CHAPITRE V LE CHRIST MYTHIQUE
Nous avons déjà vu comment la Mythologie Comparée sert d'arme pour combattre la Religion ; ses coups les plus dangereux ont été portés contre le Christ. La mise au monde par une Vierge le « Jour de Noël », le massacre des Innocents, les miracles du Christ et Ses enseignements, Sa crucifixion, Sa résurrection et Son ascension, tous ces
événements que présente l'histoire de Sa vie, on nous les montre de même dans les récits d'autres vies et ces identités servent d'argument pour mettre en doute son existence historique. En ce qui concerne les miracles et la doctrine, nous n'insisterons pas. La plupart des grands Instructeurs, nous le reconnaissons, ont accompli des actes qui, sur le plan physique, semblent miraculeux à Leurs contemporains, mais comme les occultistes le savent sont dus à l'emploi de facultés propres à tout Initié au-dessus d'un certain grade. Nous reconnaissons aussi que la doctrine de Jésus ne Lui appartient pas exclusivement ; mais, si l'étudiant de la Mythologie Comparée croit avoir prouvé que l'inspiration divine n'existe pas, en montrant l'identité des enseignements moraux donnés par Manou, par le Bouddha, par Jésus, l'occultiste déclare que Jésus devait forcément répéter les enseignements de Ses prédécesseurs, puisqu'Il était envoyé par la même Loge. Les vérités profondes concernant l'Esprit Divin et l'Esprit Humain étaient aussi absolues vingt mille ans avant la naissance de Jésus en Palestine qu'après Sa venue. Affirmer que le monde a été privé d'une semblable doctrine et que l'homme a été laissé dans les ténèbres morales depuis son origine jusqu'à une époque plus ancienne que la nôtre de vingt siècles, équivaut à dire qu'il y avait une humanité sans Maître, des enfants sans Père, des âmes demandant à grands cris la lumière, au sein de ténèbres qui restaient muettes idée aussi blasphématoire envers Dieu qu'elle est désolante pour l'homme théorie contredite par l'apparition de tant de Sages, par l'existence de littératures sublimes, pendant des milliers de siècles, avant l'avènement du Christ.
Reconnaissant donc en
Jésus le Grand Maître de l'Occident, le messager suprême envoyé par la Loge au monde occidental, il nous reste à résoudre une difficulté qui a détaché
beaucoup de personnes du Christianisme. Pourquoi les fêtes commémoratives
d'événements arrivés dans la vie de
Jésus se retrouvent-elles
dans les
religions plus anciennes que le Christianisme et y rappellent-elles des
événements identiques survenus dans la vie d'autres instructeurs ?
La Mythologie Comparée est venue, dans les temps modernes, poser cette question ; elle est née il y a environ un siècle, ayant fait son apparition avec l'
Histoire Abrégée de différents cultes de Dulaure, l'
Origine de tous les cultes de Dupuis, le
Hindu Pantheon de Moor et l'
Anacalypsis de Godfrey Higgins. Ces ouvrages furent suivis d'une foule d'autres, toujours plus scientifiques et plus exacts dans leur manière de réunir et de comparer les faits, si bien qu'il est devenu impossible, pour une personne instruite, même de mettre en doute les identités et les ressemblances qui se présentent partout. De nos
jours, aucun Chrétien, à moins d'être illettré, ne voudrait soutenir que les
Symboles, cérémonies et
rites Chrétiens sont uniques. Parmi les personnes sans instruction, nous voyons bien encore la foi naïve marcher de pair avec l'
ignorance des faits, mais, en dehors de cette catégorie, aucun Chrétien, même le plus fervent, ne nie que le Christianisme a beaucoup de points communs avec des
religions plus anciennes. On sait d'ailleurs que, dans les premiers siècles « après Jésus-Christ », ces ressemblances étaient reconnues de tous et que la Mythologie Comparée moderne ne fait que répéter, avec plus de précision, ce qui était universellement admis dans l'
Eglise Primitive. Justin
martyr, par exemple, ne se lasse pas de citer les
religions de son temps et, si un adversaire moderne du Christianisme voulait réunir un grand nombre de cas où la doctrine Chrétienne est identique à celle de
religions plus anciennes, il ne saurait suivre de meilleurs guides que les apologistes du deuxième siècle. Il cite les enseignements, les récits, les
Symboles Païens et s'appuie sur le fait même de leur identité à ceux du Christianisme, pour montrer qu'il ne faut pas rejeter ces derniers à la légère, comme inadmissibles.
« Les auteurs, dit Justin
martyr, qui nous ont transmis les
mythes des poètes, ne fournissent point de preuves aux jeunes gens qui les étudient. Quant à nous, nous allons démontrer qu'ils sont
dus à l'inspiration de méchants démons et destinés à tromper et à
dévoyer la race humaine. Car, ayant entendu proclamer par les prophètes
la venue du Christ et le châtiment par le
feu des hommes
impies, ces démons
firent apparaître certains hommes sous le nom de fils de Jupiter, espérant
par là donner l'impression que ce qu'on dit du Christ n'est qu'un conte
merveilleux du même genre que les récits des poètes. » « A vrai dire, les démons, ayant entendu le prophète prescrire ces
ablutions, inspirèrent à ceux qui pénètrent dans leurs temples pour offrir des
libations et des holocaustes, l'idée de s'asperger de la même façon ; ils ont amené de même leurs fidèles à se laver entièrement en quittant le temple. » « Les méchants démons l'ont imitée (la
Cène) dans les mystères de
Mithra et prescrivent de célébrer un
rite analogue
(174). » « Quant à moi, je ris en découvrant le méchant déguisement dont les
esprits malins ont affublé les doctrines divines du Christianisme, afin d'en détourner les autres hommes
(175). »
Ces identités étaient donc regardées comme l'uvre des démons comme des copies d'originaux Chrétiens
répandues à profusion dans le monde, antérieurement au Christ, pour nuire à la réception de la vérité quand elle apparaîtrait. Il est difficile de voir dans les doctrines les plus anciennes des copies et dans les plus récentes les originaux mais, sans discuter avec Justin
martyr, si les copies ont précédé les originaux, ou les originaux les copies, nous acceptons son témoignage quand il déclare
que ces identités existaient entre les croyances répandues à
cette époque dans l'Empire
Romain et la
religion nouvelle qu'il défendait
lui-même.
Tertullien est tout aussi catégorique ; il mentionne en ces termes l'objection faite, de son temps également, au Christianisme : « Les peuples qui n'ont aucune notion de ce que l'
Esprit peut accomplir attribuent à leurs
idoles la faculté de communiquer à l'
eau des propriétés identiques. » « Je reconnais le fait, répond très franchement
Tertullien, mais ces gens-là emploient, sans s'en douter, une
eau privée de toute efficacité. Certaines
ablutions accompagnent en effet leur
initiation à des
rites sacrés propres à une Isis ou à un
Mithra célèbres ; ils honorent les
Dieux eux-mêmes par des
ablutions... Aux
jeux Apollinaires et Eleunisiens ils sont baptisés et supposent qu'ils obtiendront ainsi la régénération et la rémission des peines méritées par leurs parjures. Nous reconnaissons le fait et constatons ici encore le zèle du diable cherchant à imiter les choses de
Dieu en baptisant, lui aussi, ses serviteurs
(176). »
Pour résoudre le problème de ces identités,
il faut étudier le Christ
Mythique le Christ des
mythes ou
légendes
solaires car ces
mythes sont les formes pittoresques sous lesquelles ont
été données au monde certaines vérités profondes.
Or, un «
mythe » ne répond en aucune façon
à l'idée qu'on s'en fait généralement ; ce n'est pas une
histoire fantastique reposant sur un fait ou même dépourvue de toute base réelle. Le
mythe est infiniment plus vrai que l'
histoire ; l'
histoire ne nous montre que des ombres, le
mythe nous parle des
corps qui les produisent. « Ce qui est en haut est analogue à ce qui est en bas... » Nous pouvons
ajouter que ce qui est en haut
précède ce qui est en bas. Notre système a été édifié suivant certains grands principes ; ces principes, des lois déterminées en assurent l'application détaillée ; certains Etres personnifient ces principes ; les lois sont Leurs modes d'action. D'innombrables êtres de grade inférieur servent de véhicules d'
agents d'instruments à leurs activités ; parmi ces derniers se trouvent des Egos humains qui leur sont associés dans cette tâche et jouent un rôle dans le grand drame cosmique. Tous ces travailleurs, appartenant aux mondes invisibles, projettent leurs ombres sur la matière physique, et ces ombres sont des « choses », les
corps, les objets qui composent l'univers physique. Ces ombres ne donnent qu'une pauvre idée des objets dont elles proviennent ; ce ne sont que des silhouettes présentant, au lieu de détails, une obscurité uniforme ; elles ont une longueur et une largeur, mais aucune profondeur.
L'
histoire est un récit, très
imparfait et souvent défiguré, du
jeu capricieux de ces ombres dans
le monde irréel de la matière physique. Il suffit d'avoir vu des
ombres chinoises habilement réglées et d'avoir comparé les
mouvements exécutés derrière l'écran où se
projettent les ombres au
jeu des ombres sur l'écran, pour se faire une
idée très nette de la nature
illusoire des
ombres-actions
et pouvoir en déduire plusieurs analogies suggestives
(177).
Le
mythe est le récit des mouvements de ceux qui projettent
leurs ombres, et le langage employé pour ce récit est ce qu'on appelle
le langage
symbolique. Ici-bas nous employons des mots pour représenter
les objets ; le mot « table », par exemple, est le
symbole d'un objet
déterminé d'un certain genre. Or, sur des plans plus élevés,
les
symboles représentent également des objets ; ils constituent
un alphabet pittoresque employé par tous les auteurs de
mythes, et chacun
possède un sens déterminé. Un
symbole sert à représenter
un certain objet, tout comme nos mots servent à distinguer les objets entre
eux. La connaissance des
symboles est donc nécessaire pour lire un
mythe
; car les premiers auteurs des grands
mythes ont toujours été des
Initiés, habitués à employer le langage
symbolique et qui
naturellement emploient les
symboles dans leur sens fixe et conventionnel.
Un
symbole offre un sens principal, puis différents
sens secondaires qui se rattachent au premier. Le
Soleil, par exemple, est le
symbole du Logos ; c'est là son sens principal ou primaire. Mais le
Soleil
marque aussi l'incarnation du Logos ou encore l'un quelconque des grands
Envoyés qui Le représentent momentanément comme un
ambassadeur représente son Roi.
Les grands Initiés chargés
de missions spéciales, qui S'incarnent parmi les hommes et vivent avec
eux pendant quelque temps, comme Rois ou Instructeurs, seraient désignés
par le
symbole du
Soleil. Individuellement parlant, ce
symbole ne leur appartient
pas, mais il leur est conféré par leur dignité.
Tous ceux qui sont représentés par ce
symbole offrent certaines
particularités, se trouvent dans certaines situations, suivent certains
modes d'activité pendant leurs vies terrestres. Le
Soleil est l'ombre physique
ou, comme il est appelé, le
corps du Logos ; par suite, son cours annuel
représente
Son activité, mais d'une manière imparfaite :
telle une ombre représentant les mouvements de l'objet qui la cause. Le
Logos, « le Fils de
Dieu » descendu sur le plan matériel, a pour
ombre le cours annuel du
Soleil ; cette vérité nous est présentée
dans le
Mythe Solaire. De même, une incarnation du Logos, ou de l'un de
Ses grands ambassadeurs, représentera aussi comme une ombre, dans
Son corps
d'homme, cette activité du Logos. Les biographies de ces ambassadeurs offrent
donc forcément des points identiques. Bien plus, l'absence de ces points
indiquerait immédiatement que la personne en question n'était pas
un ambassadeur
plénipotentiaire, mais que sa mission était moins
haute.
Le
Mythe Solaire est donc un récit exposant tout d'abord
l'activité du Logos ou Verbe dans le Cosmos ; subsidiairement, il raconte
la vie d'un être qui est, soit une incarnation du Logos, soit un de Ses
ambassadeurs. Le Héros du
mythe est généralement représenté
comme un
Dieu ou Demi-Dieu, et sa carrière comme l'aura fait comprendre
ce qui précède sera déterminée par le cours
du
Soleil, cet
astre étant l'ombre du Logos. La partie du trajet parcourue
pendant la vie humaine est celle qui tombe entre le
solstice d'
hiver et l'arrivée
au
zénith, en été. Le Héros naît au
solstice
d'
hiver, meurt à l'
équinoxe de printemps et, vainqueur de la mort,
monte au
ciel.
A cet égard, la citation suivante est intéressante, bien que l'auteur,
se plaçant à un point de
vue plus général, envisage
le
mythe comme une
allégorie représentant des vérités
sous-jacentes :
« La
légende », a dit Alfred de
Vigny,
« est souvent plus vraie que l'
histoire, car elle ne raconte pas des faits
souvent incomplets et avortés, mais le génie même de grands
hommes et de grandes nations. » Cette belle pensée peut s'appliquer
admirablement à l'
Evangile, car l'
Evangile n'est pas seulement le récit
du passé, c'est encore le récit de tout ce qui est et de tout ce
qui sera éternellement. Toujours le Sauveur du monde sera adoré
par les rois de l'intelligence, représentés par les
Mages. Toujours
Il multipliera le pain
Eucharistique pour nourrir et réconforter les
âmes
; toujours, quand nous L'invoquerons dans la nuit et dans la tempête, Il
viendra vers nous, marchant sur les
eaux ; toujours Il étendra Sa main
pour nous faire franchir la crête des vagues ; toujours Il guérira
nos maladies et nous rendra la lumière ; toujours, à Ses fidèles,
Il apparaîtra lumineux et transfiguré, sur le Thabor, interprétant
la loi de Moïse et modérant le zèle d'
Elie (178). »
Comme nous le verrons, les
Mythes sont intimement liés aux Mystères,
car les Mystères consistaient, en partie, à montrer dans des tableaux
animés les événements des mondes supérieurs prenant
corps dans les
mythes. Dans les pseudo-Mystères, des fragments incomplets
des tableaux animés montrés dans les véritables Mystères
étaient même représentés dans un drame et sur une scène,
par des acteurs. Beaucoup de
mythes secondaires sont précisément
ces drames mis en paroles.
Rien de plus clair, dans ces grandes lignes, que l'
histoire
du
Dieu Solaire ; sa vie laborieuse occupe les six premiers mois de l'année
solaire, les six derniers étant une période de protection et de
conservation générales ; il naît toujours au
solstice d'
hiver,
après le
jour le plus court de l'année, à minuit, le 24 décembre,
quand le signe Virgo s'élève au-dessus de l'
horizon ; né
au moment où paraît ce signe, il est toujours mis au monde par une
vierge qui conserve sa virginité après la naissance de l'
Enfant
Solaire, comme la Virgo céleste demeure intacte et pure quand, dans les
cieux, elle donne naissance au
Soleil. L'
enfant est faible et débile comme
un nouveau-né ; il est venu au monde quand les
jours sont les plus courts
et les nuits les plus longues (nous sommes au nord de l'équateur) ; son
enfance est entourée de dangers et, tout d'abord, le règne des ténèbres
est beaucoup plus long que le sien ; il survit néanmoins à tous
ces périls qui le menacent, et le
jour s'allonge à mesure que s'approche
l'
équinoxe de printemps ; enfin arrive le moment de son passage, la crucifixion,
dont la date varie chaque année. Certaines sculptures représentent
le
Dieu Solaire entouré par le cercle de l'
horizon ; sa tête et ses
pieds touchent le cercle au nord et au sud, ses mains étendues le touchent
à l'est et à l'ouest. « Il a été crucifié.
» Puis il s'élève triomphant et monte au
ciel ; il mûrit
l'épi et sa grappe et donne de sa propre vie pour former leur substance
et par eux, le
corps de ses adorateurs. Le
Dieu né à l'aube du 25
décembre est toujours crucifié à l'
équinoxe vernal
et donne toujours sa vie pour nourrir ses adorateurs. Tels sont les caractères
les plus saillants du
Dieu Solaire. La date de la naissance est fixe, celle de
la mort est variable, et ce fait devient des plus significatifs quand nous nous
rappelons que la première répond à une position solaire fixe
et la seconde à une position variable. « Pâques » est
une fête variable, calculée d'après les positions relatives
du
soleil et de la
lune. Ce serait là une manière impossible de
fixer chaque année l'anniversaire d'un événement historique,
tandis que c'est une manière très naturelle, ou mieux inévitable,
de calculer une fête solaire. Ces dates changeantes ne se rapportent pas
à l'
histoire d'un homme, mais au Héros du
mythe solaire.
Les mêmes événements se retrouvent dans
la vie des différents
Dieux Solaires, et l'antiquité nous en donne
d'innombrables exemples. L'Isis Egyptienne comme
Marie de
Bethléem
était Notre-Dame Immaculée, l'Etoile de la
Mer, la Reine
du
Ciel, la Mère de
Dieu ; nous la voyons représentée debout
sur le croissant, couronnée d'étoiles ; elle nourrit le jeune
Horus,
et la chaise où la mère est assise, l'
enfant sur ses genoux, porte
une
croix sur le revers du dossier. La Virgo du Zodiaque est représentée,
dans certains dessins anciens, comme une femme allaitant un
enfant ; elle est
le type de toutes les Madones à venir, portant des
Enfants divins, et montre
l'origine du
symbole ; Devaki est, de même, représentée tenant
dans ses bras le divin
Krishna, comme l'est également
Mylitta ou Istar
à Babylone, toujours avec la
couronne d'étoiles ; l'
enfant Tammuz
est sur ses genoux.
Mercure et
Hercule, Persée et les Dioscures,
Mithra
et Zarathustra étaient tous de naissance à la fois divine et humaine.
Le rapport entre le
solstice d'
hiver et
Jésus est
également significatif. La naissance de
Mithra était célébrée,
au
solstice d'
hiver, avec de grandes réjouissances ;
Horus, lui aussi était
né à cette date : « Sa naissance est un des plus grands mystères
de la
religion (Egyptienne). Des peintures murales la représentant se trouvaient
dans les temples... Il était le fils de la Divinité. A
Noël,
ou le
jour correspondant à notre fête, son image était portée
hors du
sanctuaire avec des cérémonies spéciales, comme à
Rome l'image du Bambino est encore portée hors des
églises et montrée
en public
(179). »
Relativement au choix du 25 décembre comme date de la naissance de
Jésus,
Williamson s'exprime en ces termes :
« Tous les chrétiens savent que le 25 décembre
est
maintenant la fête, reconnue, de la naissance de
Jésus,
mais peu de personnes savent qu'il n'en a pas toujours été ainsi.
Cent trente-six dates différentes, dit-on, furent choisies par différentes
sectes chrétiennes. Lightfoot place cet événement au 15 septembre,
d'autres en
février ou août. Epiphane mentionne deux sectes dont
l'une célébrait
Noël en
juin, l'autre en
juillet. La question
fut définitivement réglée par le
pape Jules Ier, en 337 ap.
J.-C. ; et saint Chrysostome, écrivant en 390, dit : «
A Rome
ce jour-là (c'est-à-dire le 25 décembre)
vient aussi
d'être choisi comme celui de la naissance de Christ afin que les païens,
étant occupés par leurs cérémonies (les Brumalia,
en l'honneur de Bacchus), les Chrétiens puissent célébrer
leurs propres rites sans être molestés ». Gibbon, dans
Décadence et Chute de l'Empire Romain,
dit aussi : « Les Romains (Chrétiens),
tout aussi ignorants que
leurs frères relativement à la date de Sa naissance (celle du Christ),
choisirent pour la fêter solennellement, le 25 décembre, moment des
Brumalia du solstice d'hiver où les Païens célèbrent
chaque année la naissance du Soleil. » King, dans
Gnostics
and their Remains, dit à son tour : «
L'antique
fête célébrée le 25 décembre en l'honneur de
la naissance de l'Etre Invincible (180),
et marquée
par les grands jeux au Cirque, se rapporta ensuite à la commémoration
de la naissance de Christ, dont la date exacte, comme l'avouent de nombreux Pères
de l'Eglise était alors, comme aujourd'hui, inconnue. » De nos
jours enfin, suivant le
Chanoine Farrar : «
Tout effort pour découvrir
le mois et le jour de la Nativité est inutile. Nous n'avons aucune donnée
qui nous permette de les déterminer, même d'une manière approximative.
» Nous pouvons conclure de ce qui précède que la fête
du
solstice d'
hiver a été, dans l'antiquité, célébrée
dans les pays les plus éloignés les uns des autres, en l'honneur
de la naissance d'un
Dieu qu'on appelle presque invariablement un Sauveur et dont
la mère est nommée Vierge immaculée. Enfin, les ressemblances
frappantes dont nous avons donné des exemples, non seulement entre les
naissances, mais aussi entre les vies de ces
Dieux Sauveurs, sont beaucoup trop
nombreuses pour s'expliquer par une simple coïncidence
(181).
»
En ce qui concerne le Bouddha, il nous est possible de constater
la manière dont un
mythe s'attache à un personnage historique. L'
histoire
de Sa vie est bien connue et, dans la plupart des récits Indiens, Sa naissance
est simplement celle d'un homme ; mais d'après la relation Chinoise, II
est né d'une vierge Mâyâdevi le
mythe archaïque
trouvant en Lui un nouveau Héros.
Williamson nous dit aussi que, chez les peuples
Celtiques, on allumait et on allume
encore des
feux sur les collines ; ces
feux, que les Irlandais et les
montagnards
Ecossais appellent Bheil ou Baaltinne, portent ainsi le nom de Bel, Bal ou Baal
l'ancienne divinité des
Celtes le Dieu-Soleil bien
qu'ils soient maintenant allumés en l'honneur du Christ
(182).
Envisagée sous son véritable
jour, la fête
de
Noël ne pourrait que présenter de nouveaux motifs de se réjouir
et un caractère plus sacré, puisque les serviteurs de Christ, y
voyant la répétition d'une antique solennité, la retrouveraient
dans le monde entier et loin bien loin en remontant le cours des
siècles. Les cloches de
Noël résonnent donc à travers
l'
histoire de l'humanité, et la nuit des temps nous renvoie l'écho
de leurs harmonies vibrantes. Ce n'est pas la possession exclusive, mais bien
l'acceptation universelle qui est la marque distinctive de la vérité.
La date de la mort comme nous l'avons dit plus haut n'est pas une date fixe comme celle de la naissance. La première est calculée d'après les positions relatives du
Soleil et de la
Lune à l'
équinoxe de printemps, qui varie chaque année, et la mort de tous les Héros Solaires est célébrée à cette époque. L'
animal qui symbolise le Héros est le signe du Zodiaque, dans lequel, à son époque, le
Soleil atteint l'
équinoxe vernal ; or celui-ci varie suivant la précession des
équinoxes. En Assyrie, Oannes avait pour signe Pisces, le
Poisson ; il était représenté sous cette forme.
Mithra coïncide avec le Taureau ; aussi chevauche-t-il sur un Taureau. Osiris était adoré sous la forme d'Osiris-Apis ou Sérapis le Taureau. A Babylone, Mérodach était adoré sous la forme d'un Taureau comme l'était Astarté en Syrie. Quand le
soleil est en Aries le
Bélier ou l'
Agneau Osiris est représenté sous la forme du
Bélier ; il en est de même d'Astarté et de Jupiter
Ammon, et c'est encore le même
animal qui devient le
symbole de
Jésus, l'
Agneau de
Dieu. On trouve partout sculpté, dans les catacombes, l'
Agneau comme
symbole de
Jésus ; Il est souvent aussi représenté appuyé contre une
croix. Williamson dit à ce sujet : « L'
Agneau finit par être représenté sur la
croix, mais ce ne fut que lors du sixième
synode de Constantinople, réuni vers 680, qu'il fut décidé de remplacer le
symbole primitif par une figure humaine attachée sur la
croix. Ce décret fut confirmé par le
pape Adrien Ier (183). » Le
Poisson,
symbole des plus anciens, est également appliqué à
Jésus, et c'est ainsi qu'Il est représenté dans les catacombes.
La mort et la
résurrection du Héros Solaire arrive au moment ou presque au moment de l'
équinoxe vernal, aussi invariablement que sa naissance au
solstice d'
hiver. C'est le moment où Osiris, tombé sous les coups de
Typhon, est représenté sur le cercle de l'
horizon, les bras étendus, comme un crucifié. Cette attitude indiquait primitivement, non pas la souffrance, mais la bénédiction. Chaque année, à l'
équinoxe de printemps, la mort de Tammuz était pleurée en Babylonie et en Syrie ; même coutume en Syrie et en Grèce pour
Adonis, en
Phrygie pour Attis, « représenté sous la forme d'un homme attaché, un
agneau à ses pieds
(184) ». La mort de
Mithra était célébrée d'une manière analogue en Perse, et celle de
Bacchus et de
Dionysos un seul et même Héros en Grèce. Au Mexique nous retrouvons la même
idée, comme toujours rappelée par la
croix.
Dans tous ces pays, au deuil pour la mort succèdent immédiatement les réjouissances pour la
résurrection. Notons, à ce propos, le fait intéressant que le mot « Easter »
(185) comme l'ont constaté les chercheurs, dérive du nom d'Ishtar, vierge et mère de Tammuz
immolé.
Il est également intéressant de constater que le jeûne précédant la mort, à l'
équinoxe de printemps notre
Carême se retrouve au Mexique, à Babylone, en Assyrie, en Egypte, en Perse, en Asie Mineure ; dans certains cas, sa durée est également de quarante
jours (186).
Dans les Pseudo-Mystères, l'
histoire du Dieu-Soleil
était représentée sous la forme d'un drame ; dans les anciens
Mystères, l'
Initié la reproduisait dans sa propre vie ; voilà
pourquoi les «
mythes » solaires et les grands faits de l'
Initiation
se trouvèrent confondus. Voilà pourquoi, quand Christ, le Maître,
devint le Christ des Mystères, les
légendes des Héros plus
anciens célébrés dans ces Mystères se rattachèrent
à Lui et que ces récits furent renouvelés, le plus récent
des Instructeurs divins représentant dès lors le Logos solaire.
Alors aussi la fête de Sa nativité devint la date immémoriale
où le
Soleil naquit de la Vierge, où l'allégresse des armées
célestes remplit le
ciel de minuit, où
Très tôt très tôt Christ est né
La grande
légende du
Soleil s'étant rattachée
à la personne du Christ, le signe de l'
Agneau devint celui de Sa crucifixion,
comme celui de la Vierge était devenu celui de Sa nativité. Nous avons vu que, si le Taureau était consacré à
Mithra et le
Poisson à Oannes, l'
Agneau l'était à Christ. La raison est toujours la même : l'
Agneau était le signe de l'
équinoxe vernal, à l'époque historique où il franchit le grand cercle de l'
horizon et fut recrucifié dans l'espace ».
Ces
Mythes Solaires, qui se répètent à travers les âges, chaque fois avec un Héros de nom différent, l'étudiant ne peut les méconnaître, bien qu'ils puissent, naturellement et à juste titre, être ignorés de l'adorateur. Sont-ils employés comme une arme pour amoindrir ou détruire la majestueuse figure du Christ, il faut, non pas nier les faits, mais comprendre le sens profond de ces récits et les vérités spirituelles exprimées d'une manière voilée par ces
légendes.
Pourquoi ces
légendes se sont-elles mêlées
à l'
histoire de
Jésus ? Pourquoi se sont-elles cristallisées autour de Lui, personnage historique ? Ces récits ne se rapportent pas, au fond, à un homme déterminé nommé
Jésus, mais bien au Christ universel à un homme symbolisant un Etre Divin et représentant une vérité naturelle fondamentale à un homme investi d'une certaine charge, placé vis-à-vis de l'humanité dans certaines conditions caractéristiques, ayant avec elle des rapports particuliers qui se renouvellent d'âge en âge, à mesure que les
générations succèdent aux
générations, les races aux races.
Jésus est donc, comme tous Ses prédécesseurs, « le Fils de l'Homme », titre particulier et distinctif, celui d'une fonction et non d'un individu. Le Christ du
Mythe Solaire était le Christ des Mystères et nous trouvons dans le Christ
mythique le secret du Christ
mystique.
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(174) Vol. II, Justin
Martyr,
Première Apologie, §§, livres LXII et LXXI.
(175) Vol. II, Justin
Martyr,
Deuxième Apologie, § XIII.
(176) Tertullien,
Du Baptême, chap. V.
(177) L'étudiant lirait avec avantage les pages de Platon sur la Caverne et ses habitants, en se rappelant que Platon était un
Initié (
République, 1. VII).
(178) Eliphas
Lévi,
The Mysteries of Magic, p. 48. V. note p. 92 (N. d. T.).
(179) Bonwick,
Egyptian Belief, p. 157. Cité dans
The Great Law, de Williamson, p. 26.
(180) La fête « Natalis Solis Invicti » le
jour de la naissance de l'Invincible
Soleil.
(181) Williamson,
The Great Law, pp. 40-42. Les personnes désirant étudier cette question ne sauraient mieux faire que de lire
The Great Law, dont l'auteur est un homme profondément
religieux et un chrétien.
(182) Williamson,
Ibid., pp. 36, 37.
(183) The Great Law, p. 116.
(184) The Great Law, p. 56.
(185) Easter est le nom de Pâques en anglais (N.d.T.).
(186) The Great Law, pp. 120-123.