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La Toison d'Or

Baron H. Kervyn Lettenhove
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      En parlant du XIVe siècle, un écrivain qui en avait consciencieusement approfondi les annales, disait : « on n'a pas assez remarqué l'influence que la chevalerie a exercée sur l'ordre social » (1) ; cette observation s'applique peut-être plus justement encore aux effets qu'eurent sur les événements et les mœurs du XVe et du XVIe siècles, la fondation et l'épanouissement de l'ordre de la Toison d'or.

      Affirmer que la Toison d'or a été dès son origine et est encore aujourd'hui « un des plus illustres ordres de chevalerie » (2), serait avancer une chose banale, mais montrer l'influence considérable et bienfaisante que cette noble institution a exercée dans le domaine religieux, moral, politique et artistique, n'est pas sans offrir un grand intérêt et une réelle utilité.

      Il est encore plus important de rechercher les causes de ce rôle glorieux et d'indiquer par quelles considérations élevées des Chefs et Souverains de l'ordre et par quels « hauts faits » de ses chevaliers, « la noble Toison d'or » a acquis cette brillante renommée et cet universel prestige.

      Enfin, c'est faire œuvre de justice que de prouver que si les Pays-Bas ont eu, au XVe siècle, le privilège d'un art si brillant, ils le doivent en grande partie à la protection que les Chefs et Souverains de la Toison d'or et leurs plus illustres chevaliers accordaient aux peintres, aux sculpteurs, orfèvres et ouvriers d'art. Ceux-ci ne trouvaient-ils pas dans les fêtes superbes données à l'occasion des Chapitres de l'ordre, l'occasion de montrer leurs talents et n'y recevaient-ils pas les encouragements les plus précieux ?

      Ces nobles mobiles, ces heureuses influences, ces grands bienfaits ont souvent été niés. On a traité de légendes ces traditions populaires « qui voyaient dans la Toison d'or l'image de la prospérité des communes » (3). On n'a envisagé les Souverains que comme des Princes prodigues, au lieu de mesurer leur grand rôle social et politique ; on a traité les chevaliers de courtisans, alors qu'ils étaient les champions du droit, de l'honneur et de la courtoisie. On n'a compté que les dépenses d'une cour fastueuse, sans découvrir la protection généreuse, intelligente constante qui faisait germer de toutes parts des génies, semence précieuse que Dieu jette un peu partout mais qui ne lève que par des concours éclairés.

      On n'a pas compris « ce que ce luxe, ces fêtes, tous ces encouragements donnés aux Arts, ont fait pour la gloire et la prospérité de la Flandre » (4). On a osé nier tous ces faits, contester ces affirmations, et cependant toutes les preuves du rôle bienfaisant de la Toison d'or existent ! Malheureusement, elles étaient inconnues de la plupart et souvent cachées, car, comme l'écrivait le comte de Laborde, « elles ne se retrouvent plus aujourd'hui que sous la poussière des archives et dans les collections particulières ».


      N'était-il pas temps, avant que la poussière ait tout à fait effacé les caractères de ces précieux manuscrits et avant que beaucoup de tableaux aient disparu ou aient été détruits, de réunir pieusement ces témoins authentiques et irrécusables de tant de gloire et de leur demander, en l'honneur de la Toison d'or et en faveur de la vérité historique, le plus éloquent des témoignages.

      Si l'histoire ne peut s'écrire qu'avec des documents, ceux-ci sont surtout nécessaires pour établir les faits, glorieux au point d'être souvent invraisemblables, par lesquels se signalaient les chevaliers qui avaient l'insigne honneur de porter la Toison d'or ou ceux qui y aspiraient. N'y a-t-il pas aussi un devoir à remplir vis-à-vis de ceux qui se signalèrent par tant de vertus, de courage, et de fidélité ? Ne faut-il pas chercher, comme le demandait Froissart, à les mettre « en perpétuelle mémoire » ?

      Philippe le Bon le pensait, car il avait commis un héraut d'armes et un greffier pour relater tous les « hauts faits » des chevaliers de la Toison d'or. Il tenait à ce que tout cela fut consigné par écrit afin « d'exemplier, nobles cœurs encourager » et préparer ainsi les gloires de l'avenir en conservant celles du passé. Il a soin de bien l'expliquer dans sa première proclamation, en fondant l'ordre ; et ses successeurs ne négligeront jamais ce devoir. C'est ainsi qu'en 1473, Maximilien d'Autriche, troisième Chef et Souverain de l'ordre, réclama un nouveau livre sur velin avec les statuts, hauts faits et portraits de tous les chevaliers de la Toison d'or à commencer par Philippe le Bon jusqu'à ceux de la dernière promotion.

      A diverses reprises, des réprimandes sont même adressées par le Chef et Souverain et par le chancelier au roi d'armes, quand il néglige de relater toutes les actions d'éclat dont le souvenir mérite de passer à la postérité.

      Dans ce but encore, en 1768, un maître aux requêtes de S. M. I. R. et A. encouragé par Elle, entreprend la publication d'un vaste ouvrage qui réunira tous les portraits des chevaliers de la Toison d'or et tous les documents se rapportant à leur histoire. Hélas ! la difficulté de retrouver ces renseignements déjà épars, fit abandonner ce travail, dont quelques pages seulement parurent !

      En 1829, le Baron de Reiffenberg, archiviste du Royaume des Pays-Bas, avec l'appui de l'Empereur d'Autriche, qui lui a ouvert généreusement toutes ses archives et qui a envoyé à Bruxelles les registres de l'ordre, fait un appel à tous ceux qui possèdent des portraits de chevaliers pour qu'ils les lui confient momentanément afin de publier une « Galerie iconographique et biographique de la Toison d'or, laquelle renfermera tous les portraits des chevaliers qu'on aura pu se procurer avec les notices sur leur vie et les documents originaux ».
      La Révolution de 1830 fit évanouir ce beau projet.


      Ce que Philippe le Bon voulait, ce qu'il avait prescrit et fait acter dans des manuscrits disparus ou épars, ce que Charles le Téméraire, Maximilien, Charles-Quint réclamaient, ce qu'on tenta en 1768, et ce qu'essaya en 1829 le Baron de Reiffenberg, l'Exposition de Bruges vient de le réaliser.

      Les hauts patronages que le Roi des Belges, que S. M. Alphonse XIII, que S. M. la Reine douairière de Saxe, que S. A. I. le Grand Duc Vladimir, que S. A. I. et R. l'Archiduc François-Ferdinand d'Autriche, que S. A. R. le Prince Henri des Pays-Bas, que S. A. R. le Prince Alphonse de Bavière, que S. A. le duc d'Anhalt, que S. A. S. le Prince de Lichtenstein et tant d'autres notabilités ont daigné nous accorder, ont assuré le succès de cette belle entreprise !

      Le gouvernement belge en a compris également la grande portée scientifique et il a bien voulu placer l'Exposition sous ses auspices.

      En Belgique encore, un Comité d'honneur qui comprend les autorités les plus hautes du gouvernement, du clergé et de l'armée nous a apporté une puissante force morale. Le Comité d'organisation au sein duquel se rencontrent tant de noms d'hommes dévoués à la science, a la bonne fortune d'avoir à sa tête le plus éminent des Mécènes belges qui est en même temps un des plus illustres hommes d'Etat dont s'honore la Belgique.

      A l'Etranger, les plus grands seigneurs comme les savants les plus connus, nous ont témoigné dans des comités d'honneur ou d'action, leur sympathie et leur zèle.


      L'Exposition de Bruges permet donc d'écrire mieux qu'on ne l'a jamais fait l'histoire de la Toison d'or : elle ressuscite cette époque fastueuse, elle fait revivre les Souverains et Chefs de cet ordre illustre ainsi que ses fidèles chevaliers. Avec tous les portraits et documents réunis momentanément à Bruges, les savants traceront sur des tablettes ineffaçables l'histoire de siècles glorieux qui empruntent à la Toison d'or quelques-uns de leurs plus brillants rayons et leur éclat le plus pur ! Ces annalistes ont sous les yeux toutes les preuves de la grande et heureuse influence exercée par cette institution ; ils leur donneront toute leur portée et les mettront en pleine lumière : ce sera l'apothéose de la Toison d'or !

      Avant que ces importants travaux, qui s'imposent au zèle et à la science des érudits, ne soient terminés, quelques notes historiques et héraldiques offriront peut-être, malgré la hâte avec laquelle elles ont été réunies, un certain intérêt au lecteur en lui faisant connaître les statuts de l'ordre, les hauts faits de ses titulaires et en lui montrant l'heureuse influence sociale de cette institution ! Tel est le seul et modeste but de ces pages.


      L'ordre de la Toison d'or fut fondé à Bruges par Philippe le Bon, Duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabant et de Limbourg, Comte de Flandres, d'Artois, de Bourgogne-Palatin et de Namur, Marquis du Saint Empire, Seigneur de Salins et de Malines, le 10 janvier 1429/30, jour de son mariage avec Isabelle de Portugal.

      Cet ordre ne fut pas improvisé au milieu d'unefête, ainsi que certains historiens le prétendent. « L'institution de la Toison d'or par devant longtemps avait été pensé en la secrète imagination du Duc, mais non jamais découvert encore jusque cette heure » dit Chastellain dans son naïf langage. Cette création inattendue et, plus encore, le nom donné par le Duc de Bourgogne à ce nouvel ordre de Chevalerie « ont fait galoper l'imagination des écrivains en de folles chevauchées (5). On y a trouvé des origines « voilées, gazées tout au moins » ; on les a voulues aussi romanesques, que celles de l'Ordre de la jarretière et que celles de l'Ordre de l'Annonciade.

      La Toison d'or aurait été créée en souvenir d'une jolie brugeoise aux cheveux dorés, (6) tout comme la jarretière avait été instituée en l'honneur de la belle Comtesse de Salisbury et comme l'Annonciade avait pour origine la galanterie d'Amédée IV, Comte de Savoie !

      « Est-ce réellement à une femme que l'on doit ces institutions de Philippe le Bon et ces insignes ambitionnés par les audacieux capitaines ? Le sourire fugitif de la beauté est-il toujours la récompense d'un rayon de gloire ? » (7)

      Il est très permis d'en douter. Je dirai plus un peu de réflexion, un examen sérieux rendent ces récits absolument invraisemblables.

      Comment admettre, d'ailleurs, que ce soit au jour de son mariage que Philippe le Bon, si sincèrement épris d'Isabelle de Portugal, sa nouvelle épouse, qu'il avait choisi cette devise :

« Aultre n'auray
Dame Isabeau tant que vivray »,

ait fondé un ordre rappelant une liaison passée ?

      « Peut-on supposer, écrit M. Dutry, que pour rappeler des actes que la morale et la religion réprouvent, Philippe le Bon ait créé un ordre dont un des buts est d'exciter à la vertu et aux bonnes moeurs, un ordre qui ne sera conféré qu'à des gentilshommes de nom et d'armes sans reproche, un ordre dont l'ordonnance sera considérée par la postérité comme le plus beau code d'honneur et de vertu chevaleresque, un ordre qui a traversé les siècles, honoré, envié... » Non, il est des invraisemblances que condamnent non seulement la logique de l'histoire, mais le bon sens, la raison et l'honnêteté. Si un doute subsistait, il suffirait pour le dissiper, de lire la proclamation solennelle que le roi d'armes de Flandre fit au nom de Philippe le Bon, pour publier la prise de ce noble ordre. La voici :

      « Or oyez, princes et princesses, seigneurs, dames et damoiselles, chevaliers et escuyers. Très-haut, très-excellent et très-puissant prince, monseigneur le duc de Bourgongne, comte de Flandre, d'Arthois et de Bourgongne Palatin et de Namur, faict sçavoir à tous : que pour la révérence de Dieu et soutenement de notre foi chrestienne, et pour honorer et exhausser le noble ordre de chevalerie, et aussi pour trois causes cy-après déclarées : la première, pour faire honneur aux anciens chevaliers qui par leurs nobles et hauts faicts sont dignes d'estre recommandés; la seconde, afin que ceulx qui de présent sont puissants et de force de corps et exercent tous les jours les faicts appartenants à la chevalerie, aient cause de les continuer de mieulx en mieulx; et la tierce, afin que les chevaliers et gentilshommes qui verront porter l'ordre dont cy-après sera toute honneur à ceulx qui le porteront, soient meus de eulx employer en nobles faicts et eulx nourrir en telles mœurs que par leurs vaillances ils puissent acquérir bonne renommée et desservir en leur temps d'estre exclus à porter la dicte ordre : mon dict seigneur le duc a emprins et mis sus une ordre qui est appelée la Toison d'or, auquel, oultre la personne de mon seigneur le duc, à vingt-quatre chevaliers de noms et d'armes et sans reproche, nés en léal mariage (8). »

      Une seconde ordonnance, publiée un an plus tard, confirme et précise encore les mêmes et nobles mobiles :

      A tous présens, à venir, savoir faisons, déclare le bon Duc, qu'à cause du grand et parfait amour que nous avons pour le noble état de chevalerie, dont, par notre ardente et singulière affection nous désirons accroître l'honneur, afin que par son moyen, la vraie foi catholique, l'état de notre sainte mère l'Eglise... soient autant qu'ils peuvent l'être défendus, gardés et conservés; nous, pour la gloire et la louange du Créateur, pour la vénération de la glorieuse Vierge sa mère, pour l'honneur de Monseigneur Saint André, pour l'exaltation de la foi et de la Sainte Eglise, pour l'excitation aux vertus et aux bonnes moeurs, le 10 Janvier 1429 qui était le jour de la solennité du mariage célébré entre nous et notre chère et bien aimée épouse Elisabeth, avons institué, créé et ordonné un ordre et confrérie de chevalerie et d'association amicale d'un certain nombre de chevaliers que nous avons voulu appeler du nom de la Toison d'or conquise par Jason. »

      Le célèbre historiographe de la Toison d'or, Georges Chastellain, s'adressant à Philippe le Bon, lui rappelle aussi les motifs du « haut eslevement de la Thoyson ». Et voici ce qu'il lui dit :

« Mais n'est d'oubly le hault eslevement
De la Thoyson, haulte et divine emprise,
Qui pour confort, ayde et réparement
De nostre Foy, en long proposement
Tu as mis sus, divulguée et emprise
Soubs aultre grand religion comprise
Touchant honneur et publique équité
Pour estre mieux envers Dieu acquitté. »

      Faut-il citer enfin ces vers de l'épitaphe que Philippe le Bon fit préparer pour sa tombe :

« Pour maintenir l'Eglise quy est de Dieu maison,
J'ay mis sus la noble ordre qu'on nomme la Thoyson. »

      Les statuts de l'ordre, qui se divisaient en quatre-vingt-quatorze articles, mettent encore plus en lumière le but que poursuit Philippe le Bon. Le duc y trace, avec le plus grand soin, les obligations des chevaliers. Ces devoirs peuvent se résumer comme suit : fidélité envers la Sainte Eglise, maintien dans son intégrité de la foi catholique, loyauté envers le Souverain, amitié et fraternité entre les chevaliers, bravoure dans les armes, honneur en tout et partout ! Ne sont-ce pas là des règles sublimes et bien faites pour faire revivre les plus beaux jours de la chevalerie ?

      « Les statuts de la Toison d'or avaient été réglés avec un art infini, a écrit avec raison le Baron de Reiffenberg, afin de stimuler l'honneur. »

      Un caractère religieux très prononcé donne une gravité particulière à toutes ces recommandations. Il est inhérent aux proclamations, aux statuts, aux serments, aux cérémonies et à plusieurs faits qui méritent d'être rappelés et que nous allons résumer.

      L'ordre a peine établi, le bon Duc fait dire au Pape que les Souverains et les Chevaliers de l'ordre nouveau, animés d'une même zèle, s'emploieront toujours de tout leur pouvoir à la défense de l'Eglise. Le Saint Père répond par des bulles qui approuvent et confirment l'institution (9). En 1432, les Pères du Concile de Trente adressent des lettres au Chef et Souverain et aux Chevaliers de la Toison d'or pour leur faire connaître tout le cas qu'ils font de leur ordre.

      Il faut remarquer aussi que les Chapitres – les statuts portaient qu'il devait y avoir un Chapitre au moins par trois années – se tenaient dans le chœur d'une église et commençaient par des vêpres ; dans le principe cette réunion devait avoir lieu la veille de la St André, c'est-à-dire le 29 novembre. Le lendemain, jour de la St André, on célébrait une messe en grand apparat et le jour suivant on disait aussi solennellement une messe en l'honneur de la Ste Vierge, car le Bon Prince, dit une vieille chronique, a pris la Vierge

« Pour sa guide estre en tous faicts singuliers
Et pour l'ordre de ses francs chevaliers. »

      Un office spécial de la Ste Vierge, dressé pour les fêtes de l'ordre, dirigé sur le symbole de la Toison de Gédéon », approuvé par l'Evêque de Toul et l'Université de Louvain est même présenté, en 1458, à Philippe le Bon. Ces messes et ces offices sont obligatoires et toujours exactement suivis.

      C'est au célèbre banquet de Lille, que Dame Religion, s'adressant aux illustres convives, leur dit :

« Vous Chevaliers qui portez la Toison,
N'oubliez point le très divin sacrifice ! »

      Les années où il n'y avait pas de Chapitre, et plus tard lorsque les Chapitres n'eurent plus lieu le 30 novembre, les chevaliers célébraient toujours avec leur Souverain la fête de la St André par des offices religieux auxquels ils se rendaient en grand costume (10). St André, dont nous voyons encore la croix sur de nombreux drapeaux de corporations ou de sociétés, avait été choisi comme patron des chevaliers de la Toison d'or. C'est pourquoi, le cri de guerre du Duc de Bourgogne et de ses compagnons était

« Notre-Dame, Bourgogne et Montjoie St Andrieu ! »

      A chacun des Chapitres dont nous venons de parler, le chanc1lier qui doit être un Evêque, fait un discours dans lequel il exhorte le Souverain et les Chevaliers « à pratiquer la vertu, à fuir le vice, à agir toujours suivant leur conscience » (11). Il leur représente « la dignité de leur état » (12), car de tous les ordres connus « le plus estendu, le plus permanent et le plus illustre est la Thoyson, qui est toute d'or sans mélange d'autre métaux et toute glorieuse ».

      Le chancelier G. Fillastre, dont on conserve un magnifique manuscrit à la Bibliothèque de Bourgogne, rappelle aux chevaliers que des devoirs sont attachés à ces insignes et il les exhorte à les remplir, en leur exposant l'histoire des six différentes Toisons, à chacune desquelles s'attache une vertu propre : C'est ainsi que la Toison de Jason symbolise la Magnanimité, celle de Jacob la Justice, que celle de Gédéon est l'emblème de la Prudence, que celle de Mesa et de Moab indique la Fidélité, celle de job la Patience et celle de David la Clémence. Un autre prédicateur n'en veut qu'une, c'est celle de Gédéon (13), car « préférant le St Esprit à Ovide, la Ste Ecriture à la Métamorphose et la vérité à la fable », au lieu « de jaser d'un Jason, il parlera de Gédéon ».

      D'ailleurs, bien que Philippe le Bon ait formellement choisi, dans sa proclamation de 1430, la Toison de Jason, donnant ainsi comme exemple le courage et l'opiniâtreté des Argonautes, dès 1440, la tapisserie qu'on étale dans les Chapitres, au milieu du chœur, représente non l'histoire de Jason, mais celle de Gédéon.


      Une autre pensée religieuse a certainement influencé également Philippe le Bon, lors de la création de l'ordre de la Toison d'or : ce fut le désir d'organiser une nouvelle croisade. Or, une telle entreprise offrait les plus grandes difficultés. Pour pouvoir la tenter, il fallait arriver à grouper autour de soi les Princes les plus illustres et la fleur de la chevalerie. La Toison d'or n'en serait-elle pas l'occasion indirecte et ne deviendrait-elle pas ce lien qui tout naturellement mettrait Philippe le Bon, en qualité de Chef et Souverain de l'ordre, à la tête de la confédération des croisés ?

      Ce fut pendant les fêtes données à Lille, en 1453, et au milieu du célèbre banquet du Faisan, que le fils de Jean sans Peur fit connaître aux chevaliers de la Toison d'or réunis autour de lui, son projet d'arrêter les Turcs dans leurs succès et de venger ainsi la désastreuse expédition que son père avait conduite à Nicopoli.

      En effet, pendant un des intermèdes de ce festin, où les surprises les plus extraordinaires avaient été préparées aux convives par les ministres si habiles des plaisirs du Duc, on vit paraître une dame vêtue de deuil, assise sur un élephant qu'accompagnait un More de Grenade.


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(1)  Froissart. , t. II, p. 18.

(2)  Histoire de la Chevalerie, d'après P. Lacroix, p. 242.

(3)  Dutry. Préface au Catalogue d'Art Héraldique, p. 32, Gand, 1889.
(4)  Comte de Laborde. Les ducs de Bourgogne.

(5)  Dutry, Catalogue héraldique, p. 4.

(6)  Son nom est indiqué par les auteurs de ce roman et est celui d'une famille qui existe encore à Bruges.

(7)  Baron Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, t. IV, p. 254.

(8)  Lefèvre St-Rémi.

(9)  Le pape Eugène IV, 7 septembre 1433.

(10)  Cette coutume était encore rigoureusement suivie sous Albert et Isabelle.

(11)  1516.

(12)  1468.

(13)  Ce fut le chancelier J. Germain qui le premier substitua Gédéon à Jason.




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