivre-moi de lui !
Oui, par Mahadéva dit
Krishna en descendant du char et en sautant par-dessus le tronc du baobab, je veux voir celui qui te fait trembler ainsi.
Le mouni centenaire Vasichta vivait depuis un an dans cette
cabane, cachée au plus profond de la
forêt sainte, en attendant la
mort. Avant la mort du
corps, il était délivré de la prison
du
corps. Ses yeux étaient éteints, mais il voyait par l'
âme.
Sa peau percevait à peine le chaud et le froid, mais son
esprit vivait
dans une unité parfaite avec l'
esprit souverain. Il ne voyait plus les
choses de ce monde qu'à travers la lumière de
Brahma, priant, méditant
sans cesse. Un
disciple fidèle parti de l'ermitage lui apportait tous les
jours les grains de riz dont il vivait. La gazelle qui broutait dans sa main l'avertissait
en bramant de l'approche des fauves. Alors il les éloignait en murmurant
un mantra et en étendant son bâton de bambou à sept nuds.
Quant aux hommes, quels qu'ils fussent, il les voyait venir par le regard intérieur,
à plusieurs
lieues de distance.
Krishna, marchant dans l'allée obscure, se trouva
tout à coup en face de Vasichta. Le roi des
anachorètes était
assis, les jambes croisées sur une natte, appuyé contre le poteau
de sa cabane, dans une paix profonde. De ses yeux d'aveugle sortait une scintillation
intérieure de
voyant. Dès qui
Krishna l'eut aperçu, il reconnut
« le vieillard sublime ! » Il sentit une commotion de
joie, le respect courba son
âme tout entière. Oubliant le roi, son
char et son royaume, il plia un genou devant le saint, et l'adora.
Vasichta semblait le voir. Car son
corps appuyé à la cabane se dressa par une légère
oscillation ; il étendit les deux bras pour bénir son hôte,
et ses lèvres murmurèrent la syllable sainte :
AUM (23).
Cependant le roi Kansa, n'entendant pas un cri et ne
voyant
pas revenir son conducteur, se glissa d'un pas furtif dans l'allée et resta
pétrifié d'étonnement en apercevant
Krishna agenouillé
devant le saint
anachorète. Celui-ci dirigea sur Kansa ses yeux d'aveugle,
et levant son bâton, il dit :
Ô roi de Madoura, tu viens pour me tuer ; salut
! Car tu vas me délivrer de la misère de ce
corps. Tu veux savoir
où est le fils de ta sur Dévaki, qui doit te détrôner.
Le voici courbé devant moi et devant Mahadéva, et c'est
Krishna,
ton propre conducteur ! Considère combien tu es insensé et maudit,
puisque ton
ennemi le plus redoutable est celui-là même. Tu me l'as
amené pour que je lui dise qu'il est l'
enfant prédestiné.
Tremble ! Tu es perdu, car ton
âme infernale va être la proie des
démons.
Kansa stupéfié écoutait. Il n'osait
regarder le vieillard en face ; blême de rage et
voyant Krishna toujours
à genoux, il prit son arc, et, le tendant de toute sa
force, décocha
une
flèche contre le fils de Dévaki. Mais le bras avait tremblé,
le trait dévia et la
flèche alla s'en foncer dans la poitrine de
Vasichta, qui, les bras en
croix, semblait l'attendre comme en extase.
Un cri partit, un cri terrible, non pas de la poitrine
du vieillard, mais de celle de
Krishna. Il avait entendu la
flèche vibrer
à son oreille, il l'avait dans la chair du saint... et il lui semblait
qu'elle s'était enfoncée dans son propre cur, tellement son
âme, à ce moment, s'était identifiée à celle
du rishi. Avec cette
flèche aigue, toute la douleur du monde transperça
l'
âme de
Krishna, la déchira jusqu'en ses profondeurs.
Cependant, Vasichta, la
flèche dans sa poitrine, sans
changer de posture, agitait encore les lèvres. Il murmura :
Fils de Mahadéva pourquoi pousser ce cri ?
Tuer est vain. La
flèche ne peut atteindre l'
âme, et la victime est
le vainqueur de l'assassin. Triomphe,
Krishna, le
destin s'accomplit : je retourne
à Celui qui ne change jamais. Que
Brahma reçoive mon
âme.
Mais toi, son élu, sauveur du monde, débout !
Krishna !
Krishna
!
Et
Krishna se dressa, la main à son
épée
; il voulut se retourner contre le roi. Mais Kansa s'était enfui.
Alors une lueur fendit le
ciel noir,
et
Krishna tomba à terre, foudroyé sous une lumière éclatante.
Tandis que son
corps restait insensible, son
âme, unie à celle du
vieillard par la puissance de la sympathie, monta dans les espaces. La terre avec
ses
fleuves, ses mers, ses continents, disparut comme une boule noire, et tous
deux s'élevèrent au septième
ciel des Dévas, vers
le Père des être, le
soleil des soleils, Mahadéva, l'intelligence
divine. Ils plongèrent dans un océan de lumière qui s'ouvrait
devant eux. Au centre de la
sphère,
Krishna vit Dévaki, sa mère
radieuse, sa mère glorifiée, qui d'un sourire
ineffable lui tendait
les bras, l'attirait sur son sein. Des milliers de Dévas venaient s'
abreuver dans le rayonnement de la Vierge-Mère comme en un foyer incandescent. Et
Krishna se sentit résorbé dans un regard d'
amour de Dévaki. Alors, du cur de la mère radieuse, son être rayonna à travers tous les cieux Il sentit qu'il était le Fils, l'
âme divine de tous les êtres, la Parole de vie, le Verbe créateur. Supérieur à la vie universelle, il la pénétrait cependant par l'
essence de la douleur, par le
feu de la prière et la félicité d'un divin sacrifice
(24).
Quand
Krishna revint à lui, le tonnerre roulait encore dans le
ciel, la
forêt était sombre et des torrents de
pluie tombaient sur la cabane. Une gazelle léchait le sang sur le
corps de l'
ascète transpercé. « Le vieillard sublime » n'était plus qu'un cadavre. Mais
Krishna se leva comme ressuscité. Un abîme le séparait du monde et de ses vaines apparences. Il avait vécu la grande vérité et compris sa mission.
Quant au roi Kansa, plein d'épouvante, il fuyait sur son char chassé par la tempête, et ses
chevaux se cabraient comme fouettés par mille démons.
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(22) Dans l'Inde ancienne, ces deux fonctions étaient souvent réunies. Les conducteurs de chars des rois étaient de grands personnages et souvent les ministres des monarques. Les exemples en fourmillent dans la
poésie indoue.
(23) Dans l'
initiation brahmanique, elle signifie : le
Dieu suprême, le Dieu-Esprit. Chacune de ses lettres correspond à une des facultés divines, populairement parlant, à une des personnes de la
Trinité.
(24) La
légende de
Krishna nous fait saisir à sa source même l'idée de la Vierge-Mère, de l'
Homme-Dieu et de la
Trinité. En Inde, cette idée apparaît dès l'origine dans son
symbolisme transparent, avec son profond sens métaphysique. Au livre V, ch. II, le
Vishnou-Pourana, après avoir raconté la
conception de
Krishna par Dévaki, ajoute : « Personne ne pouvait regarder Dévaki, à cause de la lumière qui l'enveloppait, et ceux qui contemplaient sa splendeur sentaient leur
esprit troublé ; les
dieux, invisibles aux mortels, célébraient continuellement ses louanges depuis que
Vishnou était renfermé en sa personne. Ils disaient : « Tu es cette Prakriti infinie et subtile qui porta jadis
Brahma en son sein ; tu fus ensuite la déesse de la Parole, l'énergie du Créateur de l'univers et la mère des Védas : Ô toi, être éternel, qui comprends en ta substance l'
essence de toutes les choses créées, tu étais identique avec la création, tu étais le sacrifice d'où procède tout ce que produit la terre ; tu es le
bois qui, par son frottement, engendre le
feu. Comme Aditi, tu es la mère des
dieux ; comme Diti, tu es celle des Datyas, leurs
ennemis. Tu es la lumière d'où naît le
jour, tu es l'humilité, mère de la véritable sagesse ; tu es la politique des rois, mère de l'ordre ; tu es le désir d'où naît l'
amour ; tu es la satisfaction d'où dérive la résignation, tu es l'intelligence, mère de la science ; tu es la patience, mère du courage ; tout le
firmament et les étoiles sont tes
enfants ; c'est de toi que procède tout ce qui existe... Tu es descendue sur la terre pour le salut du monde. Aie
compassion de nous, ô déesse ! et montre-toi favorable à l'univers, sois fière de porter le
dieu qui soutient le monde. » Ce passage prouve que les
brahmanes identifiaient la mère de
Krishna avec la substance universelle et le principe féminin de la nature. Ils en firent la seconde personne de la
trinité divine ; de la triade initiale et non manifestée. Le Père,
Nara (Eternel-Masculin) ; la mère,
Nari (Eternel-Féminin), et le Fils,
Viradi (Verbe-Créateur), telles sont les facultés divines. En d'autres termes : le principe intellectuel, le principe plastique, le principe producteur. Tous trois ensemble constituent la
natura naturans, pour employer un terme de Spinoza. Le monde organisé, l'univers vivant,
natura naturata, est le produit du verbe créateur qui se manifeste à son tour sous trois formes :
Brahma, l'
Esprit, correspond au monde divin ;
Vishnou, l'
âme, répond au monde humain ;
Siva, le
corps, répond au monde naturel. Dans ces trois mondes, le principe mâle et le principe féminin (
essence et substance) sont également actifs, et l'Eternel-Féminin se manifeste à la fois dans la nature terrestre, humaine et divine. Isis est triple,
Cybèle aussi. On le voit, ainsi conçue, la double
trinité, celle de
Dieu et celle de l'univers, contient les principes et le cadre d'une théodicée et d'une cosmogonie. Il est juste de reconnaître que cette idée-mère est sortie de l'Inde. Tous les temples antiques, toutes les grandes
religions et plusieurs philosophies célèbres l'ont adoptée. Du temps des apôtres et dans les premiers siècles du christianisme, les
initiés chrétiens révéraient le principe féminin de la nature visible et invisible sous le nom du
Saint-Esprit, représenté par une
colombe, signe de la puissance féminine dans tous les temples d'Asie et d'
Europe. Si, depuis, l'
Eglise a caché et perdu la
clé de ses mystères, leur sens est encore écrit dans ses
symboles.