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Suétone (Caius Suetonius Tranquillus)

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Biographie universelle ancienne et moderne

      Suétone (Caius Suetonius Tranquillus), historien latin, naquit au Ier siècle de l'ère vulgaire et mourut au IIème, on ne sait pas en quelles années. Seulement, comme il dit qu'il était fort jeune encore sous Domitien, vingt ans après la mort de Néron, c'est-à-dire en 88, on a lieu de le croire né sous Vespasien, entre 64 et 79. Il nous apprend aussi que son père, Suetonius Lenis, était tribun de la treizième légion et combattait à Bédriac, où Vitellius vainquit Othon. Muret dit avoir lu, dans un manuscrit, Linus au lieu de Lenis, et il conjecture que ces syllabes Linus, précédées d'une petite lacune, sont les dernières de Paullinus, d'où il conclut que l'historien Suétone était fils du général Suétone Paulin. Cette opinion, quoique soutenue par quelques auteurs modernes, avant et après Muret, est généralement abandonnée, comme inconciliable avec diverses circonstances des récits de Suétone et de Tacite. Paulin était général, sénateur, consulaire ; Lenis n'est désigné par son fils que comme un simple chevalier, augusti-clavius. D'autres ont prétendu que l'historien Suétone était le petit-fils de Paulin, ce qui est fort peu vraisemblable encore ; car Suétone parle de son propre aïeul sans le désigner comme un personnage célèbre. Il faut donc se contenter de savoir qu'il était fils de Lenis : Bayle a remarqué la conformité de ce surnom avec celui de Tranquillus. L'intime et inaltérable amitié qui a régné entre Suétone et Pline le Jeune a fait conjecturer qu'ils étaient compatriotes, tous deux nés dans la Gaule cisalpine. C'est un point sur lequel on n'a pas non plus de renseignements positifs à l'égard de Suétone ; mais quatre lettres de Pline lui sont en effet adressées. La première (livre 1er, ep. 18) tend à dissiper les alarmes qu'un songe avait inspirées au jeune Suétone, la veille du jour où il devait plaider une cause : il était donc alors avocat ; peut-être même avait-il aussi donné des leçons de grammaire, de rhétorique, et plaidé dans les écoles des causes imaginaires : c'est du moins ce que l'on pourrait conclure d'un texte de Suidas et de quelques mots d'une lettre de Pline à Hispanus (livre 1er, ep.24). Par la seconde de celles qui sont écrites à Suétone lui-même (livre 3, ep. 8), on voit que celui-ci avait été nommé tribun militaire à la sollicitation de son ami, mais qu'il consentit à céder cet honneur à Cæsennius Silvanus. Dans une troisième épître (livre 5, ep. 11), Pline le presse de publier des ouvrages déjà composés et impatiemment attendus. La quatrième (livre 9, ep. 34) ne tient point à l'histoire personnelle de Suétone ; mais c'est pour lui que Pline le Jeune écrit à Trajan la quatre-vingt quinzième lettre du livre 10. Nous y apprenons que Suétone s'était marié et n'avait point eu d'enfants : l'empereur est supplié de lui accorder le jus trium liberorum, c'est-à-dire les exemptions et privilèges de ceux qui avaient trois fils ; c'était une faveur difficile à obtenir et que pourtant l'empereur ne refusa point. Suétone demeurait alors chez Pline, qui. en le voyant de plus près, l'estimait et le chérissait davantage : Suetonium Tr. probissimum, honestissimum, eruditissimum virum jam pridem in contubernium accepi, tantoque magis diligere cœpi quanto hunc propius inspexi.

      Nous ne savons rien du surplus de sa vie, sinon par quelques lignes de Spartien, où il est dit qu'étant devenu secrétaire (magister epistolarum) de l'empereur Adrien, il perdit cette place pour s'être conduit à l'égard de l'impératrice Sabine avec plus de familiarité qu'il ne convenait. Moréri et d'autres biographes emploient le terme de privautés en traduisant ce passage ; mais Tillemont observe judicieusement que l'histoire ne s'explique pas sur la nature des libertés que Suétone et d'autres officiers avaient pu prendre avec Sabine, et d'ailleurs, si les mots injussu ejus, qui se trouvent dans le texte de Spartien, signifient sans l'ordre de l'empereur, le sens qu'on a voulu donner à famílíarus egerant n'est aucunement admissible. Quoi qu'il en soit, Suétone fut renvoyé de la cour impériale en l'année 121, et nous ignorons combien de temps il survécut à cette disgrâce. Dans la liste assez longue de ses écrits, on a placé un livre sur les hommes illustres et même celui que Lactance indique, en disant que Tarquitius, dissertant sur les personnages célèbres, de illustribus viris disserens, rapporte qu'Esculape fut exposé aussitôt après sa naissance et allaité par une chienne. On veut que Tarquitius soit une altération de Tranquillus. Vossius, pour réfuter cette opinion, observe qu'il y a eu un auteur réellement nommé Tarquitius, dont les livres sont cités non seulement par Lactance, mais aussi par Ammien Marcellin. Cependant saint Iérôme et Vincent de Beauvais font mention d'un livre ou d'un catalogue virorum illustrium, rédigé par Suétone et où se trouvait un article sur Pline l'Ancien. On a, d'après ces indications, attribué quelquefois à Suétone, ainsi qu'à Pline et à Cornelius Nepos, le recueil de notices historiques qui a été reconnu depuis pour une production d'Aurélius Victor. Mais Suétone avait écrit en effet plusieurs livres qui ne subsistent plus : un sur les jeux (ou les écoles) des Grecs, deux sur les spectacles des Romains, deux sur les lois et les coutumes de Rome, un sur la vie de Cicéron ou sur son traité de la république, trois sur les rois, un sur les offices. et, selon Priscien, jusqu'à huit sur les préteurs : de plus des tableaux généalogiques ; des traités sur l'année romaine, sur les noms propres, sur les paroles de mauvais augure, sur les notes dont se servaient les grammairiens ou critiques ; sur les défauts corporels, sur les différentes formes d'habillement, enfin des mélanges intitulés De rebus varíis, ou Prata ou Parerga. Les auteurs qui citent ces ouvrages avec plus ou moins de précision sont Aulugelle, Tertullien, Charisius, Servius, Ausone, Priscien, Isidore de Séville, Tzetzès et Suidas. Nous ne tenons pas compte d'une Historia ludicra, qui semble n'être, sous un autre titre, que l'ouvrage sur les jeux des Grecs et des Romains, ni d'un traité De lusibus puerorum, ce dernier mot n'étant, selon toute apparence, qu'une faute des copístes de Servius, au lieu de Græcorum.

      Il ne reste aujourd'hui de Suétone, outre les Vies des douze Césars, que de très courtes notices sur les grammairiens, sur les rhéteurs, sur Térence, Horace, Lucain, Perse, Juvénal et Pline l'Ancien ; encore ce dernier article, qui ne consiste qu'en dix ou quinze lignes, est-il évidemment supposé ; car l'auteur paraît y confondre les deux Pline, erreur dans laquelle ne pouvait tomber l'intime ami du second. Les doutes que l'on a élevés sur les articles Juvénal, Perse et Lucain sont beaucoup moins fondés ; on y retrouve la diction de Suétone, ainsi que l'a prouvé Saumaise. L'authenticité des pages qui concernent Horace et Terence n'a point été contestée. Ces deux notices faisaient partie d'un traité historique sur tous les poètes latins, qui comprenait une vie de Virgile, dont le grammairien Donat a extrait quelques lignes. Le livre des rhéteurs illustres ne nous est parvenu que réduit à six chapitres, où l'on rencontre néanmoins plusieurs faits d'histoire littéraire qui ne se lisent point autre part : il en faut dire autant du livre des grammairiens (romains), qui est d'ailleurs plus étendu et peut-être même complet.

      C'est par son Histoire des douze Césars que Suétone est principalement connu : cet ouvrage, naturellement divisé en douze parties, l'a été quelquefois en huit, dont les six premières correspondaient aux six premiers empereurs : Jules César, Octave, Tibère, Caligula, Claude et Néron ; la septième comprenait Galba, Othon et Vitellius, et la huitième, les empereurs de la famille flavienne Vespasien, Titus et Domitien. Mais cette division n'appartenait qu'aux copistes, et elle n'était point uniforme ; car Loup de Ferrières ne partageait l'ouvrage qu'en deux livres et Vincent de Beauvais en comptait douze. Comme les premières lignes de la vie de Jules César se rapportent à une époque où il est âgé déjà de seize ans, on a supposé, non sans quelque probabilité, que le commencement de ce livre était perdu, et Louis Vivès a pris la peine d'en rétablir les premières pages. Suétone s'est proposé de tracer le tableau des mœurs privées, de la conduite personnelle de chacun de ces douze princes, plutôt que celui des affaires politiques et militaires de leurs règnes. Il ne suit pas rigoureusement l'ordre chronologique des faits, et néanmoins, ainsi que le cardinal Noris l'a remarqué, il ne s'en écarte pas autant qu'on le pourrait croire : il fait correspondre, le plus qu'il peut, la distribution des matières à la succession des temps. En général, on rend hommage à l'exactitude, à la véracité de cet historien : Linguet, qui l'a, dans le dernier siècle, accusé de mensonge et de calomnie, a été victorieusement réfuté par Tiraboschi et par Laharpe. On a reproché avec plus de justice à Suétone d'avoir fait un recueil d'anecdotes souvent scandaleuses et quelquefois si scandaleusement racontées qu'il y a presque autant de licence dans les récits que dans les actions mêmes, comme le disait saint Jérôme. De telles peintures en effet ne sont profitables que lorsqu'elles sont décentes ; et pour montrer à nu la dépravation et l'ignominie des Tibère et des Néron, il fallait une sagesse, un goût, un art qui manquaient à Suétone. Mais Tillemont et d'autres censeurs, qui se plaignent de son excessive liberté, conviennent du moins qu'il est véridique. On a vu quelle idée avait conçue de sa probité son contemporain Pline le Jeune. Vopiscus l'a depuis qualifié emendatissimus et candidissimus. Au renouvellement des lettres, Ange Politien, Erasme, Bodin, Vivès, Juste Lipse, etc., ont décerné à son ouvrage de magnifiques et peut-être excessifs éloges. Nous le trouverions mieux apprécié par Laharpe (Lycée, partie 1ère, livre 3, ch. 1er, sect. 1ère) : « ll est exact jusqu'au scrupule et rigoureusement méthodique ; il n'omet rien de ce qui concerne l'homme dont il écrit la vie ; il rapporte tout, mais il ne peint rien. C'est proprement un anecdotier, si l'on peut se servir de ce terme, mais fort curieux à lire et à consulter. »

      De nombreux manuscrits de ces douze vies se conservent à Rome, à Paris, à Turin, à Zurich, à Berne... et ont servi à préparer des éditions qui se sont extrêmement multipliées. Les dix-huit premières ont été publiées avant l'année 1500, et depuis ce temps on en compterait plus de cent autres, en écartant celles qui ne se recommandent à aucun titre. Nous ne pourrons indiquer ici que les plus précieuses et les plus utiles : Rome, 1470, au mois d'août, in-fol. (c'est la première de toutes) ; Rome, Sweynheim et Pannartz, 1470, in-fol. ; Venise, Janson, 1471, in-fol... ; Venise, Alde, 1516, in-8°... ; Genève, 1595, in-4° ; Paris, imprimerie royale, 1644, in-12 ; Amsterdam, Elzevir, 1650, in-12... ; Utrecht, 1672, in-4° ; Paris, 1684, in-4°, à l'usage du Dauphin ; Utrecht, 1690, 2 vol. in-8° ; Leuwarde, 1714, 2 vol. in-4° ; à Amsterdam, 1736, 2 vol. in-4° ; Leipsick, 1748, in-8° ; Leyde, 1751, in-8° ; Deux-Ponts, 1800, in-8° ; Leipsick, 1804, 2 vol. in-8°.
      Les principaux éditeurs de Suétone ont été G.-Ant. Campanus, J.-J. André. évêque d'Alérie, Egnatius, Erasme, Isaac Casaubon, Gruter, Grævius, Pitiscus, Oudendorp, Ernesti ; mais plusieurs autres savants, Phil. Beroaldo, H. Lorit (Glareanus), Torrentius, Juste-Lipse, Boxhorn, Pierre d'Almeida, etc., ont contribué, par des recherches et par des notes, à éclaircir le texte de cet auteur. Il a été traduit en italien par Paul del Rosso, dont la version, publiée en 1554, a été réimprimée à Venise en 1738, in-4° ; en espagnol, par Jaimo Bartholomeo. Tarragone, 1595 ; en anglais, par Philemon Toland, Londres, 1666, in-fol. ; par J. Hughes, 1717-1726, 2 vol. in-12 ; par J. Clarke. 1733. in-8° ; enfin par Alexandre Thompson, 1795, in-8° ; en allemand, par Wagner, 1771. in-8° ; en danois, par H.-D. Holk ; en langue belgique, par Abraham Bogaert, etc. (1). Quant aux versions françaises, Laharpe, qui donnait la sienne pour la troisième, était dans l'erreur : on avait déjà celles de Michel de Tours, Paris, 1520. in-fol. ; de Georges de la Boutière, Lyon, 1556, in-4° ; de J. Baudouin, Paris, 1628, in-4° ; d'un anonyme, Amsterdam, Elzévir, 1665, in-12 et de Bernard Dutheil, Paris, 1670, in-12. La traduction de Laharpe parut en 1770, et celle de Delisle de Sales (sous le nom de Henri Ophellot de la Pause, anagramme de philosophe de la nature) en 1771 : celle-ci est en quatre tomes in-8°, à cause des mélanges et des notes qui l'accompagnent, et l'autre en 2 volumes, qui ont été réimprimés en 1806, et depuis dans la collection des œuvres de Laharpe. Ce traducteur, quoiqu'on lui ait reproché plusieurs méprises, et qu'on s'aperçoive qu'il a travaillé fort vite, est néanmoins le plus élégant et quelquefois même le plus fidèle que Suétone ait eu dans notre langue avant la fin du dernier siècle.. Deux autres versions ont été publiées à Paris en 1807, l'une par M. A. L. de la Roche, in-8° ; l'autre sans aucun retranchement, par M. Maurice Lévesque, en 2 volumes du même format. On doit à M. de Golbéry une traduction, texte en regard, qui a paru dans la bibliothèque Panckoucke, 1832-1833. Une dernière et recommandable traduction de Suétone, dont l'auteur est M. Baudement, a paru dans la collection Nisard ; Paris, 1845, in-8°, et en un volume séparé ; ibid., 1846, in-12. Les remarques de Laisné sur la personne et les écrits de Suétone, insérées dans le nouveau recueil des pièces fugitives d'Archaimbaud (tome 1er, p. 23-67), sont empruntées, en partie, de l'article qui concerne cet historien latin, dans le dictionnaire de Bayle.

      Vopiscus parle d'un Suétone surnommé Optatianus, qui avait écrit une vie de l'empereur Tacite (3).


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(1)  L'édition originale de Suétone, publiée à Rome en 1480, est un livre d'un très grand prix en raison de sa rareté ; elle a été imprimée par Philippe de Lignamine ; l'autre édition, mise au jour la même année chez Sweynheym et Pannartz, également à Rome, n'est pas plus commune. Diverses autres éditions du XVIème siècle, dont on peut voir le détail dans le Manuel du libraire, ne sont que des raretés bibliographiques sans valeur littéraire. L'édition de Philippe de Junte, Florence, 1610, celles d'Alde, 1616 et 1621, ont du prix aux yeux des amateurs. Celle de Paris, imprimerie royale, 1644, est d'une jolie exécution ; mais pour arriver à une édition avec une valeur critique, il faut recourir au volume publié à Utrecht par Grævius, en 1672, in-4°, avec les notes de Torrentius et de Casaubon. L'édition ad usum Delphini, avec le commentaire d'A. Babelon, a peu de mérite ; celle de Pitiscus, Utrecht, 1690, 2 vol. in-8°, se rattache à la collection Variorum ; elle a été reproduite avec des augmentations, 1714, 2 vol. in-4°, et les savants la recherchent, ainsi que celle de P. Burmann. 1736, 2 vol. in-4°. Le volume publié par le savant Oudendorp, Leyde, 1761, in-8°, se recommande par de fort bonne notes ; mais ces éditions anciennes ont été effacées par celle de J.-A. Wolf (Leipsick, 1802, 4 vol. in-8°), qui renferme de très utiles observations d'Ernesti et de Ruhnkenius. On fait grand cas du travail de Baumgarten-Crusius (Leipsick, 1816-1818, 3 vol. in-8°) ; le dernier volume renferme une Clavis Suetoniona ; cette édition a reparu à Turin, et elle a servi de base à l'édition de Valpy (Londres, 1826, 4 vol. in-8°) qui se fait remarquer par une masse de notes plus abondantes que choisies avec discernement. Le savant M. Hase a revu et annoté les deux volumes qui font partie de la collection Lemaire, 1828. Deux érudits allemands, MM. Reifferscheid et Ritschel, ont recueilli, annoté et publié à part (Leipsick, 1860, in-8°) ce qui reste de Suétone, indépendamment de la Vie des Césars.

(2)  On peut consulter, sur l'historien des Césars, l'Histoire de la littérature romaine de Baehr, 1845 (en allemand), et le Manuel de la bibliographie classique de Schweigger, où l'on trouve en outre une liste des meilleures éditions de Suétone.

(3)  Dion Cassius, Hist., lib 60, cap. 8, p. 947, édit. Reim., in-fol.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 40 - Pages 399-401)


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