L'ouvrage principal qu'Agrippa venait de faire paraître faisait grand bruit. Est-ce à cela qu'il faut attribuer les démarches que l'on fit alors auprès de lui, démarches qui toutes s'adressaient bien plus à l'écrivain qu'au médecin. Rien n'autorise à rejeter cette opinion. Jadis, réduit pour vivre aux derniers expédients, le voici maintenant en bonne voie. Ira-t-il en Angleterre où l'appelle Henry VIII par l'entremise du Chancelier Gattinara ? Obéira-t-il à son protecteur, l'éminent diplomate Eustache Chapuys, qui lui conseille, au nom de Charles-Quint, de prendre la défense de Catherine d'Aragon menacée d'un divorce éclatant ? Chapuys, pour l'attirer dans son parti, s'y prend avec habileté. Il commence par le féliciter de son nouveau livre ; puis longuement, il lui explique les avantages qu'il pourrait retirer des services à rendre à l'empereur en cette circonstance (85). Agrippa, depuis longtemps édifié sur la reconnaissance des grands de la terre, sait bien qu'en épousant le parti du roi d'Espagne il s'aliénera pour toujours le roi d'Angleterre. Voulant rester neutre, il lutte contre les arguments réitérés de l'ambassadeur.
Un troisième, puis un quatrième moyen d'échapper à cette alternative lui sont offerts. Le troisième vient du marquis de Montferrat, mince personnage vis-à-vis de la grandeur impériale. Il opte pour la Gouvernante des Pays-Bas, Marguerite d'Autriche, qui réside à Bruxelles. Au nom de l'empereur il accepte d'elle les titres de Bibliothécaire et d'Historiographe (86). Afin de fournir une preuve de son aptitude à ces fonctions, Cornélis écrit le récit du Couronnement de Charles-Quint (87), morceau de style qui n'a rien de commun avec l'histoire, C'est un compte-rendu minutieux de la manière dont se passait au XVIème siècle cette cérémonie, intéressante pourtant par l'éclat des couleurs, le pittoresque et la pompe exigée par le protocole, comme aussi par la multiplicité des grands personnages qui y prennent part selon leur rang. Ce n'était là d'ailleurs que le prélude de plus sérieux travaux pour lesquels il s'empressait de demander communication de documents inédits.