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Le Maître Philippe

Jean Bricaud
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CHAPITRE IV
Retour en France et mort du Maître Philippe


      Je ne crois pas nécessaire, pour le moment, de parler plus ouvertement du rôle occulte du Maître Philippe à la Cour de Russie. Peut-être le ferai-je un jour. Je veux cependant noter combien il est regrettable que le gouvernement français n'ait pas saisi tout le parti – il l'a au contraire dédaigné – qu'il aurait pu tirer de l'influence d'un tel homme sur l'Empereur et l'Impératrice. Par la Loge martiniste, dont il était le chef occulte, et dont la plupart des Souverains balkaniques étaient membres, il pouvait, sur les indications du gouvernement français, influencer la politique des Balkans.

      Mais, sans doute, le gouvernement français n'aurait pas voulu traiter avec un "charlatan" ! Et cependant, d'autres gouvernements allaient trouver dans la personne du moine Raspoutine, un homme qui n'allait pas hésiter à faire le jeu de puissances hostiles à son pays.

      Il est remarquable que le Martinisme eut toujours une influence considérable sur l'esprit mystique russe ; et l'impulsion donnée par le Maître Philippe, le Dr. Papus et la Loge martiniste de la Cour, fut, je l'ai dit, la principale raison pour laquelle le Tsar resta, au milieu de toutes les intrigues et de toutes les influences pernicieuses, toujours fidèle à la France et à l'alliance franco-russe. Raspoutine le savait. Il n'ignorait pas non plus que Papus avait – à plusieurs reprises – essayé de démontrer aux Souverains russes que l'influence de Raspoutine leur était funeste. « C'est, disait Papus, un vase pareil à la boîte de Pandore, et qui renferme tous les vices, tous les crimes, toutes les souillures du peuple russe. Que ce vase vienne à se briser, et l'on verra son effroyable contenu se répandre aussitôt sur la Russie. » Aussi Raspoutine détestait Papus, et quand les souverains lui en parlaient, il éclatait violemment :

      « Pourquoi l'écoutez-vous, cet esbroufeur ? Et de quoi se mêle-t-il ?... Si ce n'était pas un intrigant, il aurait bien assez de travail avec tous les impies et tous les Pharisiens qui l'entourent. Nulle part, il n'y a autant de péchés que là-bas, dans l'Ouest ; nulle part, Jésus crucifié ne subit autant d'outrages... Que de fois je vous l'ai dit : tout ce qui vient des Europes est criminel et pernicieux. » (4)

      Aux suggestions criminelles de Raspoutine, de rompre l'alliance franco-russe, le Tsar eut toujours la force de résister, se souvenant des paroles prononcées, au sein de la Loge martiniste, par le fantôme de son très pieux père le Tsar Alexandre III, évoqué par le Maître Philippe.

      Rentré en France, le Maître était néanmoins resté en relation directe avec la Cour, échangeant une correspondance suivie, surtout avec l'Impératrice, qui lui fit don, en récompense des soins qu'il lui avait donnés, d'une superbe automobile.

      Eloigné maintenant de Russie, il soignait sa clientèle à distance. Chaque jour, son courrier lui apportait les ardentes suppliques de malades princiers, de dignitaires en péril. Il était consulté sur toutes sortes de sujets. J'ai eu en mains, et je possède encore, des documents fort curieux. Tantôt c'était de Tsarskoïe-Selo, le colonel K..., de la Maison Impériale, qui lui demandait comment rompre une liaison d'un de ses officiers dont la conduite faisait le désespoir de sa mère, ou au moyen de quelles prières enrayer une épidémie de diphtérie qui décimait la population d'une de ses terres.

      C'était un autre officier qui, de Petrograd, implorait des prières pour son gérant d'affaires tuberculeux, pour la femme d'un de ses amis opérée et dont les chirurgiens désespéraient, pour son chef d'état-major atteint d'une dangereuse bronchite.

      De Peterhof, le grand-duc Nicolas et la grande-duchesse de Leuchtenberg demandaient son intervention spirituelle dans les cas graves les intéressant ou intéressant un des membres de leur famille. On le tenait rigoureusement au courant de l'état des malades, dont on lui envoyait le signalement et une mèche de cheveux. Le Maître répondait par courrier, donnant des avis, des conseils médicaux parfois en opposition avec ceux donnés par les médecins. En diverses circonstances, il ordonnait des prières ; tantôt il recommandait d'avoir recours à un miroir magique qu'il expédiait.

      En retour, grands-ducs, duchesses, princes, officiers, lui envoyaient des cadeaux ; c'est ainsi que le grand-duc Nicolas lui envoya par un laquais un magnifique lévrier.

      Cependant, des lettres, et notamment une du Tsar, lui arrivèrent décachetées ; et les télégrammes chiffrés qu'il recevait par voie indirecte et qui donnaient fort à faire aux censeurs, ne gardaient pas toujours leur secret.

      Le Ministère de l'Intérieur faisait, en effet, surveiller cet homme qui correspondait directement avec des Souverains.

      La Préfecture du Rhône faisait prendre copie des lettres qu'il recevait et faisait surveiller les abords de sa maison ; il ne pouvait se déplacer sans flairer dans le compartiment voisin la présence d'un policier. La tenancière d'un bureau de tabac qui se trouvait juste en face de sa maison était chargée de renseigner la police sur les visiteurs, et elle se déclarait « émerveillée du beau monde qu'elle voyait défiler ».

      De son côté, le policier russe Ratchkowski le poursuivant toujours de sa haine, le Maître avait été contraint d'avoir recours, pour s'en débarrasser, à son Altesse le grand-duc Nicolas. La disgrâce du policier avait promptement suivi.


*

*       *


      Dans le courant de l'année 1904, le Maître eut la douleur de perdre sa fille, âgée de 26 ans, et mariée au Dr L..., érudit kabbaliste. Il en conçut un tel chagrin, qu'il résolut peu après de cesser ses consultations. Il chargea son assistant, M. Chapas, de continuer les séances.

      Après avoir vendu une partie de sa fortune mobilière, il se retira à l'Arbresle, petite ville dans les environs de Lyon.

      Lorsqu'on arrivait à la gare de l'Arbresle et qu'on demandait où habitait M. Philippe, les habitants montrant au loin, tout en haut d'une colline dominant la ville, une grande maison dont la terrasse en maçonnerie avait un air redoutable d'ouvrage fortifié, disaient : « C'est là ! M. Philippe est souvent absent. II vit d'ailleurs dans un isolement farouche et l'on ne pénètre point aisément dans sa retraite. »

      Il vivait, en effet, très retiré, ne recevant que quelques amis et disciples.

      Il se plaignait d'ailleurs d'être toujours persécuté. Effectivement, au début de mars 1905, une campagne prochaine du Matin fut annoncée contre lui. Un rédacteur de ce journal, venu à Lyon dans ce but, avait même fait courir le bruit qu'il allait être arrêté comme dangereux au point de vue national.

      Le motif allégué était que le Maître correspondait avec l'Empereur d'Allemagne. Des enveloppes cachetées aux armes impériales et contenant des lettres d'audience signées : Wilhelm, Kaiser, avaient été interceptées. On savait, d'autre part, qu'il avait été reçu à Berlin par Guillaume II. Une campagne de presse se préparait qui allait crier au scandale et exploiter savamment le fait.

      Le Maître savait que tout cela était le résultat de puissantes jalousies. Il en souffrait. Déjà brisé de douleur par la mort de sa fille, il tomba malade, et, après une courte maladie, il mourut à l'Arbresle, le 02 août 1905.

      Son corps fut ramené à Lyon le 05 août et inhumé au cimetière de Loyasse, au milieu d'une affluence énorme d'admirateurs et de malades reconnaissants.

      Sa tombe, qui voisine avec celle de l'illustre Dr. Ollier, est toujours pieusement ornée de fleurs de prix, lilas blancs l'hiver, géraniums et bégonias l'été, et beaucoup de malades y vont encore en pèlerinage, demander au Maître leur guérison.


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 (4)  Maurice Paléologue, Souvenirs, tome III, p. 173.  [Retour au texte]




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