CHAPITRE XIII LES SACREMENTS (suite)
Appliquons maintenant ces principes généraux à des exemples concrets et voyons comment ils expliquent et justifient les rites sacramentels qui se trouvent dans chaque religion.
Il nous suffira de prendre comme exemples trois des Sept Sacrements en usage dans l'
Eglise Catholique. Deux d'entre eux sont regardés comme obligatoires par tous les Chrétiens, bien que les
Protestants les plus avancés les
dépouillent de leur caractère sacramentel, leur refusent une valeur spéciale et y voient simplement une déclaration et une commémoration. Cependant, même ici, quand la dévotion est véritable, le cur reçoit, dans une certaine mesure, la grâce sacramentelle que nie l'intellect. Le troisième n'est pas reconnu, même nominalement, par les
Eglises Protestantes, bien qu'il présente les signes essentiels d'un Sacrement, tels que les définit le Catéchisme de l'
Eglise Anglicane cité plus haut
(336). Le Premier est le
Baptême, le second l'
Eucharistie, le troisième le
Mariage. En retranchant le
Mariage du rang des Sacrements, l'
idéal élevé qu'il implique s'est trouvé dégradé ; c'est là, en partie, la cause du relâchement de ses liens, relâchement que déplorent tous les
esprits réfléchis.
Le Sacrement du
Baptême se
retrouve dans toutes les
religions, non seulement au début de la vie terrestre,
mais, plus généralement, comme une cérémonie de purification.
La cérémonie qui marque l'entrée du nouveau-né ou de l'adulte dans une
religion présente, comme partie essentielle du
rite, une aspersion d'
eau. Dans le passé, comme de nos
jours, cette pratique était universelle. « L'idée d'employer l'
eau comme
emblème d'une purification spirituelle », fait remarquer le docteur Gilse, « est trop naturelle pour que l'on puisse s'étonner de l'antiquité de ce
rite. » Le docteur Hyde, dans son traité sur
La Religion des Anciens Persans, XXXIV, 406, nous affirme que le
Baptême existait chez ce peuple. Ils n'ont pas, dit-il, l'habitude de circoncire leurs
enfants, mais seulement de les baptiser ou de les soumettre à une
ablution qui purifie l'
âme. Ils portent l'
enfant au
prêtre, dans l'
église, et le présentent devant le
soleil et le
feu, après quoi, ils considèrent l'
enfant comme plus sacré qu'il n'était auparavant. Suivant Lord, ils apportent l'
eau destinée au
baptême dans l'écorce de l'Yeuse (Holm tree). Cet
arbre est en réalité la
Haum des
Mages, dont nous avons parlé ailleurs. Quelquefois le
baptême est pratiqué différemment et, au dire de Tavernier, l'
enfant est plongé dans une grande cuve d'
eau. Après ces
ablutions ou ce
baptême, le
prêtre donne à l'
enfant le nom choisi par les parents
(337). Quelques semaines après la naissance d'un
enfant Hindou, une cérémonie est célébrée, dont une partie consiste à asperger l'
enfant avec de l'
eau ; cette aspersion se retrouve d'ailleurs dans tout le culte Hindou. Williamson cite des textes montrant que le
baptême était pratiqué en Egypte, en Perse, au Tibet, en Mongolie, au Mexique, au Pérou, en Grèce, à Rome, en
Scandinavie et parmi les
Druides (338). Quelques-unes des prières citées sont d'une grande beauté : « Je demande que cette
eau céleste bleue et bleu clair, puisse entrer dans ton
corps et y vivre. Je demande qu'elle puisse détruire en toi toutes les choses mauvaises et hostiles qui t'ont été données avant le commencement du monde. » « Ô
enfant ! Reçois l'
eau du Seigneur du monde, qui est notre vie : elle lave et purifie ; puissent ces gouttes effacer le péché qui t'a été donné avant la création du monde, puisque nous subissons tous son empire. »
Tertullien, dans un passage déjà cité
(339), dit que chez les nations non Chrétiennes, le
Baptême était un usage général. D'autres Pères de l'
Eglise mentionnent ce fait.
Dans la plupart des
Eglises, une forme secondaire du
Baptême accompagne toute cérémonie
religieuse. Dans ce cas, l'
eau est employée comme
symbole de purification, impliquant l'idée que nul ne doit prendre part au culte sans avoir purifié son cur et sa conscience. L'
ablution extérieure symbolise la
lustration intérieure. Dans les
Eglises Grecque et Romaine, un petit bassin contenant l'
eau bénite est placé près de chaque porte ; tout fidèle, en
entrant, y trempe le doigt et se signe avant de s'avancer vers l'
autel. Robert Taylor dit à ce sujet : « Les fonts baptismaux de nos
Eglises Protestantes et plus spécialement encore, bien entendu, les petits réservoirs placés à l'entrée de nos chapelles
Catholiques ne sont pas des imitations, mais se rattachent directement aux
aqua minaria ou
amula que le savant
Montfaucon, dans ses
Antiquités, nous montre avoir été des vases remplis d'
eau sainte placés par les païens à la porte de leurs temples, afin de s'asperger en pénétrant dans ces édifices sacrés
(340). »
Dans le
Baptême administré le
jour de l'admission première dans l'
Eglise, comme dans ces
lustrations secondaires, l'
agent employé est l'
eau, le fluide purificateur par excellence et, par conséquent, le meilleur
symbole de la purification morale. Un mantra est prononcé au-dessus de cette
eau, mantra représenté dans le rituel Anglais par la prière : « Sanctifie cette
eau pour l'effacement
mystique du péché », suivie de la formule « au nom du Père et du Fils et du
Saint-Esprit. Amen ». Telle est la « Formule d'Autorité » qu'accompagne le « Signe d'Autorité », le Signe de la
Croix fait au-dessus de la surface de l'
eau.
La « Formule » et le « Signe » donnent
à l'
eau, comme nous l'avons expliqué plus haut, une propriété
qu'elle ne possédait pas auparavant : elle prend dès lors, et à
juste titre, le nom d'
eau « Sainte » ; les puissances ténébreuses n'en approcheront point ; jetée sur le
corps, elle communique un sentiment de paix et une vie spirituelle nouvelle. Dans le
Baptême d'un
enfant, l'énergie spirituelle donnée à l'
eau par la « Formule » et par le « Signe » renforce la vie spirituelle de l'
enfant. La « Formule d'autorité » est ensuite prononcée de nouveau, et cette fois sur l'
enfant ; le « Signe » est tracé sur son front ; en même temps, dans ses
corps subtils, les vibrations se font sentir, et la sommation
d'avoir à protéger la vie ainsi sanctifiée se propage dans le monde invisible. Car le « Signe » est à la fois purificateur et protecteur ; il purifie la vie dont il
amène l'
effusion ; il protège par les vibrations qu'il éveille dans les
corps subtils. Ces vibrations forment un rempart protecteur contre les attaques d'
influences hostiles venant des mondes invisibles et, chaque fois que l'
eau est touchée, que la « Formule » est prononcée, que le « Signe » est fait, il se produit un renouvellement des énergies et une recrudescence des vibrations ; les unes et les autres exercent leur énergie sur les mondes invisibles et sont une aide pour l'officiant.
Dans l'
Eglise Primitive, le
Baptême était précédé d'une préparation très sérieuse, car les personnes reçues dans l'
Eglise étaient, pour la plupart, des convertis venus des
religions environnantes. Un converti devait passer par trois stades d'instruction successifs et n'en quittait aucun sans avoir assimilé les enseignements donnés ; il était ensuite, par le
Baptême, reçu dans l'
Eglise. Après cette cérémonie, et alors seulement, il apprenait le Credo, qui se transmettait toujours oralement et n'était jamais prononcé qu'en présence des croyants. Le Credo permettait ainsi aux Chrétiens de se reconnaître entre eux ; il constituait, pour l'homme capable de le réciter, une preuve de sa position dans l'
Eglise et de sa qualité de membre baptisé. L'habitude du
Baptême in extremis, qui finit par se généraliser, montre à quel point on avait alors foi dans la grâce communiquée par ce Sacrement. Convaincus des réalités du
Baptême, des hommes et des femmes du monde, ne se souciant point de renoncer aux plaisirs temporels, ni de mener une vie pure, remettaient leur
Baptême jusqu'à l'heure où la mort descendait sur eux, afin de pouvoir profiter de la grâce sacramentelle et franchir les portes de la Mort sans souillures et remplis de
force spirituelle. Plusieurs des plus célèbres Pères de l'
Eglise
ont lutté avec énergie, et souvent avec succès, contre cet abus. L'un d'eux, saint Athanase, je crois, raconte à ce sujet une
histoire pittoresque ; c'était un homme d'un
esprit caustique qui, parfois, ne dédaignait pas d'employer la plaisanterie pour mieux faire comprendre à ses auditeurs la folie ou la perversité de leur conduite. Il leur fit donc connaître, un
jour, qu'il s'était élevé, dans une vision, jusqu'aux portes du
ciel, gardées par saint Pierre. Celui-ci, loin d'accueillir le visiteur avec un sourire bienveillant, lui marqua son mécontentement par un regard plein de sévérité. « Athanase, lui dit-il,
pourquoi toujours m'envoyer ces sacs vides, soigneusement cachetés, mais
qui ne renferment rien ? » Nous trouvons de ces paroles mordantes dans l'antiquité
Chrétienne, car ces questions répondaient alors, pour les Chrétiens,
à des réalités et n'étaient pas de simples formes,
comme elles le sont trop souvent aujourd'hui.
L'habitude de baptiser les
enfants en bas âge s'établit graduellement
dans l'
Eglise ; par suite, l'instruction, qui tout d'abord précédait
le
Baptême, devint la préparation à la confirmation, par laquelle
l'intelligence, dans la plénitude de ses moyens, renouvelle les promesses
baptismales. L'admission d'un
enfant dans l'
Eglise est évidemment logique
lorsqu'on admet que la vie humaine s'écoule simultanément dans trois
mondes et qu'on sait que l'
Esprit et l'
Ame venus pour habiter le
corps nouveau-né
sont, non pas inconscients et inintelligents, mais conscients, intelligents et
actifs dans les mondes invisibles. Il est bon et il est juste que l'homme invisible
caché dans le cur
(341) soit accueilli en commençant cette étape
nouvelle de son
pèlerinage et que les
influences les plus salutaires s'exercent
sur le véhicule qu'il vient habiter et qu'il doit approprier à ses
besoins. Si les yeux des hommes étaient ouverts, comme l'étaient
jadis les yeux du serviteur d'
Elisée, ils verraient les
chevaux et les
chariots de
feu rassemblés autour de la
montagne où se tient le
prophète de l'Eternel
(342).
Passons maintenant à l'autre Sacrement que nous nous proposons d'étudier, le Sacrifice de l'
Eucharistie,
symbole du Sacrifice Eternel dont nous avons parlé plus haut, sacrifice quotidiennement célébré dans le monde entier par l'
Eglise Catholique, image du Sacrifice par lequel les mondes ont été appelés à l'existence et sont maintenus à travers les siècles. Il doit être offert chaque
jour, son archétype étant perpétuel. Par cette célébration, les hommes mettent eux-mêmes en action la Loi du Sacrifice, s'identifient avec elle, reconnaissent son caractère d'unification et s'associent volontairement à elle dans l'action qu'elle exerce dans les différents mondes. Pour que cette identification soit complète, il faut recevoir la substance matérielle du Sacrement, mais les adorateurs sincères peuvent, dans une large mesure, en recevoir les bienfaits et contribuer à la propagation de son
influence en s'associant mentalement et physiquement à l'acte sacramentel.
C'est affaiblir la cérémonie
principale du culte Chrétien, c'est diminuer sa portée, que de se
borner à voir en elle la commémoration d'un sacrifice ancien, une
simple
allégorie pittoresque ne renfermant point de vérité
profonde qui en soit l'
âme, un simple
rite consistant à rompre le
pain et à verser le vin sans s'associer en même temps au Sacrifice
éternel. Envisager ainsi l'
Eucharistie, c'est la réduire à
une apparence, à une représentation inerte, au lieu d'y voir une
réalité vivante.
La coupe de bénédiction
que nous bénissons n'est-elle pas une communion (ne nous communique-t-elle
pas ne nous fait-elle pas partager) avec le sang du Christ ? demande
l'Apôtre. Le pain que nous rompons n'est-il pas une communion avec le
corps
du Christ
(343) ? L'Apôtre montre ensuite que toutes
les personnes mangeant d'un sacrifice participent à une même nature
et forment un seul
corps, qui est uni à l'Etre présent dans le sacrifice
et partage son
essence. Il est question ici d'un fait du monde invisible, et saint
Paul en parle avec l'autorité que donne le savoir. Les Etres Invisibles
font passer leur
essence dans les substances invariablement employées dans
un
rite sacramentel ; toutes les personnes absorbant ces substances, substances
qui sont assimilées par le
corps et dès lors en font partie, se
trouvent en même temps unies à Ceux dont l'
essence est renfermée
dans les substances et acquièrent ainsi une nature commune. C'est vrai
quand nous recevons des mains d'un autre homme notre nourriture ordinaire : sa
nature, jusqu'à un certain point, et son
magnétisme vital se mêlent
aux nôtres. A plus forte raison est-ce le cas lorsque la nourriture a été
solennellement et intentionnellement imprégnée de
magnétismes
supérieurs affectant à la fois les
corps subtils et le
corps physique.
Il faut, pour comprendre le sens et l'objet de l'
Eucharistie, réaliser
ces faits des mondes invisibles ; il faut y voir un lien entre la terre et le
ciel et, de plus, un acte de culte universel, une manière de coopérer,
de s'associer à la Loi du sacrifice ;
sinon l'
Eucharistie perd la plus
grande partie de son sens.
L'emploi du pain et du vin dans ce
Sacrement est très ancien et très général ; il en
est de même de l'
eau, dans le Sacrement du
Baptême. Les Perses offraient
à
Mithra le pain et le vin. Des offrandes analogues étaient en usage
au Tibet et en Tartarie.
Jérémie mentionne les gâteaux et
la boisson offerts en Egypte à la Reine du
Ciel par les Juifs qui prenaient
part au culte Egyptien
(344). La
Genèse nous
dit que Melchisédec, le Roi-Initié, se servit de pain et de vin
lorsqu'il bénit Abraham
(345). Le pain et le vin
étaient encore employés dans les Mystères de la Grèce,
et Williamson retrouve cet usage parmi les Mexicains, les Péruviens, et
les
Druides (346).
Le pain symbolise, d'une manière générale,
la nourriture qui entre dans la formation du
corps ; le vin symbolise le sang
envisagé comme le fluide vital.
Car l'âme de la chair est dans
le sang (347). Voilà pourquoi les membres d'une
même famille sont dits « du même sang ». « Etre
du même sang » qu'une autre personne signifie, de même, être
son parent. De là aussi les vieilles cérémonies de «
l'alliance du sang ». Quand un étranger se trouvait admis dans une
famille ou dans une tribu, l'une des personnes de la famille donnait quelques
gouttes de son sang ; celles-ci étaient transfusées dans les veines
de l'étranger, ou bien celui-ci les buvait, généralement
mélangées à de l'
eau, après quoi il était considéré
comme membre-né de la famille ou de la tribu, comme étant du même
sang. Dans l'
Eucharistie, les fidèles partagent, de même, le pain,
symbole du
corps, de la nature du Christ, et le vin,
symbole de
Son sang et de
Sa vie et par là s'allient et s'unissent à Lui.
La « Formule d'Autorité » est : « Ceci est Mon
Corps ; Ceci
est Mon Sang. » C'est elle qui
amène la modification dont nous parlerons
tout à l'heure et transforme les substances en véhicules d'énergies
spirituelles. « Le Signe d'Autorité » consiste à étendre
la main au-dessus du pain et du vin ; le Signe de la
Croix devrait être
fait en même temps, bien que parfois les
Protestants l'omettent. Tels sont
les caractères extérieurs essentiels du Sacrement de l'
Eucharistie.
Il est important de comprendre la modification qui se produit dans ce Sacrement,
car elle est plus profonde que la magnétisation dont nous avons parlé
plus haut, celle-ci, d'ailleurs, ayant lieu simultanément. Nous nous trouvons
en présence d'un cas particulier d'une loi générale.
Pour l'occultiste, un objet visible est l'expression ultime, physique, d'une vérité
invisible. Tout, ici-bas, est l'expression physique d'une pensée. Un objet
n'est qu'une idée manifestée au-dehors sous une forme dense. Tous
les objets de ce monde sont des idées Divines qui s'expriment dans la matière
physique. Cela posé, la réalité d'un objet ne dépend
pas de sa forme extérieure, mais bien de sa vie intérieure, de l'idée
qui a façonné et moulé la substance, de manière à
s'exprimer par elle. Dans les mondes supérieurs, la matière, étant
très subtile et très plastique, répond très rapidement
à l'idée ; elle change de forme en même temps que la pensée
se modifie. En devenant de plus en plus dense et lourde, la pensée change
de forme plus difficilement et plus lentement, jusqu'à ce qu'enfin, dans
le monde physique, les modifications atteignent leur maximum de lenteur, à
cause de la résistance de la matière épaisse dont se compose
le monde physique. Néanmoins cette lourde matière elle-même
se modifie, avec le temps, sous la pression de l'idée qui en est l'
âme
; nous en trouvons la preuve dans l'empreinte que laissent sur le visage les pensées
et les émotions habituelles.
Telle est donc la vérité qui sert de base à la doctrine de
Transsubstantiation, si extraordinairement incomprise en général,
des
Protestants ; mais c'est le sort des vérités
occultes lorsqu'elles
sont présentées aux
ignorants. La « substance » transformée
est l'idée qui constitue l'objet. Le « pain » n'est pas un simple
composé de farine et d'
eau. L'idée qui préside au mélange,
la manipulation de la farine et de l'
eau, voilà la « substance »
dont est fait le « pain ». La farine et l'
eau sont, pour employer une
expression technique, les « accidents » ou combinaisons matérielles
qui donnent forme à l'idée. Supposez que l'idée, que la substance
soient autres, la farine et l'
eau prendraient une forme différente, ce
qui est d'ailleurs le cas quand le
corps les assimile. De même, les chimistes
ont découvert qu'un même nombre d'atomes chimiques de même
nature peuvent être combinés de différentes manières
et devenir, par là, des objets doués des propriétés
les plus différentes, bien que les
éléments ne changent point.
La découverte de ces
composés « isomériques » est
une des plus intéressantes de la chimie moderne. L'arrangement d'atomes
similaires suivant des idées différentes donne des
corps différents.
Qu'est dont le changement de substance qui se produit dans les Espèces
Eucharistiques ? L'idée qui fait l'objet à été changée.
Dans leur état normal, le pain et le vin sont des aliments exprimant les
idées divines de substances nutritives, de substances propres à
former les
corps. L'idée nouvelle, c'est la nature et la vie du Christ,
propres à former la nature et la vie spirituelles de l'homme. Voilà
le changement de substance. L'objet reste le même en ses « accidents
», en sa matière physique, mais la matière subtile qui l'accompagne
s'est modifiée sous la pression de l'idée transformée, ayant
acquis, par le fait de ce changement, des propriétés nouvelles ;
celles-ci affectent les
corps subtils des communiants et les harmonisent avec
la nature de la vie du Christ. Mieux les communiants réalisent en eux-mêmes
cette
harmonie, et plus ils sont « dignes » du sacrement.
Le participant indigne, soumis aux mêmes
influences, s'en trouve mal, car
sa nature, résistant à la pression, est meurtrie et déchirée
par les
forces auxquelles elle est incapable de répondre. Un objet peut,
de même, être mis en pièces par des vibrations qu'il lui est
impossible de reproduire
(348).
L'homme digne de participer au Sacrement
s'unit donc au Sacrifice, au Christ, et par là s'identifie et s'unit à
la Vie divine qui est le père du Christ. Au point de
vue de la forme, le
Sacrifice consiste à céder la vie qu'elle gardait jusque-là
pour elle-même et à rendre à la Vie commune, à offrir
le canal séparé, afin qu'il devienne le canal de la Vie Unique ;
ce sacrifice a dés lors pour résultat l'union avec
Dieu. La nature
inférieure se donne afin de se
fondre dans la nature supérieure
; le
corps cesse d'être un instrument de la volonté séparée,
pour devenir l'instrument de la Volonté divine. C'est bien là
offrir
le corps en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu (349).
L'
Eglise enseigne donc, avec raison, que les Communiants dignes de l'
Eucharistie
reçoivent une partie de la vie du Christ répandue pour les hommes.
La transmutation des principes inférieurs en principes supérieurs,
tel est l'objet de ce Sacrement, comme de tous les autres. Les participants cherchent
à transformer les
forces inférieures en les unissant à des
forces plus exaltées. Il est possible, en connaissant la vérité
intérieure et en croyant à la vie d'en haut, d'entrer en contact
plus direct et plus complet, par les Sacrements de toute
religion, avec la Vie
divine qui maintient les mondes. La seule condition est d'apporter au
rite la
nature réceptive, l'acte de foi, le cur ouvert, dont dépendra
la réalisation des possibilités sacramentelles.
Dans le Sacrement du
Mariage, les caractères sacramentels se retrouvent
d'une manière aussi claire et aussi évidente que dans le
Baptême
et dans l'
Eucharistie. Il n'y manque ni le signe extérieur, ni la grâce
intérieure. L'objet matériel est l'Anneau, le cercle,
symbole de
l'éternité. La « Formule d'autorité » est la formule
traditionnelle : « Au Nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit ».
Le « Signe d'Autorité » est l'union des mains, symbolisant l'union
des vies. Les caractères extérieurs essentiels du Sacrement sont
donc tous présents.
La grâce intérieure est l'union des intelligences
et des curs, rendant possible l'union spirituelle, sans laquelle le
Mariage
n'est plus le
Mariage, mais une simple union physique et temporaire. Le don et
la réception de l'anneau, la formule prononcée, les mains jointes,
tout cela forme l'image
allégorique. Si la grâce intérieure
n'est pas reçue, si les participants ne se prêtent point à
son action par le désir que leur union soit parfaite, le Sacrement perd
ses propriétés bienfaisantes et devient une pure formalité.
Mais le
Mariage présente encore une signification plus haute : d'une seule
voix les
religions le proclament l'image, ici-bas, de l'union entre le terrestre
et le céleste, entre l'homme et
Dieu. Plus encore : le
Mariage représente
la relation entre l'
Esprit et la Matière, entre la
Trinité et l'Univers.
Telles sont la profondeur et la portée de l'union, dans le
Mariage, de
l'homme et de la femme.
L'homme représente ici l'
Esprit
ou
Trinité de la Vie, et la femme la Matière ou
Trinité de
la substance, base de la forme. L'un donne la vie, l'autre la reçoit et
la nourrit. Etres complémentaires, moitiés inséparables d'un
seul tout, ils ne sauraient exister l'un sans l'autre. Si l'
Esprit implique la
Matière et la Matière l'
Esprit, le mari implique de même la
femme, et la femme le mari. L'Existence abstraite se manifeste sous deux aspects,
comme une
dualité d'
Esprit et de Matière qui dépendent l'un
de l'autre et se manifestent simultanément ; de même, l'humanité
se manifeste sous deux aspects, l'
épouse et l'
époux, incapables
de vivre séparés et formant un tout. Le
Mariage est l'image de
Dieu
et de l'Univers. Tel est le lien étroit unissant le mari et la femme. Nous
l'avons dit plus haut, le
Mariage symbolise également l'union entre
Dieu
et l'homme, entre l'
Esprit universel et les
Esprits individualisés. Cette
image se retrouve dans tous les grands livres sacrés de ce monde, dans
les Ecritures Hindoues, Hébraïques et Chrétiennes ; par extension,
elle a été appliquée à une Nation ou à une
Eglise, réunion d'
Esprits individualisés formant un ensemble.
Celui qui t'a formée sera ton Epoux dit Esaïe à
la nation Israélite
l'Eternel des armées est son nom
(350)...
Ton Dieu se réjouira de toi,
de la joie qu'un époux a de son épouse (351).
De même
saint Paul nous dit que le mystère du
Mariage représente
le Christ et l'
Eglise (352).
Tant que l'
Esprit et la Matière restent latents et ne se manifestent point, aucune production n'apparaît ; se manifestent-ils ensemble, l'évolution commence. De même, il n'y a point de production de vie nouvelle tant que les deux moitiés de l'humanité ne se sont point manifestées comme mari et femme. Leur union est encore nécessaire, afin de produire dans chacun des
époux une évolution plus prompte, des progrès plus rapides. Grâce à la moitié qu'ils peuvent se donner réciproquement, ce que l'un ne possède point l'autre le lui apporte. Le couple ne devrait plus former qu'un seul être, manifestant les possibilités spirituelles de l'humanité. Leur union représente enfin l'Homme parfait, en qui l'
Esprit et la Matière sont à la fois complètement développés et parfaitement en
équilibre, l'Homme divin qui unit en Lui-même l'
époux et l'
épouse, le principe mâle et le principe féminin dans la nature comme «
Dieu et l'Homme sont un seul Christ
(353) ».
On comprend, en étudiant à ce point de
vue le Sacrement du
Mariage, pourquoi les
religions ont toujours regardé le
Mariage comme indissoluble et pourquoi elles ont préféré voir quelques couples mal assortis en souffrir, que de permettre à l'
idéal du véritable
Mariage de subir, pour tous, un abaissement permanent. Les peuples sont libres de choisir : ils peuvent adopter comme
idéal national un lien conjugal spirituel ou un lien conjugal terrestre, y chercher une unité spirituelle ou n'y voir qu'une simple union physique ; dans le premier cas, ils adoptent l'idée
religieuse que le
Mariage est un Sacrement ; dans le second, l'idée matérialiste qu'il se borne à être un contrat ordinaire, susceptible de résiliation. L'étudiant des Mystères Mineurs y verra toujours un
rite sacramentel.
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(336) Ante, p. 334.
(337) Christian Records, p. 129.
(338) The Great Law, pp. 161-166.
(339) Ante, p. 155.
(340) Diegesis, p. 219.
(341) I St Pierre, III, 4 (Version Le Maistre de
Sacy).
(342) II Rois, III, 17.
(343) 1 Cor., X, 16.
(344) Jér., XLIV.
(345) Gen., XIV, 18, 19.
(346) The Great Law, pp. 177-181, 185.
(347) Lévit., XVII, 11.
(348) Voilà pourquoi il y a chez vous beaucoup de malades et d'infirmes, et bon nombre de personnes meurent.
I Cor., XI, 30. (N. d. T.)
(349) Rom., XII, 1.
(350) Es., LIV, 5.
(351) Es., LXII, 5.
(352) Ephés., V, 23-32.
(353) Credo d'Athanase.