CHAPITRE IV
LANGUE CELTIQUE
V - Le Neimheid
L'identité de la langue
celtique avec celle des
Tectosages devient tout à fait évidente par la
décomposition des appellations données aux diverses parties du sol
gaulois et surtout par la
décomposition des noms de tribus transmis par l'
histoire ; ces noms renferment, en effet, en les interprétant par la langue Anglo-Saxonne, des indications justes, précises et confirmées par l'
histoire.
Ces dénominations, qui affectent tout le pays
celtique, ne sont pas certainement l'uvre du peuple ; on ne pouvait point livrer, abandonner la
composition sérieuse, exacte et fidèle de ces [24] noms essentiels, à des caprices sans nombre et sans fondement. Il y avait assurément un
corps savant chargé de ce soin ; et ce qui le rend manifeste, ce sont les appellations semblables imposées à des pays placés aux deux extrémités de la Gaule. Pour en donner quelques exemples assez frappants, pourquoi un
Aleth existait-il anciennement dans la tribu des Curiosolites, et un autre
Aleth existe-t-il encore dans le
Languedoc ? Ou ces deux localités exerçaient la même industrie, ou encore elles possédaient un sol bien ressemblant. Pourquoi la ville de
Rennes en
Bretagne et la station Thermale de
Rennes-les-Bains du département de l'Aude portent-elles le même nom ? C'est évidemment à cause de la similitude qu'offraient les deux pays par leurs ménirs et leurs pierres branlantes. Pourquoi encore la ville de
Rennes, portant, d'après Strabon, le nom de Condate, trouvait-on un autre Condate dans la tribu des
Allobroges, et un troisième chez les Santones, si ce n'est qu'on devait enseigner dans ces villes les mêmes traditions ?
Cela ne démontre-t-il pas qu'un
corps savant et fortement constitué était chargé de donner à chaque cité et à toutes les parties du terrain
celtique des dominations, justifiées par la vérité et l'exactitude des objets signifiés ? [25]
« Selon les traditions irlandaises, dit H. Martin, Gadhel ou
Gaël, personnification de la race, est fils de Neimheidh. Qu'est-ce que ce Neimheidh, cette mystérieuse figure qui plane sur nos origines ? L'
histoire ne peut répondre. »
(10)
Neimheidh n'est point le nom d'un chef
gaulois ; il signifie celui qui est à la tête, commande, conduit et donne les dénominations,
to name (
néme), nommer,
to head (
hèd), être à la tête, conduire, et il était matériellement impossible à un seul homme de donner à
tout le pays
celtique les noms que portent les cités, les tribus, les rivières et les moindres parcelles de terrain : c'était là l'uvre d'un
corps savant et le terme de Neimheidh, appliqué à ce
corps d'élite
composé des
Druides, présente une expression de vérité indéniable, puisque les
Druides étaient à la fois
prêtres,
juges, chefs incontestés des
Gaulois et chargés de la transmission de toutes les sciences.
Les
Druides du Neimheidh savaient former excellemment les noms propres d'hommes ou de lieux : ils employaient surtout les termes monosyllabiques de leur langue et les plaçaient dans un agencement tel, que les son de ces monosyl- [26] labes, accolés les uns aux autres, ne pouvaient blesser l'oreille la plus délicate. La
décomposition des mots
celtiques désignant les villes et les tributs
gauloises fera le
jour le plus complet sur la manière de faire de ces savants, ainsi que nous le verrons plus loin, lorsque nous parlerons des
Armoricains et des autres peuples de la Gaule.
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(10) Histoire de France, note 1 de la page 1.